誰にも分からないここはcrazy

Le Tokyo Architecture Festival (東京建築祭) avait lieu les Samedi 25 et Dimanche 26 Mai 2024. Avec un tel nom, on pouvait s’attendre à beaucoup de choses, mais au final, ce festival ne se limitait qu’à trois zones dans Tokyo (Ginza Tsukiji, Nihonbashi Kyōbashi et Ōtemachi Marunouchi Yūrakuchō) où l’on pouvait accéder à certaines zones de bâtiments qui ne sont normalement pas autorisées au public ou profiter d’une visite guidée. J’ai opté pour la zone Ginza Tsukiji en passant d’abord voir le temple Tsukiji Honganji (築地本願寺). J’y suis déjà allé plusieurs fois mais j’étais assez curieux de visiter l’intérieur des salles ou endroits habituellement fermés au public. J’ai malheureusement été assez peu intéressé par ses salles « secrètes » car elles n’avaient rien d’aussi grandiose que le hall principal ouvert au public. J’ai ensuite continué par la visite de l’ancienne église catholique de Tsukiji (カトリック築地教会), mais la file d’attente devant l’édifice n’était pas vraiment justifiée car l’intérieur très sobre ressemblait tout simplement à une église typique. J’ai préféré quitter l’itinéraire pour partir de mon côté à la recherche de l’ancien bureau et maison de l’architecte Yōji Watanabe. Cet architecte a construit l’iconique New Sky Building (Sky Building 3) à Shinjuku que je montrais pour la première fois sur ce blog en 2007. La construction du petit immeuble de bureaux de Yōji Watanabe à Hirakawachō date de 1962 et est donc antérieure à celle du New Sky Building. Cette structure brutaliste, que je montre sur la cinquième photographie, se compose de six étages et d’un sous-sol, le tout construit sur une petite surface de 36m2.

