the streets #10

On peut se demander combien d’épisodes va durer cette série. Il en reste deux pour l’instant incluant celui-ci, car je me suis décidé ces derniers jours à utiliser de nouveau mon objectif Canon 17-40. Les photographies de la série the streets sont par contre pratiquement toutes prises avec mon petit objectif fixe 40mm. Sur les premières photographies, on revient vers le quartier de Jimbocho avec la fameuse météorite du Jimbocho Theater. On repasse ensuite faire un tour dans la librairie vintage Komiyama Tokyo. Je constate avec un certain plaisir que la série de grands posters de l’illustratrice Akiakane (秋赤音) est toujours affichée à l’étage. L’affiche publicitaire Supreme avec Kate Moss semble par contre avoir été vendue, et celle avec Neil Young est toujours là, sur un mur de l’escalier montant à l’étage. Ils ne vendent pas encore celle avec Lady Gaga. Juste à côté d’une plaque au sol NTT à l’effigie du petit chat du roman Je suis un chat (吾輩は猫である) de Natsume Sōseki (夏目漱石), nous nous arrêtons quelques instants chez un petit glacier donnant sur la rue. Mari et moi observons la rue distraitement tout en mangeant notre glace à la pistache assis sur un petit banc. Les autres photographies ont été prises à Ginza, dans le grand Department Store Ginza6. J’aime y aller de temps en temps en filant directement à l’étage du Tsutaya, car on y trouve deux petites galeries d’art. Je voulais voir cette fois-ci les gros chats cosmonautes de l’artiste contemporain Kenji Yanobe (ヤノベケンジ), connu pour ses très grandes sculptures. Celle-ci se nomme Big Cat Bang. Dans le vaste atrium de Ginza6, les deux chats sont assis sur la fameuse Tour de Soleil de Tarō Okamoto (岡本太郎). La Tour du Soleil, créée pour l’Exposition universelle de 1970 et toujours en place à Osaka, est bien entendu modifiée pour pouvoir voyager dans l’espace, avec turbines, hublots et autres artifices félins. Les chats ne peuvent par contre apparemment pas entrer à l’intérieur de cette fusée « okamotesque ». Et avec ce billet qui montre beaucoup de photos de chats, je compte ben entendu re-dynamiser mon auditoire.

Photographie extraite de la vidéo du morceau City Lights du groupe anglais The WAEVE.

