une série comme les autres (2)

Après avoir visité le quartier de Tsukuda que j’évoquais dans un billet précédent, je continue à marcher en direction de Ginza. Je voulais d’abord revoir l’oeuf de Toyo Ito, nommé Egg of Winds, posé quelque part entre les immeubles de Tsukishima. J’étais déjà passé le voir il y a quinze ans et je voulais vérifier qu’il était toujours là. Marcher vers Ginza me fait d’abord passer par Tsukiji, mais je n’ai pas fait de détour vers l’ancien marché aux poissons. J’aurais pu appelé ce billet “de Toyo Ito à Toyo Ito”, car le bâtiment rosâtre pour la marque de bijoux Mikimoto est également une création architecturale de cet architecte. Sur la devanture du magasin, on reconnaît l’acteur et chanteur Suda Masaki (菅田将暉) même s’il se cache avec ses mains. On le voit souvent dans les dramas mais je connais moins sa musique à part le morceau Sayonara Elegy (さよならエレジー) qui est depuis un petit moment dans ma playlist lorsqu’on part loin en voiture. Je me pose parfois la question de savoir si je pourrais reconnaître des personnalités connues, des musiciens et artistes, au hasard des rues. Mari me dit régulièrement qu’elle a aperçu untel ou unetelle dans les rues de Tokyo, comme par exemple Takuya Kimura à Naka Meguro (il habite par là-bas). C’est plus rare pour moi, mais j’ai eu la surprise d’apercevoir Utaha (詩羽) de Wednesday Campanella marchant accompagnée dans les sous-sols pourtant très empruntés de la station de Shibuya. Même avec un masque, elle est facilement reconnaissable par sa coupe de cheveux. Je ne pouvais pas me tromper. J’étais sur le moment étonné qu’elle marche normalement à Shibuya sans essayer de trop se cacher, mais en même temps, elle n’est pas encore aussi connue que KOM_I.

Je l’ai déjà mentionné auparavant, la musique rock de Tricot est depuis plusieurs semaines ma baseline musicale, c’est à dire que j’écoute les albums et EPs de Tricot la plupart du temps, tout en alternant de temps en temps avec autre chose, comme le hip-hop mentionné dans le billet précédent. Je montre en photo ci-dessus ma collection de CDs du groupe. J’ai maintenant tous les albums et les principaux EPs mais il en reste quelques autres à trouver. Les CDs de Tricot sont moins faciles à trouver que ceux de Sheena Ringo ou de Tokyo Jihen, ce qui m’a amené à commander en ligne sur le site de Disk Union certains CDs pour aller ensuite les chercher au magasin de Shibuya. On peut se faire livrer chez soi, mais je préfère l’occasion qui m’est donnée d’aller faire un tour dans un magasin de disques. Tous les albums sont excellents et mélangent brillamment des morceaux très puissants en guitares et d’autres plus pop. Il y a toujours ce côté inattendu dans la voix d’Ikkyu et dans les guitares, qui fait que les morceaux sont à la fois accrocheurs et intéressants, je dirais même stimulants, à écouter. Les compositions musicales et vocales ont à chaque fois un petit quelque chose d’inhabituel, et c’est ce point particulier que j’aime tant dans la musique du groupe. C’est aussi intéressant de voir que Tricot ne baisse pas sa garde avec les années, car le dernier album Jōdeki (上出来) possède quelques morceaux où les guitares sont très présentes, comme par exemple le morceau Inai (いない). Ceci me fait dire que le groupe n’a pas d’intention nette de basculer dans de la pop plus mainstream. Il y a tout de même un certain nombre de morceaux aux accents volontairement pop, mais toujours avec une certaine dose d’imprévu. Le morceau Kayoko (カヨコ) sur Jōdeki en est un bon exemple. Ça doit être le morceau que je préfère du groupe, car on ressent une sorte d’immédiateté et de liberté qui me plaisent beaucoup. Musicalement, ce que fait Tricot est superbe et sophistiqué. On a le sentiment que c’est du rock sur lequel on doit se creuser les méninges, pour suivre les accords de la guitariste Kida qui partent dans différentes directions. C’est le côté math rock de Tricot. Mais en même temps, la voix et les paroles d’Ikkyu accompagnées des chœurs de Kida et Hiromi ont quelque chose de très spontané. L’esprit général ne diffère pas sur les trois albums que j’écoute plus récemment, à savoir 3 (le troisième album du groupe) puis 10 (le cinquième album sorti lors des dix années de carrière du groupe) et le dernier Jōdeki (avec en photo de couverture le chien d’Ikkyu répondant au nom de Wicket,). Parmi les six albums du groupe, j’aurais beaucoup de mal à dire lequel je préfère. Le son des premiers albums est certes plus brut et l’album A N D reste le plus agressif de tous. Les albums qui suivent dont les trois ci-dessus et Makkuro (真っ黒) que je mentionnais précédemment arrivent à mélanger brillamment des ambiances plus calmes, d’autres plus pop avec la complexité du son des guitares et des percussions. Tricot est devenu en peu de temps le groupe de rock japonais que je préfère juste derrière Tokyo Jihen. Le rapprochement est d’ailleurs intéressant, car la vidéo du morceau Itazura (悪戯) de l’album 10 de Tricot a été tournée au même endroit que la vidéo Hotoke Dake Toho (仏だけ徒歩, ou To Nirvana dans son titre anglais), dans un replica de pavillon de banlieue américaine se trouvant dans la ville de Futtsu à Chiba. Tokyo Jihen a en fait copié Tricot car le morceau Itazura est sorti avant Hotoke Dake Toho. Dans cette même vidéo, Ikkyu porte une petite couronne sur la tête qui me rappelle celle que portait Sheena Ringo à ses débuts sur la tournée Senkō Ecstasy (閃光エクスタシー), qui elle-même me rappelle Courtney Love en photo sur l’album Live Through This de Hole. Et quand on sait que Tokyo Jihen portait le modèle de lunettes de Kurt Cobain dans la vidéo de Hotoke Dake Toho, je ne peux m’empêcher de voir là une convergence d’influences. Ça me plaît forcément beaucoup de trouver des relations entre le rock alternatif américain que j’écoutais dans les années 90 et le rock japonais que j’écoute maintenant.

