コンクリートもスウイング

Le nouveau building Ginza Sony Park, conçu par Takenaka Corporation, est officiellement toujours en construction et ouvrira ses portes en Janvier 2025. Un programme artistique de pré-ouverture intitulé ART IN THE PARK (Under Construction) s’y déroule pourtant depuis le 19 Novembre 2024 et on peut visiter le building pour voir les œuvres présentées en réservant sa place à l’avance. On y montre les créations de trois artistes: Shun Sudo, Koji Yamaguchi (山口幸士) et Takuro Tamayama (玉山拓郎). J’avais réservé ma place pour le Samedi 23 Novembre car j’étais vraiment très intrigué de voir l’intérieur de cet étrange bloc de béton ressemblant à bunker brutaliste, pourtant grandement ouvert sur le grand carrefour de Sukiyabashi à Ginza. J’étais également assez curieux de voir les graffitis floraux de Shun Sudo mis en situation dans cette architecture. Shun Sudo est familier du Ginza Sony Park, car il avait déjà agrémenté de ses illustrations les longs murs blancs entourant pendant plusieurs mois les travaux du site. Les objets lumineux conçus par l’artiste Takuro Tamayama, originaire de Gifu mais actuellement basé à Tokyo, sont particulièrement bien adaptés à l’architecture de béton du building. Les lumières rouges et vertes des tubes de ses installations viennent éclairer des pans entiers de murs du building avec un subtil dégradé de luminosité. Certains de ses objets lumineux courbes sont installés dans les sous-sols du building et apportent une ambiance tout à fait particulière, assez irréelle. Je commence la découverte du building par ses sous-sols pour ensuite remonter le grand escalier de béton qui nous amène à l’étage. Le building est tellement brut de décoffrage qu’on a du mal à vraiment comprendre s’il est terminé ou si des revêtements de surface viendront agrémenter les parois du building. On trouve toujours des échafaudages sur certaines zones en construction et on se demanderait presque s’ils sont destinés à rester là en permanence comme un élément à part entière de l’architecture. Le quadrillage métallique couvrant une grande partie des façades pouvait d’abord surprendre mais on comprend maintenant qu’il sert de support pour des grandes affiches comme celles qu’on peut voir en ce moment. Aux étages où sont montrées les fleurs boutonnées de Shun Sudo et les fleurs floues pastel de Koji Yamaguchi, les plafonds laissent apparente toute la tuyauterie des appareils d’air conditionné. Là encore, je ne sais pas si cette non-couverture est volontaire et sera permanente car il n’est pas rare de voir apparent ce genre de tubes et équipements électriques dans des bâtiments commerciaux. J’espère en fait que ce building si particulier et unique restera tel qu’on peut le voit actuellement. Le béton est plein d’aspérités et n’est pas parfaitement uniforme ou lisse comme on pourrait le voir sur les constructions de Tadao Ando. C’est un autre genre de brutalisme qu’on peut voir là et on en savoure chaque centimètre. Pour continuer la visite, je montre également quelques autres photos sur mon compte Instagram.

Comme souvent lorsque je rencontre ce genre de bâtiments bruts de béton, je me demande quelle pourrait être la musique qui correspondrait à l’ambiance qu’il dégage. La réponse semble avoir déjà été trouvée car se déroulera au Ginza Sony Plaza à partir du 16 Décembre un événement appelé sakamotocommon en lien avec le compositeur Ryuchi Sakamoto. On sait que Ryuchi Sakamoto était capable de créations expérimentales qui à mon avis s’accorderaient très bien avec cet ensemble de béton. Mais, je pense à quelque chose de plus radical en écoutant l’album Happy Trigger de MO’SOME TONEBENDER (モーサム・トーンベンダー). Cet album m’entraine vers un rock à tendance punk et expérimentale par moments très inspiré. Il m’arrive de temps en temps de choisir un album au hasard lorsque je parcours les rayons CDs d’un disquaire Disk Union. Ici, à Shinjuku, je tombe sur cet album de MO’SOME TONEBENDER dont je ne connaissais que le nom. Le groupe a été fondé en 1997 à Fukuoka par Kazuhiro Momo (百々和宏) au chant et à la guitare, et par Isamu Fujita (藤田勇) à la batterie, accompagné par Yasunori Takei à la guitare basse et à la trompette sur cet album. Le nom du groupe est en fait une contraction des noms/prénoms de deux des membres (Momo pour MO’ et Isamu pour SOME). L’album Trigger Happy est sorti en 2003. Il se compose en tout de dix morceaux, dont deux, reprenant le titre de l’album, viennent encadrer l’ensemble dans des ambiances tres différentes, relativement apaisée pour le premier et exagérément bruitistes pour le second. Plus qu’un album, il s’agit d’un objet musical difficilement identifiable car il part parfois vers des expérimentations sonores inattendues. La base reste tout de même rock, mais les manipulations sonores éloignent chaque morceau du format classique refrain et couplets. On y trouve une grande liberté de composition et le deuxième morceau hang song en est peut-être le meilleur exemple. Ce morceau est particulièrement inspiré tout comme les suivants BIG-S et go around my head. Ce dernier morceau go around my head est pour moi le sommet de l’album. Il y a une sorte d’hystérie subtile dans la voix de Kazuhiro Momo qui me fascine vraiment et les guitares puissantes ajoutent à la tension de l’ensemble. Je trouve un certain brutalisme dans ce morceau qui est fantastique, surtout le final qui déclenche un son lourd et répétitif de guitare rythmé par une batterie ressemblant à des battements de cœur. On trouve une émotion forte dans cette forme brute à priori hostile, un peu comme dans les structures de béton du building ci-dessus. L’album s’adoucit ensuite un peu avec quelques morceaux en grande partie instrumentale comme VIEW VIEW, qui est excellent notamment pour les cuivres qui l’accompagnent.