J’ai tellement de nouvelles découvertes musicales à mentionner que je regroupe dans un billet toutes celles qui ont une tendance pop. On commence d’abord par le nouveau single d’ELAIZA (池田エライザ) intitulé Tamashii (たましい), sorti le 10 Juillet 2024. Le morceau est écrit et composé par Taiiku Okazaki (岡崎体育). Il apporte au morceau une trame électronique très rythmée avec un beat très présent, qui accroche tout de suite et vient habillement contraster avec la manière assez mécanique de chanter d’ELAIZA. Je connaissais Elaiza Ikeda comme actrice pour l’avoir découvert dans le drama Followers de Mika Ninagawa (蜷川 実花) sur NetFlix, mais je ne m’étais jamais penché sur sa carrière musicale, malgré une reprise du morceau Koko de Kiss Shite. (ここでキスして。) de Sheena Ringo qu’elle avait interprété lors d’une émission télévisée le 25 Novembre 2020 (comme un cadeau d’anniversaire). J’aime beaucoup son nouveau single car il semble très improbable et la sort à mon avis de sa zone de confort. J’adhère en tout cas tout à fait à cette nouvelle direction de laquelle se dégage une force certaine. La vidéo montre une prise d’otage qu’Elaiza parvient à déjouer par sa seule force psychique, ce qui la fait saigner du nez comme Onze (Millie Bobby Brown) dans Stranger Things. Je reviens ensuite vers la musique qui fusionne les genres du groupe Kroi sur l’excellent single Green Flash, extrait de leur dernier album Unspoiled sorti le 19 Juin 2024. Tout comme le single Hyper dont je parlais dans un billet précédent, je suis vraiment impressionné par la facilité par laquelle Leo Uchida et son groupe jouent avec les genres. Je ne suis pas encore sûr d’aimer toute leur discographie mais il y a des pépites comme ce morceau qui ne laissent pas indifférents. Kroi a depuis quelques temps acquis une notoriété qui les fait passer à la télévision sur Music Station ou apparaître dans une publicité télévisée. Dimanche dernier, Leo Uchida était invité de l’émission hebdomadaire de Seiji Kameda sur la radio J-Wave et on sentait toute l’effervescence qui se dégageait entre les deux musiciens. Il est clair que Kroi a une force créative indéniable, et ne semble pas avoir de limites dans les associations instrumentales. Ça donne au final des morceaux sublimes de rythme et de créativité comme Green Flash. Je suis là en train de me convaincre de continuer l’écoute de l’album Unspoiled. La découverte suivante est le single intitulé sister du groupe ChoQMay (チョーキューメイ). Je me demande pourquoi il y a autant de morceaux aussi bons en ce moment par des jeunes groupes dont je n’avais jamais entendu parler jusqu’à maintenant, comme ChoQMay. Le groupe a été fondé en 2020 par Urara (麗) qui assure le chant, la guitare et le violon, accompagnée de trois autres membres: Renpi (れんぴ) aux claviers et piano, Gon Fujii (藤井ごん) à la basse, Kōichirō Kuga (空閑興一郎) à la batterie. Le nom étrange du groupe est tiré d’une histoire de Rakugo employant les mots Chōkyūmei no Chōsuke (長久命の長助) faisant référence aux idées de longévité à travers les mots Chōkyū (長久) et Chōmei (長命). Le groupe souhaite se donner ainsi une longue carrière musicale, et c’est tout ce qu’on peut leur souhaiter. La trame de clavier qui démarre le morceau nous accroche tout de suite et la manière de chanter légèrement non-conventionnelle d’Urara me ravit tout de suite, surtout qu’elle a une plage de chant assez étendue. L’approche pop un peu sursautante me plait vraiment beaucoup et est furieusement contagieuse. J’entends souvent parler du groupe Chilli Beans. ces derniers temps, alors j’ai fait le curieux en écoutant le single Mum sorti le 26 Juin 2024, et je ne regrette pas du tout car l’ambiance rock indé lorgnant vers des sons américains est très loin de me laisser indifférent. Chilli Beans. est un jeune trio féminin composé de Moto au chant, Maika à la guitare basse et aux chœurs, et Lily à la guitare et aux chœurs. Elles ont entre 24 et 26 ans. Là encore, il s’agit d’un jeune groupe qui ne révolutionne pas les codes du genre mais arrive tout simplement à écrire, composer et interpréter un morceau d’un pur bonheur rock. J’ai l’impression d’une grande facilité dans la composition car le morceau est d’une fluidité impeccable. Je trouve même un petit quelque chose d’estival dans ce morceau et un enthousiasme qui me met de bonne humeur.

Parmi les belles découvertes musicales récentes, je compte également le dernier EP d’usabeni (宇佐蔵べに). Je ne connaissais pas cette artiste, anciennement idole dans diverses formations dont les noms me sont également inconnus (avandoned, Engawa, Apokalippps, Childish Tones, Fun Fin Friends). Elle a ensuite démarré une carrière solo et le EP Air sorti le 27 Mai 2024, que je découvre récemment, est son premier après deux albums. La musique électronique riche d’une multitude de sons divers est assez éloignée de la musique typique d’une idole, et montre par moment quelques moments plutôt expérimentaux. Le dernier morceau intitulé Trip (Remix) du EP de quatre titres est en fait le plus expérimental et donne à l’ensemble une certaine consistance. Sa manière de chanter, souvent proche du rap, est assez unique, notamment dans son utilisation hachée de l’anglais mélangé au japonais. La fin de ce morceau Trip est particulièrement hypnotisante dans les répétitions de même phrases (this is a very nice Beni’s journey, this is a very nice Beni’s trip) à des vitesses variantes. Au final, le EP Air est un petit objet musical de 10 minutes un peu fou et bancal, mais très inspiré qui donne l’impression d’une grande liberté créative comme si usabeni avait voulu casser la cage formatée dans laquelle peut se trouver une idole. Je retrouve ensuite avec grand plaisir la compositrice et interprète Noa (乃紫) avec le single Hatsukoi Killer (初恋キラー), qui est très différent du rock du morceau Exit 8 (A8番出口) que j’avais évoqué dans un billet précédent. J’aime beaucoup la légère arrogance qui se dégage de ce morceau très axé pop et le chant de Noa qui roule très légèrement les ‘r‘ par moment. il y a quelque chose de très ludique, d’une légèreté agressive, dans ce morceau et ses paroles, qui est vraiment très plaisant. Le morceau Deadline Syndrome (デッドライン症候群) est très léger et drôle, car sa compositrice et interprète Irom (あいろむ) exprime dans les paroles toutes ses difficultés à se concentrer et organiser son temps pour tenir une deadline. Je ne sais pas grand chose de cette artiste mais ce morceau a une bonne humeur et un humour particulièrement contagieux. Et pour terminer cette série de découvertes musicales, j’écoute pour la première fois un morceau de Mega Shinnosuke (メガシンノスケ) intitulé Ai to U (愛とU). Je connaissais déjà ce compositeur pour avoir croisé sa voix rappée sur l’excellent morceau Hyper Angry Cat (超怒猫仔) d’4s4ki. Le single Ai to U est en comparaison beaucoup plus cool et chantant. Ce morceau, comme la grande majorité de la petite playlist de ce billet a une nette tendance upbeat, qui change un peu de la mélancolie rock qui ponctue régulièrement les billets de Made in Tokyo. Comme quoi j’aime varier les plaisirs tant que la musique est bonne, et je trouve la musique de la jeune génération japonaise particulièrement remarquable, avec cette petite pointe de folie indispensable.