Lorsque je suis allé voir Tricot dans la salle de concert Toyosu Pit pour la finale de leur tournée Walking x Walking, le groupe annonçait que leur tournée européenne serait reportée et que, pour patienter, trois concerts seraient organisés dans des petites salles de Tokyo à des heures européennes pour une retransmission internet. J’ai regardé en direct le concert du dimanche 10 Avril qui passait à 4h du matin heure de Tokyo (ce qui doit faire 21h en France). Le principe était intéressant. Le public était très limité car le concert se passait dans une toute petite salle appelée Flowers Loft à Shimokitazawa. Chaque spectateur devenait streaming staff et avait pour mission de filmer le concert au smartphone en live sur Instagram. Les adresses Instagram des comptes de chaque spectateur étaient inscrites sur une page spécifique sur le site web de Tricot. On pouvait donc sélectionner le compte Instagram qu’on souhaitait suivre parmi ceux disponibles. On final, j’ai regardé ce concert depuis chez moi avec mon iPhone, mon iPad et mon iPod en simultané pour avoir différents points de vue. Les membres du groupe se filmaient également par moment, notamment Ikkyu sur le final. Cette manière de faire non-professionnelle était très intéressante et l’accès était donc gratuit. Cette mini-tournée de trois concerts s’appelle STOPxSTEP tour 2022 et chacun des concerts a un concept différent. Le premier épisode s’appelait Himitsu. Chaque membre du groupe était habillé en noir, comme à la période de l’album Makkuro et le public devait resté silencieux. Le concert que j’ai regardé en streaming s’intitulait Bakurestu (爆裂), ce qu’on peut traduire par Explosion. Le concert se concentrait donc sur les morceaux rock les plus riches en guitares, comme Tokyo Vampire Hotel sur l’album 3, Noradrenaline sur A N D, Inai sur Jōdeki, Itazura sur 10 ou encore Pool sur le premier album THE. Pendant un des moments où Ikkyu s’adressait au public, elle faisait d’ailleurs remarquer que ce concert aurait dû plutôt s’appeler Pool, car la vidéo de ce morceau montrait justement des personnes filmant le groupe au smartphone comme lors du concert. Comme le concert était principalement destiné au public étranger hors Japon, Ikkyu et Kida ont parlé un peu en anglais mais le niveau d’Ikkyu est plus que moyen (Montifour Kida avait l’air de mieux maîtriser). Le morceau Dogs and Ducks sur le dernier album Jōdeki est d’ailleurs une référence à son pénible apprentissage de l’anglais car elle avait apparemment du mal à faire la distinction entre les mots Dogs et Ducks. Le concert Bakurestu comportait en tout 18 morceaux (incluant 3 en rappel) pour un total de plus d’une heure sur scène. La playlist était très variée reprenant des morceaux de tous les albums. Le son retransmi à travers les smartphones était d’assez bonne qualité, ce qui m’a d’abord surpris, mais les spectateurs étaient vraiment au plus près de la scène. Sinon. Le concert était impeccable et il n’y avait rien à redire. Ikkyu fourmille d’idées originales, ce qui fait aussi que ce groupe est intéressant à suivre. Tricot et Ikkyu sont aussi très présents sur YouTube, pour des vidéos parfois humoristiques comme cette interview en partie fausse d’Ikkyu où elle nous énonce des phrases comme 自分は自分であって自分ではない (je suis moi-même sans être moi-même) en parlant d’elle-même. Je ne sais pas vraiment comment traduire correctement cette phrase à vrai dire, mais elle nous dit qu’elle se répète cette phrase deux cents fois tous les matins et soirs, et qu’après une période de folie, cette phrase finit par prendre sens. Bref, tout ceci est plein de non-sens mais sa manière convaincante d’évoquer cela est très amusant. D’autres vidéos nous font part de ces voyages au Japon, comme par exemple à Aomori sous la neige. L’accompagner dans des paysages enneigés a quelque chose de très plaisant et apaisant. Pour revenir au concert Bakuretsu, j’ai saisi plusieurs copies d’écrans ci-dessus. Les esprits éveillés auront tout de suite remarqué le t-shirt du batteur Yosuke Yoshida, tirée de l’album Washing Machine de Sonic Youth. Et ceci le ramène sur les liens entre le rock américain des années 90 et le rock japonais actuel. J’ai également évoqué que la partie expérimentale bruitiste du morceau Himitsu de l’album Makkuro me rappelait Sonic Youth. Ce genre de liens me satisfait forcément beaucoup.

