(le panda) Nous sommes à Ueno, pas très loin de la gare. Nous sommes venus en voiture et il faut trouver où stationner tôt le matin. Nous sommes un dimanche. Zoa et Sayoko vont écouter un spectacle de Rakugo dans un petit théâtre pas très loin de l’entrée du parc. C’est une séance spéciale pour les enfants accompagnés. J’hésite à y assister mais je me dis que je ne profiterais pas pleinement du spectacle donc je passe mon tour. Je regrette en cours de route. Je me rattraperais l’année prochaine si on renouvelle cette expérience pendant l’été. Je stationne la voiture dans le parking à étages du Department Store Matsuzakaya. Je suis absolument seul stationné dans ce parking car les magasins du Department Store n’ouvriront que dans quelques heures. J’observe les trains passer à travers le grillage fleuri du parking. En bas, sur la place, deux pandas sont assis et observent obstinément cette place vide. A quelques pas des pandas, on déplace des grosses enceintes et une table de mixage. L’endroit actuellement calme se livrera peut être à des foudres musicales dans quelques temps. Un groupe de personnes commencent à se réunir en ligne devant une scène imaginaire. On dirait que ce sont des habitués des spectacles de rue se déroulant ici, comme on peut également en voir assez souvent à Akihabara. Peut être y verra t’on un jeune groupe de rock ou un groupe d’idoles en devenir. La deuxième option semble plus probable, vu la population masculine qui commence à se former. On verra peut être plus tard ce qu’il en est, lorsque l’on quittera le parking.
A travers les grandes fenêtres de l’immeuble du parking où je me trouve, la ligne de train bleu refait son apparition. L’envie me prend souvent de prendre en photo le décor urbain à travers le cadrage d’une fenêtre ou d’une parois vitrée. Ce type de représentation de la ville n’est pas sans me rappeler ce que Masataka Nakano nous montrait sur son livre de photographies Tokyo Windows. D’une certaine manière, ce type de photographie met plus directement le photographe en scène car on y aperçoit son environnement immédiat et donne une impression réelle de ce que peut entrevoir le photographe avant de prendre une photographie.
(le chat) Je pars ensuite rejoindre Mari dans les rues de Ueno et je me perds un peu en chemin. Au passage, dans une vitrine, le temps s’arrête soudainement pour laisser à ce chat noir le temps de bien se préparer à sauter. Je me demande ce qu’il a pu voir dans les recoins de cette vitrine pour ne pas détourner l’oeil un seul instant. Une souris s’est peut être glissée involontairement dans cette vitrine et se cache derrière un bibelot. Le chat hésite. Longuement. Eternellement. On verra peut être un peu plus tard ce qu’il en est, lorsqu’on empruntera une nouvelle fois cette rue après la pause matinale du petit déjeuner au café Usagi-ya.
(le lapin) Je retrouve finalement Mari devant ce café Usagi-ya, à quelques rues de la vitrine du chat. Usagi-ya est une ancienne pâtisserie japonaise réputée. Ce café à quelques mètres derrière la pâtisserie est plus récent. On peut y apprécier le matin pour le petit déjeuner, des pancake fait de pâte à dorayaki (vous savez, le dorayaki, c’est le goûter préféré de Doraemon). Le problème est que le café ne fait que deux services tôt le matin et le nombre d’assiettes préparées est très limité. Le café ouvre en fait exactement à 9h10 et il faut être dans la file d’attente à cette heure précise pour recevoir un ticket en forme d’oreille de lapin, permettant ensuite de commander un pancake dorayaki. Il faut être en personne dans la file d’attente au moment de la distribution, ce qui n’était pas encore mon cas, car je me perdais dans les rues de Ueno en regardant les chats dans les vitrines et les pandas sur les places. Cette règle est apparemment très stricte et inflexible, comme on peut le noter souvent au Japon. Ce n’est pas très grave, mais on demande quand même à la serveuse s’il restera un dorayaki pour moi, mais ça semble tout à fait impossible. Après une vingtaine de minutes d’attente à la porte du café, le temps que le premier service se termine, nous entrons nous placer pour le deuxième service. Au fond de la salle du café, deux serveurs et serveuses se font apparemment des noeuds au cerveau en se posant la question de ce que peut penser un client mécontent, ce qui n’est pas vraiment mon cas. Je me suis habitué à faire avec les inflexibilités au Japon. Quelques minutes plus tard, un responsable de la pâtisserie, averti par un des serveurs, entre en scène dans le café et prend la parole devant tous les clients attablés. Il demande, en parlant de moi, de tolérer l’octroi d’une assiète pour un étranger venu de si loin. La situation, bien que pleine de bonnes intentions, est assez gênante. Pourquoi faire une exception pour moi parce que je suis étranger, alors qu’une telle exception ne serait très certainement pas autorisée à un client japonais. Ce responsable a sans doute pensé que je venais de très loin tout spécialement pour apprécier ces pancake dorayaki, et qu’une possible irritation de ne pas être servi aurait apporté une mauvaise publicité. Au final, j’étais satisfait de pouvoir profiter de ce petit déjeuner, comme tout le monde, mais ce discours fut des plus embarrassants. J’aurais préféré quelque chose de plus discret, comme se faire servir discrètement sans un accord implicite de toute la salle. Cette anecdote a quelque chose de très caractéristique.