it’s so hard to tell

Même si le marché aux poissons ne se trouve plus à Tsukiji depuis longtemps (depuis 2018), l’endroit reste très animé et principalement occupé par les touristes étrangers qui viennent en grand nombre. On observe d’abord de loin puis on vient voir de plus près les prix gonflés du poisson frais en sushi ou autre préparation. Nous étions en fait de passage ici pour montrer l’endroit à un cousin de Yamagata. Il y heureusement à Tsukiji des endroits un peu plus calmes, et des affaires à faire lorsque l’on passe aux horaires de fermeture au tout début de l’après midi. Nous sommes également passés voir les grandes têtes de lion du sanctuaire Namiyoke (波除神社), mais l’un d’entre eux était malheureusement de sortie. Je l’avais en fait vu un peu plus tôt dans les allées de Tsukiji en train de courir avec une délicate élégance, mais j’avais cru qu’il s’agissait d’un mirage. Voir le lion absent de l’enclos du sanctuaire Namiyoke m’a troublé quelques instants, mais je me suis en même temps convaincu que la liberté de mouvement ne devait pas être limitée aux simples humains. Il n’était en tout cas pas parti se cacher dans l’immense terrain vague qui reste désormais à l’endroit où se trouvait le marché. Ici verra le jour en 2032 un grand stadium de 50,000 places qui sera utilisable pour des évènements divers, comme des compétitions sportives mais aussi des concerts. Le re-développement de cette zone est mené par Mitsui Fujisan avec un consortium composé de Yomiuri Shimbun Holdings, Toyota Fudosan, Kajima et Taisei Corporation. En plus du stadium, on y trouvera bien sûr des espaces commerciaux, hôtel, bureaux et résidences. Le design que j’ai pu voir sur internet est élégant, avec une toiture élancée et laissant une part importante aux espaces verts. Sa capacité le fait entrer en compétition directe avec le Tokyo Dome de 55,000 places, et sera plus spacieux que le Saitama Super Arena de 37,000 places. A ce propos, j’ai bien entendu lancé mes demandes de réservation pour le concert Ringo Expo’24 qui aura lieu dans pas moins de cinq mois, mais cette réservation se fait bien entendu par loterie et les résultats ne seront connus qu’un peu plus tard ce mois-ci. Avec trois dates au Saitama Super Arena, ce qui équivaut donc à 111,000 places en tout, j’espère tout de même qu’il y aura une petite place pour moi. Cette taille de niveau arena me changerait des salles de moins de 1000 personnes dans lesquelles j’assiste régulièrement à des concerts. La salle WWW X pour le concert de DAOKO cette semaine ne fait par exemple que 600 places.