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la liste des morceaux interprétés par Tricot pendant ce concert STOPxSTEP tour 2002 Day 2 Bakuretsu:

1. Bakuretsu Panie San (爆裂パニエさん) du EP Bakuretsu Tricot San (爆裂トリコさん)
2. Tokyo Vampire Hotel de l’album 3
3. Super Summer (スーパーサマー) de l’album Jōdeki (上出来)
4. Noradrenaline de l’album A N D
5. 18, 19 de l’album 3
6. E de l’album A N D
7. Itsumo (いつも) de l’album Jōdeki (上出来)
8. End roll (エンドロールに間に合うように), nouveau single
9. Inai (いない) de l’album Jōdeki (上出来)
10. Tobe (飛べ) de l’album THE
11. Itazura (悪戯) de l’album 10
12. Afureru (あふれる) de l’album Makkuro (真っ黒)
13. Setsuyakuka (節約家) du EP KABUKU
14. Niwa (庭) de l’album A N D
15. 99.974℃ de l’album THE
16. Pool Side de l’album THE
17. Pool de l’album THE
18. Matsuri du EP School Children and the Cosmos (小学生と宇宙)

M-Building in Kanda par Toyo Ito

Une des raisons de mon passage dans le quartier de Kanda était de partir à la recherche du bâtiment M-Building par l’architecte Toyo Ito. Ce building de béton est ancien car il a été construit en 1987. Cet aspect massif et le design des ouvertures en triangle alternant le verre et les plaques d’acier sont visuellement très intéressants. J’essaie de trouver des symétries dans l’agencement des ouvertures mais je n’en trouve finalement pas. Le building est placé juste derrière l’ancienne pâtisserie japonaise Takemura, que je mentionnais dans mon billet évoquant les vieux bâtiments de l’époque Showa dans les années 1930, et devant un restaurant de soba réputé Kanda Yabusoba.

