Je ne voulais pas manquer la rétrospective que le Tokyo Photographic Art Museum (東京都写真美術館) consacrait au photographe Masahisa Fukase (深瀬昌久). Ce musée est situé à Yebisu Garden Place et l’exposition montrant 114 photographies se déroulait du 3 Mars au 4 Juin 2023. Fukase est originaire d’Hokkaido et a quitté ce monde en 2012. La rétrospective nous montre plusieurs séries tirées de ses trente années d’activités photographiques de 1961 à 1991. La plus connue et celle que je voulais absolument voir est celle intitulée Karasu [Ravens] montrant des corbeaux dans des paysages d’Hokkaido, en 1976 alors qu’il revenait vers les lieux de son enfance pour fuir un mariage qui se passait mal. La force de ses images nous attire et nous rend en même temps mal à l’aise, car on y ressent la souffrance qu’il devait éprouver à ce moment là de sa vie. Masahisa Fukase est un photographe connu pour montrer des photographies de sa vie personnelle. Il se met parfois en scène sur ses photographies, mais c’est surtout sa femme Yōko Wanibe qu’il a beaucoup photographié. Les photographies, que la galerie met en avant en présentation de l’exposition, montre Yōko dans une série du même nom prise en 1973. Il la prenait en photo tous les jours alors qu’elle partait pour travailler. Il prend aussi régulièrement sa famille en photo pendant vingt ans dans une série intitulée Kazoku [Family], notamment son père qui tenait un petit studio photo à Bifuka, Hokkaido. Après sa séparation de Yōko, il se concentre sur les photographies de son chat Sasuke qu’il reçoit d’un ami photographe en 1977. Même si ces photos de chats peuvent parfois être amusantes, on ressent une solitude et une certaine tristesse en les regardant.
Je me suis mis dans l’idée d’acheter systématiquement une ou plusieurs cartes postales des expositions que je vais voir, lorsque c’est possible. J’ai commencé depuis l’exposition de Wataboku car il m’avait signé une de ses cartes postales. De l’exposition de Fukase, j’en tire quatre dont l’une très connue de la série Karasu [Karasu] prise en 1976. J’en avais déjà parlé dans un ancien billet, j’ai souvent eu envie d’acheter le photobook intitulé Ravens (鴉) mais j’ai toujours hésité en voyant le prix (plus de 10,000 yens). De cette série, j’en garderais au moins une carte postale. Le chat Sasuke est également sur une des cartes postales que j’ai choisi. C’est amusant de le voir s’infiltrer discrètement dans un jeu de go. Les deux autres photos montrent Yōko, une datant de 1973 de la série Yōko que Fukase prenait depuis la fenêtre de leur appartement, et autre intitulée Congratulation, datant de 1963, de la série Yūgi [Homo Ludence]. Cette dernière montre Yōko fumant pendant un moment de pause lors de leur cérémonie de mariage. Je devrais peut-être commencer une collection de photographies de femmes fumant en robe de mariée.
L’envie m’est revenue d’écouter Quruli (くるり) en trouvant l’album Fandelier (ファンデリア) au Disk Union de Shimokitazawa. Il s’agit du deuxième album du groupe sorti le 15 Mai 1998, dans leur période indies, avant leur premier album majeur Sayonara Stranger (さよならストレンジャー) qui sortira en 1999. J’en avais déjà parlé sur ces pages. J’ai une affection particulière pour ces deux années 1998 et 1999 car elles correspondent aux deux années de mes débuts de vie au Japon: en 1998 pendant un mois à Nagasaki, puis à partir de Février à Tokyo en 1999. Écouter la musique de cette époque me donne une certaine nostalgie de ces moments de ma jeunesse, alors même que je n’écoutais pas du tout Quruli à cette époque là. Dans le premier morceau Interlude à la guitare acoustique, on ressent pourtant une certaine nostalgie d’une période de jeunesse passée. Cet interlude est en fait un aperçu du morceau Sakamachi (坂道) qu’on entend plus tard vers la fin de l’album. C’est très certainement le plus beau morceau de l’album. Fandelier est relativement court, composé de 8 morceaux pour 33 minutes. Il mélange les ambiances musicales d’un groupe qui se cherche et essaie plusieurs voies. Le deuxième morceau Mononoke Hime (モノノケ姫) est par exemple particulièrement brut de facture avec une guitare sonnant comme du live dans une petite salle de concert. Le troisième morceau Old-fashioned est un des plus inspirés de cet album et me fait dire qu’il faut toujours s’intéresser aux premiers albums d’un groupe même s’ils ne sont pas encore perfectionnés. L’esprit rock indé transpire de tous les morceaux de l’album et j’aime beaucoup cela. Le morceau qui suit Tsuzuki no nai Yume no naka (続きのない夢の中) ou le suivant Ame (雨) en sont d’autres excellents exemples. J’aime beaucoup le naturel du chant de Shigeru Kishida (岸田繁), notamment sur Ame où on retrouve une manière de chanter qui lui est assez typique. Cet album n’est pas le meilleur ni le plus abouti du groupe mais il n’en reste pas moins un petit moment de bonheur musical, notamment quand il part vers des pistes plus expérimentales comme sur le dernier morceau Yes mom I’m so lonely, très différent du reste de l’album.