De MO’SOME TONEBENDER, je connaissais en fait un morceau depuis longtemps, Rockin’ Ruler (ロッキンルーラ), car il était présent sur l’album compilation Ukina (浮き名) de Sheena Ringo, sorti en Novembre 2013. Ringo jouait du piano et chantait dans les chœurs de ce morceau. Rockin’ Ruler était initialement sorti en 2005 sur l’album du même nom de MO’SOME TONEBENDER. Son style rock plutôt classique est complètement différent de l’approche expérimentale de l’album Trigger Happy. La voix de Kazuhiro Momo y reste très typée, dans un style un peu similaire à la voix de Kenichi Asai de Blankey Jet City. Sur Rockin’ Ruler, il faut quand même dire que sa voix puissante effaçait complètement celle de Ringo au point où on a un peu de mal à l’entendre dans les chœurs. Comme je l’évoquais déjà précédemment, Kazuhiro Momo jouait de la guitare sur les morceaux Shūkyō (宗教) et Sōretsu (葬列) de l’album Kalk Samen Kuri-no-Hana (KSK) et accompagnait Ringo sur quelques photographies du magazine Gb d’Avril 2003, intitulé Shūgen (祝言). Le fait que l’album Trigger Happy soit sorti la même année (2003) que KSK et que cette série de photographies avait en très grande partie attiré ma curiosité. Dans les sorties musicales rock, il y a quelques années qui pour moi sont importantes et attirent mon attention: 1991 (the year punk broke), 1999 (la tension pre-millenium et mon arrivée à Tokyo) et 2003 (la sortie de KSK qui cassait tous les codes et les attentes). Je suis en fait assez curieux d’écouter les sorties rock de 2003 et des années autour, pour essayer de mieux me remémorer ou même appréhender l’environnement musical dans lequel KSK est sorti, voire comprendre l’influence que cet album a pu avoir sur d’autres groupes et artistes dans les années qui suivent.

Pour continuer un peu avec Sheena Ringo, je pensais avoir fait le tour de sa discographie depuis longtemps, mais je ne découvre que récemment un morceau que je ne connaissais pas. Il ne s’agit pas d’une composition originale mais d’une reprise du single Georgy Porgy du groupe américain TOTO, inclus sur le premier album éponyme du groupe sorti en 1978, l’année de naissance de Ringo. La reprise du morceau Georgy Porgy sorti en 2002 n’est pas créditée sous le nom de Sheena Ringo mais du groupe Yokoshima (邪) composé entre autres du frère de Ringo, Junpei Shiina (椎名純平), de Ringo bien sûr et d’un certain Ryōsuke Nagaoka (長岡亮介) qui n’a pas encore pris le surnom d’Ukigumo. Ryōsuke Nagaoka et Sheena Ringo chantent en duo sur ce morceau avec Junpei Shiina dans les chœurs. Ryōsuke Nagaoka connaissait en fait déjà Junpei Shiina, car un concours de circonstances l’avait amené à devenir guitariste d’appoint de son groupe de l’époque, The Evil Vibrations, lors d’un concert en 2000. L’idée de la reprise du morceau de TOTO a germé lors des enregistrements de l’album de reprises de Sheena Ringo, Utaite Myōri: Sono Ichi (唄ひ手冥利 ~其ノ壱~) sorti cette même année 2002. Nao Numazawa (沼澤尚), le batteur de la formation pour cet album de reprise, était apparemment un disciple du père du batteur de TOTO, Jeff Porcaro, et, pendant ses années de lycée, Sheena Ringo avait repris ce morceau à la batterie avec son groupe du club de musique. Ceci a déclenché l’idée d’enregistrer une reprise du morceau, mais Ringo ne se voyait pas chanter seule toute la partie vocale masculine interprétée par Steve Lukather, le chanteur de TOTO. L’idée de faire intervenir Ryōsuke Nagaoka au chant sur ce morceau est né lors d’un trajet en voiture. Le morceau Georgy Porgy passait sur l’autoradio et Ryōsuke Nagaoka se serait mis à le chanter ce qui aurait fait comprendre à Ringo, également présente dans cette voiture, qu’il serait un très bon interprète pour un duo. Sheena Ringo dit souvent que Ryōsuke Nagaoka a une belle voix, mais je ne savais pas que ce morceau Georgy Porgy était le premier qu’il ait chanté officiellement, sous l’impulsion de Ringo. Cette petite anecdote est très intéressante car elle permet de mieux connaître les liens entre Ringo et Ukigumo, et la genèse musicale de ce dernier. Ukigumo participera ensuite à l’album KSK. Georgy Porgy ne sera finalement pas inclus sur la compilation de reprises Utaite Myōri: Sono Ichi car Ringo a estimé qu’il s’agissait d’une copie plutôt que d’une reprise. C’est vrai que la composition est identique à l’originale mais l’interprétation à deux voix par Ukigumo et Ringo n’en reste pas moins très réussi. La tension vocale de Ringo y est même fabuleuse, dans un anglais excellent. Le morceau était sorti en ligne sur le site de Toshiba EMI pour une durée très limitée en 2002 mais n’est actuellement disponible nulle part à la vente. Il faut vraiment que Sheena Ringo pense à l’épisode 2 de Utaite Myōri pour y intégrer ce genre de pépites. Ça paraît même assez incroyable qu’un aussi bon morceau, même s’il ne s’agit que d’une reprise, ne soit écoutable que sur une page YouTube non officielle.