色々ウォーク❶❶

Nos soirées dans la semaine et journées du week-end sont rythmées par les Jeux Paralympiques. Ils ne sont pratiquement diffusés que sur la NHK. Heureusement qu’il y a deux chaînes sur la NHK et les chaînes BS et BS4K qui sont agréablement laissées en libre accès. J’ai un peu de mal à comprendre pourquoi les autres chaînes japonaises ne diffusent aucunes épreuves. Comme je le mentionnais auparavant, nous regardons un peu de tous les sports, mais en particulier le wheelchair rugby et le wheelchair basketball, que nous suivons avec beaucoup de passion. L’équipe japonaise est impressionnante de persévérance et s’achemine désormais vers la finale, ce qui est entièrement mérité vu le jeu d’équipe qu’ils nous montrent et l’aisance avec laquelle ils se déplacent sur le terrain. C’est du patinage artistique avec un ballon en mains. L’équipe est désormais assurée d’avoir une médaille mais on ne sait pas encore laquelle. Voir toutes ces épreuves des Jeux Para, les joies intenses que se manifestent lors des réussites ou les déceptions malgré les efforts, me donnent souvent les larmes aux yeux.

Les quelques photographies ci-dessus sont prises à Roppongi Hills et autour du parc de Yoyogi. Les personnages à tête de fleur entièrement dorés sont bien évidemment signés par Takashi Murakami. J’étais autrefois allergique à l’art enfantin de Takashi Murakami mais j’ai changé d’avis il y a quelques années après avoir vu la grande exposition intitulée The 500 Arhats qu’il nous proposait dans le musée de ce même Roppongi Hills. Cette statue est bien sûr excessive mais elle interpelle par sa taille et par l’apparente richesse du matériau. Ces photographies sont prises un jour de pluie alors que j’allais voir au cinéma le film d’animation de Mamoru Hosoda, Ryū to Sobakasu no Hime (竜とそばかすの姫) dont je parlais auparavant. Les photographies autour du parc de Yoyogi sont également prises un jour de pluie mais on la distingue à peine sur les photos. Je découvre au hasard des rues les nouvelles toilettes publiques dessinées par Toyo Ito et nommées Three Mushrooms pour la ressemblance avec des champignons poussant aux bords d’une forêt. Elles se trouvent à proximité du sanctuaire Yoyogi Hachiman. Ces toilettes font partie du même projet Tokyo Toilet qui voit des architectes et des artistes concevoir des toilettes publiques à différents endroits de l’arrondissement de Shibuya. La dernière photographie montre une maison individuelle intéressante par l’utilisation de cette couleur orange vive et par la petite ouverture de verre dans un des coins supérieurs lui donnant des airs futuristes. Et on peut apercevoir furtivement le photographe à vélo en reflet sur le miroir devant cette maison. On m’aperçoit en fait à peine sur ce miroir. Je me suis souvent posé la question de me montrer ou pas sur ce blog ou sur l’icône des réseaux sociaux mais j’ai toujours conclu qu’il était préférable de ne pas trop se montrer sur internet.