Je suis toujours très attentif aux nouveaux singles du groupe Som4li et j’en ai systématiquement parlé sur ce blog tant j’ai été à chaque fois enthousiasmé par ce que j’écoutais. Je ne suis pas déçu par le nouveau single Frozen sorti en avance du nouvel EP du groupe intitulé Chachacha qui sortira le 19 Juin 2024. Ce morceau est composé et écrit par Rio Shimamoto (島本理緒), le guitariste du groupe, et est comme toujours chanté par Mako. Je pense qu’il s’agit du morceau le plus abouti du groupe et très certainement le meilleur. Il est en fait assez différent des morceaux du premier EP Escapism sorti il y a déjà 2 ans, en 2022. Les guitares lentes et pleines d’écho nous transportent dans une ambiance enveloppante, d’abord froide puis se complexifiant et se densifiant dans un final particulièrement réussi. Le morceau a une atmosphère quasiment cinématographique. Espérons que le EP Chachacha, avec un chat en couverture, soit aussi réussi que le single Frozen. En parlant de cette image de couverture, on doit sa composition à Mako et il doit très certainement s’agir de son chat en photo.

CAPSULE A906 et l’image d’un futur lointain

Je suis allé plusieurs fois voir de près la tour Nakagin Capsule Tower (中銀カプセルタワービル) de l’architecte Kisho Kurokawa (黒川紀章), œuvre architecturale emblématique du mouvement métaboliste japonais, avant sa destruction malheureuse. Je n’étais par contre jamais entré à l’intérieur d’une capsule. Pendant les dernières années avant sa destruction, certains tours opérateurs indépendants proposaient des visites de la tour Nakagin et d’une ou de plusieurs capsules in-situ, mais le timing ne m’avait jamais permis d’y aller. Je le regrette un peu maintenant, mais je me rattrape en quelque sorte cette fois-ci en visitant deux des capsules de la tour présentes dans la galerie SHUTL à Tsukiji, près d’Higashi-Ginza. Au moment de la destruction de la tour Nakagin, on sait que certaines capsules ont été extraites en vue d’une utilisation ultérieure. La finalité de la mise en place de deux capsules dans cette galerie n’est pas très claire. L’espace était ouvert aux visiteurs pendant seulement deux jours, le Samedi 7 et Dimanche 8 Octobre 2023. Je comprends que cette galerie deviendra ensuite un espace créatif, conservant les deux capsules en son enceinte. Il sera en fait possible de louer cet espace, comme une galerie d’art, pour des expositions, des lectures ou projections de films, des interviews, entre autres. La première exposition démarrant le 13 Octobre serait en lien avec les idées du mouvement des Métabolistes. J’ai eu vent de cette ouverture temporaire de deux jours grâce au compte Instagram de l’amatrice d’architecture et guide tokyoïte Haruka Soga, qui en parlait donc sur son compte. Vu l’importance de Nakagin pour l’histoire de l’architecture japonaise et l’espace que j’imaginais à raison très réduit des capsules et de la galerie, je me suis dis qu’il fallait mieux y aller en avance. L’espace ouvrant à 13h, je m’y suis donc rendu une heure avant, vers midi. Une vingtaine de personnes étaient déjà sur place à attendre à l’entrée de la galerie, mais les membres du staff ont rapidement décidé de donner des tickets d’entrée par heure pour éviter une longue file d’attente dans la rue de la galerie. Mon petit ticket en poche, j’en ai profité pour faire un tour du quartier en passant visiter une nouvelle fois l’intérieur du grand temple Tsukiji Honganji puis en passant devant le théâtre Kabukiza avant de m’enfoncer dans les rues d’Higashi-Ginza. L’heure a passé assez vite et me revoilà devant la galerie dix minutes avant l’ouverture.