the streets #12

Je continue avec un nouvel épisode de ma série the streets car ça faisait bizarre de terminer sur un épisode 11, bien que le numéro 11 puisse représenter un niveau optimal, au-dessus du niveau 10 comme ça peut l’être par exemple sur les amplificateurs de guitares Marshall (If we need that extra push over the cliff). Je continue donc avec un épisode 12 qui sera peut-être suivi d’autres car c’est tellement plus simple d’avoir des titres prédéfinis à l’avance plutôt que de se faire à chaque fois des noeuds au cerveau pour trouver des titres originaux que peu de personnes seront en mesure d’en déceler l’origine. Ces photographies sont prises à Daikanyama, Naka-Meguro et Shinjuku. Une fois n’est pas coutume, elles sont peuplées d’habitants soigneusement choisis. Il est assez difficile pour moi de saisir des personnes en photo. Elles s’échappent toujours au dernier moment derrière un mur ou un coin de rue. Il faudrait idéalement qu’elles restent figées pendant une trentaine de secondes, voire un peu moins, pour me laisser assez de temps pour me décider à appuyer sur le bouton de l’obturateur. Mon manque de spontanéité fait que la lumière issue de la scène ne contient déjà plus personne au moment où elle traverse finalement l’objectif pour être captée par le dispositif numérique de mon appareil photo. Le problème peut être inversé lorsqu’une personne forcément mal intentionnée vient traverser mon champ de vision pour y laisser son empreinte. Je m’accommode finalement de ces différents cas de figures, car la photographie dépend aussi des hasards bienvenus, même quand ceux-ci sont tout de même un peu préparés à l’avance. Mon intention était par exemple de prendre en photo les blocs de béton aux murs obliques sur la quatrième photo du billet, mais mon doigt posé sur le bouton de l’obturateur a cru bon attendre une demi-seconde de plus pour voir comment un passant à casquette pourrait venir remplir le cadre. J’aurais pu utiliser une allusion à l’obliquité dans le titre de mon billet car la deuxième photo est assez réussie à ce niveau là. Sur cette photographie, j’ai pendant un moment pensé à saisir le livreur de Sagawa poussant son petit chariot rempli de paquets, mais son service de livraison était tellement rapide qu’il m’a échappé, de peu il faut dire. Je ne me sentais pas dans l’idée de faire attendre le client de la livraison pour qu’il pose quelques secondes en plein action devant mon appareil photo. C’est finalement une bonne chose car le véritable intérêt de cette photo ne vient pas du livreur mais des paquets. La disposition de ces paquets à l’oblique venait s’accorder parfaitement avec l’angle du bâtiment de béton placé juste derrière et avec l’angle du panneau de signalisation. Je me demande maintenant si l’angle du panneau de signalisation est volontaire car, s’il avait été bousculé par une voiture, son angle aurait dû être à l’opposé vu le sens unique de circulation de cette toute petite rue. Je n’avais jusqu’à présent jamais remarqué la petite affichette de style manga au nom de Wackozaki (わこ崎), que je montre sur la première photographie du billet. Wackozaki est un illustrateur et graffeur, mais je n’ai trouvé que peu d’information sur cet artiste de rue. Il semble lié au créateur de la collégienne Alpha Uyu, qui se trouve justement au dessus de son illustration sur le poteau de cette rue très fréquentée de Daikanyama. Le choix de montrer ensuite une voiture vintage dans la sélection de photographies de ce billet n’est pas par hazard et vient dresser un lien subtil avec la musique qui va suivre.