Avec Spool et Yonige, je suis également avec une attention certaine la musique rock indé de Hitsuji Bungaku (羊文学). Je me suis fait une petite playlist de morceaux de ces trois groupes et je l’écoute souvent. Chacun des trois groupes a ses propres spécificités mais je trouve qu’ils vont assez bien ensemble et représentent bien une ligne musicale rock alliant une certaine mélancolie et une énergie rock qui n’a pas peur de faire intervenir les guitares. C’est ce que j’aime beaucoup sur le morceau Sabaku no Kimi he (砂漠のきみへ) de Hitsuji Bunkaku. Le final laisse place à un solo de guitare au son cristallin montant en puissance jusqu’à la saturation. Ce son là de guitare nous traverse le cerveau jusqu’aux omoplates. La voix de Moeka Shiotsuka (également appelée Heidi) a un petit quelque chose de spécial, un accent peut-être, qui la rend particulièrement intéressante à écouter. Ce morceau est le huitième du deuxième album du trio, intitulé POWERS et sorti en Décembre 2020. Hitsuji Bungaku évolue souvent vers la pop rock, sur des morceaux comme Aimai de ii yo (あいまいでいいよ) qui s’écoule dans une fluidité parfaite. Mais, j’aime aussi les morceaux un peu plus lents et sombres comme le dernier morceau de l’album POWERS, Ghost ou le premier intitulé mother. L’intensité rock y est omniprésente et parfois brute mais adoucie par le chant de Moeka et les chœurs combinés de la bassiste Yurika Kasai et du batteur Fukuda Hiroa. Ce mélange de force émotionnelle et d’intensité sonore me rappelle le groupe Kinoko Teikoku, mené par Chiaki Sato. Les deux groupes sont en fait suivis par le même management. Hitsuji Bungaku a sorti plus récemment un EP intitulé you love sur lequel je n’ai pour l’instant écouté que le premier morceau et single Mayoiga (マヨイガ) utilisé comme thème d’un film d’animation intitulé Misaki no Mayoiga (岬のマヨイガ) réalisé par Shinya Kawatsura à partir d’un roman de Sachiko Kashiwaba. J’avais déjà parlé plusieurs fois de Hitsuji Bungaku dans des billets précédents, et je me rends compte que j’avais déjà évoqué cette ressemblance avec Kinoko Teikoku. J’ai le sentiment que le groupe gagne petit à petit en notoriété car il était sur l’affiche principale du festival Fuji Rock cet été (avec Yonige d’ailleurs). Et à ce propos, Fuji Rock avait également sur son affiche, dans la section Rookie a Go-Go, le jeune groupe Ms.Machine dont j’ai également plusieurs fois parlé ici. Ça fait plaisir de voir des groupes qu’on aime accéder à une certaine reconnaissance.

à l’abri des regards

Après mon passage au nouveau stade olympique, je continue à marcher sans arrêt jusqu’à Jingumae. Il y a encore des rues que je connais pas car je n’avais jamais vu ce grand graph d’un personnage féminin masqué à l’abri des regards. En fait, j’avais déjà vu cette illustration géante en photo sur un blog qui montrait une série de graffitis à Tokyo. Je suis content de tomber dessus par hasard, bien qu’un autre graffeur s’est permis d’écrire des inscriptions inutiles par dessus. C’est dommage mais on sait très bien que ces illustrations sont éphémères. D’ailleurs, j’aurais vraiment voulu voir la geisha dessinée par Tsuchinoko à Shibuya mais ça fait bien longtemps qu’elle a disparu. J’aurais aussi voulu voir le dessin gigantesque du lutteur de sumo Honda de Street Fighter 2 sur la façade de métal d’un entrepôt à Tennozu Isle, mais il avait déjà disparu quand j’y étais passé. Proche de ce graffiti géant à Jingumae, je reprends en photo les blocs superposés de la Villa Bianca conçue par Eiji Horita. Elle tient relativement bien le coup malgré les années mais des travaux qui l’entourent laissent imaginer le pire. La dernière photographie montre la façade en branchages bien connue du building Tod’s par Toyo Ito. Cet immeuble est aussi élégant dans son intégralité qu’il l’est dans les détails. Les formes asymétriques en béton imitant celles des branches des arbres zelkova plantés devant sur l’avenue d’Omotesando, et l’ajustement parfait du verre surtout sur les arêtes font de cette architecture un plaisir pour les yeux et pour le photographe. J’aime beaucoup cette surface composite au point de l’avoir utilisée en la combinant avec une de mes formes organiques futuristes FuturOrga pour mon logo actuel sur les réseaux sociaux.