Côté musique, je pioche quelques très bons morceaux anglais et américains après avoir écouter le podcast Very Good Trip de Michka Assayas sur France Inter. J’écoute ce podcast par à-coups suivant les sujets couverts. J’aime beaucoup les grandes rétrospectives sur un ou une artiste ou sur un genre (récemment sur le hip-hop new-yorkais), couvrant plusieurs épisodes du podcast, ainsi que les épisodes évoquant les nouveautés rock et parfois electro-pop. Sur l’épisode Un automne très anglais, je découvre de très belles choses avec le groupe The WAEVE de Graham Coxon et Rose Elinor Dougall sur le morceau City Lights de l’album du même nom. On reconnaît tout de suite la touche Blur qu’apporte Graham Coxon à la guitare sur ce morceau, et l’intervention du saxophone vers la fin du morceau est un vrai bonheur. J’y découvre également l’excellent morceau intitulé The Painting of the Bay par W. H. Lung sur leur nouvel album Every Inch of Earth Pulsates. J’adore ce type de sons synth-pop-rock. Dans ce podcast, Michka Assayas évoque également le groupe irlandais Fontaines D.C. dont le nom m’est déjà familier, sans m’être penché sur leur musique. Ma petite sœur qui semble beaucoup apprécié la musique du groupe me conseille de démarrer avec le morceau Starbuster de leur dernier album Romance. Ce morceau à base de phrasés hip-hop mélangeant piano et rock est en effet assez exceptionnel. Il y a une intensité qui ne nous laisse pas tranquille pendant toute l’écoute. Le podcast de Very Good Trip consacré à l’ex-Pink Floyd David Gilmour et ses héritiers inattendus me fait découvrir le sublime morceau Between Two Points que David Gilmour interprète avec sa fille, Romany Gilmour, au chant. La voix de Romany et le morceau ont une beauté pénétrante à laquelle on ne peut rester indifférent. Dans les héritiers inattendus mentionnés dans le titre de ce podcast, on trouve Thurston Moore avec un nouveau morceau intitulé New in Town sur son dernier album Flow Critical Lucidity. Thurston Moore s’éloigne ici un peu des sons rock vers quelque chose de plus abstrait voire psychédélique, même si certains accords sonnent toujours comme du Sonic Youth (au moins un accord). Je trouve que son approche rejoint un peu celle de Kim Gordon. Je ne suis pas sûr d’ailleurs d’avoir mentionné ici l’excellent morceau Bye Bye de Kim Gordon sur son album The Collective sorti en Mars 2024, démarrant par des sons de passages ferroviaires japonais. Ces deux là devraient considérer une réformation de Sonic Youth et partir vers ce type de sons expérimentaux. Mais l’irréparable ne peut peut-être pas être réparé. Une excellente surprise de ce podcast Very Good Trip est l’écoute du morceau Riptide d’un groupe nommé Orcas sur l’album How to Color a Thousand Mistakes. Orcas est un duo américain formé par le compositeur minimaliste Rafael Anton Irisarri et par le compositeur, chanteur multi-instrumentiste Benoit Pioulard. Ce deuxième nom m’est tout de suite familier car j’ai quelques morceaux de Benoit Pioulard sur mon iPod depuis presque vingt ans, notamment le morceau RTO vers lequel je reviens régulièrement car sa composition me fascine. Sur le podcast, Michka Assayas nous apprend que Benoit Pioulard est en fait un pseudonyme et que le véritable nom de l’artiste est Thomas Meluch. Je tombe de ma chaise (c’est une image) car le nom Benoit Pioulard m’avait beaucoup intrigué lorsque j’avais découvert ses premiers morceaux. J’imaginais que cet américain devait forcément avoir des origines québécoises, ce qui donnait à sa musique un côté bucolique. Cette impression est peut-être dû au fait que j’associe très fortement le morceau RTO à un lieu spécifique dans la verdure de Nasu Shiobara lorsque j’écoutais presque religieusement ce morceau. Il y a quelque chose qui me réconforte dans la voix de Benoit Pioulard, et je retrouve tout de suite cette impression sur ce nouveau morceau d’Orcas.

閏年エンディング ~其ノ参~

Elle est charmante cette petite coccinelle jaune garée devant les bureaux des architectes Klein Dytham à Ebisu. On ne le remarque pas toujours très facilement mais j’applique régulièrement une certaine symétrie dans l’agencement des photographies de mes billets. Sur celui-ci, je place volontairement les photographies avec une voiture sur le premier et le dernier billet, la coccinelle jaune orientée vers la droite pour signifier le début du billet et la Nissan bleue dirigée vers la gauche pour la fin de la série. L’architecture monolithique de béton en deux photographies est placée au centre et les scènes pleines de verdure viennent faire une transition avec ce béton brut. Ce bâtiment de béton est extrêmement intéressant car on a l’impression que cette masse sans ouverture est en lévitation au dessus du sol. Il s’agit en fait d’une coque de béton maintenue par des piliers au centre du bâtiment. Les murs ne touchent donc pas le sol et sont maintenus par le haut. Il s’agit de nouvelles toilettes publiques ouvertes cette année, situées à côté de la gare de Sendagaya et conçues par les architectes Makoto Tanjiri et Ai Yoshida de l’atelier Suppose Design Office.