Deux capsules étaient accessibles à la visite, une capsule originale appelée CAPSULE A – A906 et une autre nommée CAPSULE B – A1006 qui n’était en fait qu’un squelette de la capsule montrant sa structure métallique. La capsule originale est bien entendu la plus intéressante car elle a été restaurée comme à l’origine avec son large lit prenant pratiquement tout l’espace des 8.5 m2 habitables de la capsule. On retrouve donc devant le lit, l’emblématique large hublot avec son rideau à ouverture circulaire et l’équipement audio-vidéo d’un autre temps: le lecteur à bandes, la petite télévision cathodique et le vieux téléphone. La sobriété de l’espace de couleur blanchâtre et le design général évoque l’image d’un futur imaginée à une époque désormais bien lointaine. L’espace est tellement exiguë qu’on a un peu de mal à y tenir à deux personnes. Les toilettes et la salle de bain en un bloc sont plus communes, car on en trouve encore maintenant dans certains hôtels bon-marchés. J’imagine assez bien cet espace être utilisé pour des interviews d’artistes ou de personnalités. Le squelette de la capsule B est moins intéressant à la visite. On imagine qu’il va être utilisé pour y afficher des œuvres artistiques lors de futures expositions. J’aurais voulu passer un peu plus de temps à l’intérieur de la capsule originale, mais les visites sont chronométrées. Je me doute bien que visiter une capsule dans la tour Nakagin d’origine devait être beaucoup plus intéressant. Il s’agit en tout cas d’une petite consolation que j’ai tout de même beaucoup apprécié. Je montre quelques photos supplémentaires de cette visite sur mon compte Instagram.

Il y a quelques semaines, je suis allé voir l’exposition de l’artiste Minoru Nomata (野又穫) à la galerie d’art de Tokyo Opera City, près de Shinjuku. Cette exposition solo de Minoru Nomata s’intitulait Continuum et se déroulait du 6 Juillet au 24 Septembre 2023. J’en suis ressorti enchanté. Ces peintures montrent des structures architecturales mystérieuses, que l’on aurait du mal à dater comme si elles provenaient d’un futur déjà passé. Regarder ces peintures est ludique car on peut du regard marcher à l’intérieur, en emprunter les marches des escaliers et des échelles. On devine certaines propriétés aéronautiques à ces structures mais leurs fonctions et leur significations laissent interrogatifs. Quel est le sens de ces grandes voiles de bateaux posées sur un bâtiment accroché fermement au sol, ou ces ballons qui ne demanderaient qu’à s’envoler mais qui restent prisonniers attachés à un socle sur la terre ferme? Nomata nous montre également d’étranges sphères de taille gigantesque abritant dans leur centre un microcosme végétal, comme si elles voulaient protéger cette végétation d’un milieu extérieur hostile. Mais les peintures de Nomata mettent pourtant en scène des créations humaines dans leur contexte naturel dans une cohabitation paisible. Les structures délicates ne semblent pas êtres ébranlées par les éléments. La peinture intitulée Babel est l’une des plus impressionnantes par sa taille et son souci du détail. A quoi peut ressembler la vie dans une structure écrasante telle que celle-ci? Cette structure est pourtant très lumineuse. Il serait peut être même très agréable de marcher sur ces longs escaliers en hauteur rafraichit par un vent qui ne peut venir que de la mer. Des images nous viennent forcément en tête en regardant ces structures, et j’en viens même à souhaiter qu’un illustrateur de manga réutilise cet univers pour un film d’animation. Je pense rapidement à Tsutomu Nihei (弐瓶 勉) bien que son oeuvre soit beaucoup plus sombre.

quand les lions se cachent à l’intérieur

Pendant le week-end du 10 et 11 Juin 2023, se déroulait le Festival du Lion de Tsukiji (つきじ獅子祭) autour du sanctuaire Namiyoke (波除神社) que nous avions déjà visité. Je ne suis pas vraiment un inconditionnel des matsuri, mais voir récemment celui de Sanja (三社祭) à Asakusa m’a donné envie de replonger dans la foule de ces festivités populaires. Je voulais en fait voir les têtes de lions portées comme des mikoshi dans les rues de Tsukiji, mais je n’ai malheureusement pas pu apprécier ce spectacle. Les deux têtes de lions étaient encore placées bien au chaud à l’intérieur des deux dépendances à l’entrée du sanctuaire. Peut-être que la pluie intermittente du dimanche a contraint les lions à rester enfermés dans leurs tanières respectives. Je n’avais malheureusement pas assez de temps pour rester voir s’ils allaient finalement faire une sortie. J’aurais certainement dû étudier d’un peu près les horaires et l’itinéraire du matsuri. Je suis tout de même un des convois sur quelques dizaines mètres, parcourt les rues de Tsukiji toujours très occupées malgré le déplacement du marché à Toyosu de l’autre côté de la baie de Tokyo et passe devant le grand temple bouddhiste Tsukiji Honganji (築地本願寺). J’ai eu envie de rentrer une nouvelle fois à l’intérieur mais je me suis retenu cette fois-ci.