On attendait une nouvelle composition de Haru Nemuri 春ねむり depuis un petit moment, plus d’un an en fait car son dernier single depuis son album Haru to Shura 春と修羅 date de septembre 2018. C’était le très détonant Kick in the World. Son année 2019 était plutôt consacrée à tourner, notamment à l’étranger où elle est plus populaire dans les milieux qui savent que dans son propre pays. Elle passera même cette année au festival américain South by Southwest SXSW d’Austin au Texas et prolongera avec une petite tournée américaine. J’étais très curieux d’entendre ce qu’allait donner son nouveau morceau Fanfare ファンファーレ, sorti le jour de son anniversaire le 10 janvier. Le style ne change pas beaucoup car on retrouve son phrasé mi parlé mi chanté mélangeant habilement poésie et rap. La musique qui accompagne ses paroles prend par contre un peu plus d’ampleur et accueille des cuivres, comme le titre pouvait nous le faire deviner. Le ton surprend au début mais l’ensemble est cohérent et fonctionne très bien. À vrai dire, j’avais un peu peur qu’elle finisse par se répéter stylistiquement en ne parvenant pas à s’échapper de la force de son album Haru to Shura, mais elle prouve finalement le contraire, en bifurquant légèrement tout en gardant sa marque de fabrique qui reste très originale, à ma connaissance au moins, dans le monde musical alternatif japonais. On pourra peut être espérer un nouvel album cette année.

Za Koenji par Toyo Ito

Après mon passage devant la maison House NA de Sou Fujimoto, je continue mon exploration de Koenji en revenant vers la gare JR. Je recherche maintenant le théâtre aux formes futuristes de Toyo Ito, appelé Za Koenji. Ce théâtre public construit en 2009 est dédié aux arts contemporains de la scène, ainsi qu’à d’autres activités culturelles pour la communauté locale de Suginami-ku. Za Koenji est également un bâtiment que l’on voit régulièrement dans les magazines d’architecture, pour sa forme atypique comme un monolithe rocheux et lisse. Le théâtre est assez facile d’accès depuis la gare de Koenji, mais j’en m’y prends mal bizarrement en tournant autour sans trouver l’entrée principale. Ce n’était pas forcément une mauvaise idée de tourner autour, car apercevoir soudainement ce monolithe de couleur sombre en forme de vagues s’échapper de la masse des maisons individuelles standards, donne un effet surprenant. On pense à une forme extra-terrestre, comme un ovni posé là au milieu d’une zone résidentielle des plus quelconques. Du coup, j’éprouve une certaine déception en apercevant finalement la façade principale car on n’y aperçoit plus les courbes si caractéristiques du bâtiment. Il faudra faire le tour une nouvelle fois, mais cette fois-ci à l’intérieur du parking, pour admirer les vagues architecturales du toit du théâtre. Depuis le parking, en observant le bâtiment depuis l’arrière, me vient l’image d’un croisement entre une raie manta aux yeux multiples et un sous-marin géant. Une chose est sûre, ce théâtre de Tokyo Ito a des formes aquatiques. Une multitude de petits hublots sont placés par groupes et de manière apparemment aléatoire sur les façades du théâtre. C’est un peu dommage de constater que les peintures sur la surface des façades ont un peu passé avec le temps. On remarque des raccords de peinture autour des ouvertures ou sur des surfaces longitudinales qui ne sont pas du meilleur effet. Par contre, la multitude de hublots sur les parois de l’immeuble offrent un bel effet de lumière à l’intérieur du théâtre. Le hall est assez sombre et se laisse éclairer par les points lumineux créés par la lumière traversant les hublots. Sur le grand escalier central tout en courbe, d’autres points lumineux mais d’une lumière synthétique sont ajoutés. L’effet de lumière est très réussi, surtout lorsque l’on regarde le plafond depuis l’escalier au niveau du premier sous-sol. Lors de ma visite improvisée dans le théâtre, on n’y donnait pas de spectacle. Il y avait par contre des ateliers de jeux pour les enfants installés de manière temporaire dans un des grands halls du rez-de-chaussée. A l’étage, il y a une salle d’archives du théâtre et un café, vide à cette heure de la journée. Je reprends ensuite ma route dans les rues de Koenji, en m’engouffrant volontairement dans le labyrinthe urbain surchargé au nord de la gare. Le site du photographe Iwan Baan, décidément fort riche en photographies d’architecture japonaise, propose de très nombreuses photos du Za Koenji, notamment des vues aériennes pour se donner une meilleure idée de la forme générale de cet objet architectural atypique.