Alors que j’appréciais beaucoup écouter les émissions radio de découverte musicale comme celle de Bernard Lenoir sur France Inter quand j’étais étudiant en France ou plus tard sur le feu podcast des Inrockuptibles dans la deuxième partie des années 2000, je n’en ai pas beaucoup écouté ces dernières années faute de connaître de bonnes émissions. On m’avait conseillé d’écouter l’émission Very Good Trip de Michka Assayas sur France Inter et je me suis mis à l’écouter assez assidûment ces derniers temps. L’émission fonctionne souvent par thème ou présente des groupes ou artistes en particulier. Je passe mon tour quand ce sont des artistes que je n’apprécie pas beaucoup (par exemple Kate Bush) mais l’émission devient un vrai plaisir quand elle permet de découvrir des artistes que je connaissais sans connaître (par exemple Dead Can Dance). J’ai beaucoup aimé les émissions rétrospectives sur John Lennon, à l’occasion des 40 ans de sa mort, car Michka Assayas évite les classiques qu’on a trop entendu et nous fait découvrir d’autres facettes moins connues de Lennon, du moins pour un néophyte comme moi. Le podcast de l’émission est même l’occasion d’écouter des morceaux d’albums que je n’aurais sinon probablement jamais écouté, comme le dernier de Paul McCartney dont certains morceaux sont étonnamment très bons (par exemple le morceau Slidin’ au tout début de l’émission). Et puis, il y a des émissions sublimes comme celle en duo avec Philippe Katerine. Je ne connais pas beaucoup la musique de Philippe Katerine, mais le personnage en lui-même est génial et son approche atypique de la musique est très intéressante, sans parler de l’humour qui remplissait l’air de rien toute l’émission. Il y a des émissions que j’ai écouté plusieurs fois car les découvertes y étaient très nombreuses, comme celle où j’ai découvert dans un même podcast, les morceaux Don’t Run and Hide de la norvégienne Ane Brun, le morceau electro On de Kelly Lee Owens sur son album Inner Song ou encore le superbe single Robber de The Weather Station. En fait, j’aime beaucoup le ton de Michka Assayas dans ses émissions. Il arrive, je trouve à transmettre sa passion musicale sans pour autant en faire trop et en restant mesuré dans ces commentaires en général très bien documentés. Il m’a aussi rappelé dans son émission du 18 Novembre que Thurston Moore avait sorti un nouvel album solo intitulé By The Fire, que je me suis dépêché de me procurer. A l’écoute du premier morceau de l’album, j’ai d’abord cru qu’il s’agissait d’un morceau de Sonic Youth, tant le son de sa guitare me semblait familier et proche des sonorités entendues chez Sonic Youth. Il y a d’ailleurs quelque chose de confortable à réentendre ce son après presque 10 ans que le groupe s’est séparé. Je ne ressentais pas ce genre de similitudes sur l’album précédent de Thurston Moore, Rock n Roll Consciousness sorti en 2017, ni sur l’album de Kim Gordon, No Home Record sorti en 2019 car il partait sur des pistes musicales très différentes de celles de Sonic Youth. Au final, après la séparation de Sonic Youth, on se retrouve avec deux artistes indépendants (Thurston et Kim) créant tous les deux d’excellents albums. Thurston donne une grande part à l’instrumental dans les compositions de By The Fire. Sur la partie instrumentale au début du troisième morceau, je m’attends toujours à entendre la voix de Kim Gordon, mais c’est bien Thurston seul qui assure les voix sur la plupart des morceaux sauf le dernier de l’album qui est purement instrumental. Les parties instrumentales jouent sur la puissance des guitares, et peuvent parfois être un peu difficiles à appréhender dès la première écoute, notamment le sixième morceau Locomotives. Thurston vit à Londres depuis quelques années, et est entouré par l’anglaise Debbie Gouge de My Bloody Valentine à la guitare basse et par Steve Shelley, rescapé de Sonic Youth, à la batterie. Steve Shelley joue aussi le rôle d’archiviste des oeuvres de Sonic Youth, qui sont ajoutées petit à petit sur le compte Bandcamp du groupe, notamment de nombreux live et la collection des SYR (dont le 9ème pour la bande originale du film ‘Simon Werner a disparu’ dont je parlais dans un billet précédent). By The Fire s’écoute d’un bloc. On y trouve de nombreuses accroches qui m’y font revenir très régulièrement ces dernières semaines.

consciousnesss

Les photographies de ce billet se perdent en différents lieux à Tokyo ou à ses limites: à l’intérieur du ventre du monstre dans les rues de Ginza, jusqu’à la pointe de ses doigts près des montagnes de Takao où nous sommes attirés par les fleurs.

Je n’avais pas suivi la carrière solo de Thurston Moore, mais j’avais peut être tord vu la qualité de son dernier album intitulé Rock n Roll Consciousness, qui n’est pas sans rappelé le son de Sonic Youth. Ce n’est d’ailleurs pas pour me déplaire. Thurston Moore fait équipe avec Debbie Googe, bassiste de My Bloody Valentine et Steve Shelley, batteur de Sonic Youth, pour cet album ainsi que le précédent The Best Day, que je ne connais pas encore. Il y a un sentiment d’apaisement dans la tonalité de la voix de Thurston Moore, mais la force des guitares est bien présente, que ça soit en bataillon accompagnée de la batterie de Shelley ou comme des cris stridents. Une video est disponible sur youtube pour le morceau Smoke of Dreams. L’écoute de ces morceaux me donne également envie de revenir vers les derniers albums de Sonic Youth, comme The Eternal.