Dentsu Tsukiji Building par Kenzo Tange

J’étais très surpris d’apprendre la démolition prochaine de l’immeuble Dentsu à Tsukiji. Cet austère immeuble de béton de 13 étages dans le pur style brutaliste était l’ancien quartier général de l’agence de publicité Dentsu, avant son déménagement à Shiodome dans le très élancé building dessiné par Jean Nouvel. Le building historique de Tsukiji a été conçu par Kenzo Tange en 1967, une année après le Yamanashi Bunka Kaikan dont je parlais précédemment. Ces derniers temps, Dentsu vend ses bijoux de famille, dont cet immeuble historique. C’est certainement dû aux complications liés au report et à la réduction de voilure des Jeux Olympiques de Tokyo pour lesquels le géant publicitaire s’est particulièrement impliqué. Le building n’était apparemment pas occupé depuis 2014 et l’espace laissé après sa destruction sera utilisé pour un projet de redéveloppement par Sumitomo Realty & Development. La destruction du building a commencé le 18 Avril 2021 et se terminera à la mi-2022. La présence massive du building impressionne tout de suite. Il a même une apparence de machine monstrueuse dont le squelette est exposé sur les façades. La vue de côté donne l’impression d’une vue de coupe. Les poutres de béton qui dépassent de la surface au niveau de cette découpe donnent le sentiment que d’autres blocs pourraient s’ajouter et s’imbriquer dans le building existant dans le style de l’architecture d’évolution organique des Métabolistes. Le design initial du building était pourtant bien différent.

Le design initial du building s’inscrivait dans un plan urbain beaucoup plus large formulé par Kenzo Tange pour le quartier de Tsukiji sous le nom de “Redevelopment Plan of Tsukiji District Proposal” en 1964. Ce plan pour Tsukiji reprenait en plus compact les idées de ville avec blocs interconnectés qu’il avait développé pour son plan pour Tokyo de 1960 où l’on voyait la ville s’étendre comme un réseau informatique sur la baie de Tokyo. Le building Dentsu était destiné à être un des éléments de ce plan, occupant au total une portion des 3,300 m2 acquis par Dentsu dans le quartier de Tsukiji. Le building actuel sera pourtant le premier et le dernier bâtiment construit pour ce plan. Alors qu’il était prévu d’avoir une hauteur de 19 étages, des raisons de dépassement budgétaire ont vus sa taille se réduire aux 13 étages actuels. Comme on peut le voir sur les photographies des maquettes du projet initial, le design général du building était très différent de ce que l’on peut voir maintenant. Le design original se rapprochait beaucoup plus des principes du métabolisme avec des énormes colonnes »core » soutenant les étages, comme on pouvait le voir sur le Yamanashi Bunka Kaikan. Les colonnes contenaient les ascenseurs desservant les étages et connectaient le building avec le reste de la ville en sous-sol. Le président de Dentsu qui était favorable à ce projet décéda malheureusement pendant la période de conception du plan pour Tsukiji et les coupures budgétaires ont eu raison de cet ambitieux et utopique projet. Il ne resta donc que le building actuel, adoptant un design plus « raisonnable ». Le projet construit en entier aurait pu être grandiose mais je ne peux m’empêcher de penser qu’il aurait ressembler à un espace industriel qui déshumanise. Le building actuel dégage une grande force visuelle car il se démarque très nettement de tout ce qui existe aux alentours, mais imaginer un quartier entier dans le même style me fait peur. Conceptuellement, ça aurait quand même été grandiose.