En parlant d’exposition de photographies, j’avais dans l’idée d’aller voir une exposition de la jeune photographe Mana Hiraki (平木希奈) qui se déroulait pendant deux jours seulement, les 27 et 28 Mai 2023, dans la petite galerie d’art THE PLUG à Jingūmae. Je suis cette photographe depuis quelques temps sur Twitter puis sur Instagram, car elle a pris en photo certaines artistes que j’aime beaucoup. On lui doit notamment la photographie de couverture de l’album Plantoid de SAMAYUZAME, ainsi que d’autres photographies et vidéos de cette compositrice et interprète dont je parle régulièrement sur ce blog au fur et à mesure qu’elle sort des nouveaux morceaux. Je trouve que le style photographique de Mana Hiraki correspond bien à l’univers onirique de la musique de Samayuzame. Plus récemment, elle a pris en photo Miyuna (みゆな) pour une série en kimono, dont les deux photographies ci-dessus sont extraites. Cette série en particulier m’a tout de suite beaucoup plu. Là encore, j’aime beaucoup les couleurs et l’univers vaporeux proche du rêve qu’elle crée. C’est une constante de son style photographique. Il y a souvent un certain flou qui me donne l’impression qu’un voile léger vient se superposer sur l’artiste photographié. Je me suis posé la question de quelle pouvait être l’inspiration poussant Miyuna et la photographe à utiliser un kimono pour ces photographies. Cette série a été prise peu de temps après le concert groupé J-Wave Tokyo Guitar Jamboree (J-WAVE トーキョーギタージャンボリー) où Miyuna chantait et jouait de la guitare acoustique au Ryōgoku Kokugikan (両国国技館). L’association du kimono et de la guitare sur une scène ouverte sur 360 degrés m’avait forcément rappelé Sheena Ringo sur la scène du Budokan lors de la tournée Electric Mole.
La série de photographies de Miyuna en kimono prise par Mana Hiraki m’a renvoyé vers certaines photographies de Sheena Ringo prises en 2003 à l’occasion de KSK. Je ne fais pas cette allusion complètement par hasard car elle semble être amatrice de la musique de Sheena Ringo, vu qu’elle a acheté récemment le vinyl de KSK comme elle le mentionnait sur Twitter. Peut-être avait elle l’esthétique de l’époque de KSK en tête en prenant ces photographies de Miyuna en kimono, tout en y apportant son esthétique vaporeuse toute particulière. J’aurais très envie de lui poser la question. J’avais donc une forte intention d’aller voir cette exposition à Jingumae, mais quelle n’était pas ma surprise de voir une longue file d’attente devant la galerie. Je m’attendais à pouvoir y entrer rapidement et je n’ai malheureusement pas eu assez de temps pour attendre dans une file qui prenait son temps. En regardant d’un peu plus près le flyer digital de cette exposition intitulée Wave?, je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’une collaboration avec une certaine Rina. Je n’avais pas eu la présence d’esprit de comprendre que cette fameuse Rina prise en photo par Mana Hiraki était en fait membre du groupe rock Scandal (スキャンダル). Il devait y avoir de nombreux fans du groupe présents dans la file d’attente. Je n’ai malheureusement pas pu voir cette exposition mais ce sera partie remise. J’espère qu’elle pourra exposer un jour quelques photographies de Miyuna. Et pour continuer un peu plus avec les liens qui unissent les artistes que j’aime, je remarque sur Instagram que la compositrice et interprète a子, que j’irais normalement voir en concert un peu plus tard ce mois-ci, est également venue voir cette même exposition en cette même journée. Il y a décidément presque toujours un lien, parfois infime, entre les artistes que j’aime. Tout ceci me fascine beaucoup! La photographie ci-dessus montre les couvertures des numéros de Mars et Avril 2003 du magazine Gb que j’ai acheté il y a plusieurs mois. Ce sont deux de mes petits trésors et il faudrait vraiment que j’y revienne un peu plus dans un prochain billet.