Ryōsuke Nagaoka (長岡亮介), alias Ukigumo, du groupe Tokyo Jihen est un fervent amateur de voitures anciennes, même s’il a apparemment une préférence pour les françaises de type Citroën. Je ne vais par contre pas parler de Tokyo Jihen dans la suite de ce billet car il n’y a malheureusement aucune actualité concernant le groupe. Évoquons plutôt l’autre groupe de Nagaoka, Petrolz (ペトロールズ) que je finis par découvrir suite à des pressions extérieures que je ne nommerais pas mais qui avaient bien raison d’insister. La raison pour laquelle je ne m’étais pas encore penché sur Petrolz m’échappe un peu, mais je pense que la difficulté de se procurer la musique du groupe a certainement joué. La plupart des albums ne sont bizarrement pas disponibles sur iTunes ou Bandcamp, et les CDs des quelques albums sont difficilement trouvables chez les disquaires, ou à des prix excessifs en occasion. En fait, je pense également que j’ai toujours eu inconsciemment l’idée que la force créatrice qui me parlait vraiment dans Tokyo Jihen était celle de Sheena Ringo. A vrai dire, je n’ai aucune idée du pourquoi j’avais cette impression car Ukigumo a créé plusieurs morceaux emblématiques de Tokyo Jihen, dont l’insaisissable OSCA, qui reste pour moi un des sommets créatifs du groupe. Peut-être est ce plutôt dû au fait que Ryōsuke Nagaoka est le guitariste d’appoint du groupe accompagnant la musique sympathique d’Hoshino Gen. À chaque fois que je le vois sur scène à la télévision avec Hoshino Gen, je me demande toujours s’il ne perd pas un peu son temps sachant toutes les qualités de guitariste qu’on lui connaît et qu’il a maintes fois démontré que ce soit sur des albums ou en concerts. En fait, je pense que j’ai toujours eu un peu de mal à cerner sa personnalité et son approche artistique car il reste très discret (malgré son émission radio toutes les semaines intitulée Fourgonnette, sponsorisée par Citroën). En même temps, il me donne l’image d’un électron libre, insaisissable comme son morceau OSCA et comme son jeu de guitare qui ne ressemble pas beaucoup à celui des autres guitaristes que je connais. J’imagine d’ailleurs très bien la vision que Ringo a dû avoir du personnage lorsqu’elle lui a donné le surnom de nuage mouvant (pour Ukigumo). Bref, tout cela pour dire que je ne savais pas trop à quoi m’attendre avant d’écouter l’album Renaissance, qu’on m’avait vivement conseillé.

Renaissance est le premier album studio du groupe. Il est sorti en 2015 et, à cette époque, Tokyo Jihen avait cessé ses activités depuis 2012. Petrolz a cependant été fondé bien avant cela, en 2005, la même année où Ukigumo a rejoint la Phase 2 de Tokyo Jihen. Ce double démarrage pour Ryōsuke Nagaoka / Ukigumo explique certainement le fait que Petrolz ne sortit son premier EP et des singles qu’à partir de l’année 2008. Après la dissolution de Tokyo Jihen en 2012, la sortie de ce premier album en 2015 sous la bannière Petrolz était peut-être comme une renaissance pour Ryōsuke Nagaoka. Petrolz est en fait un trio. Ryōsuke Nagaoka y joue bien sûr de la guitare et chante. Il est accompagné par Jungo Miura (三浦淳悟) à la basse et par Toshihide Kawamura (河村俊秀) à la batterie. On comprend tout de suite l’origine du nom du groupe, Nagaoka étant amateur d’automobiles. Renaissance se compose de 11 titres pour un peu plus de 50 minutes. On reconnaît sur chacun des morceaux le style aérien d’Ukigumo dans les riffs de guitare, mais sa voix claire et mélodieuse me donne également cette même impression. Le style est différent mais les compositions assez atypiques de chaque morceau de l’album me rappellent un peu Cero sur leur album e o. On y trouve une grande liberté stylistique même si on reste sur du rock à tendance alternative. J’ai toujours le sentiment qu’Ukigimo joue avec aisance, sans faire d’efforts et que ces sons si bien agencés lui viennent naturellement sans qu’il se fasse violence. Ce qui est particulièrement épatant sur une bonne partie des morceaux est la qualité des chœurs accompagnant les compositions. On y trouve quelque chose de ludique, que ça soit dans ses chœurs très chantant ou dans les choix d’accords de guitare. Je me dis par moment qu’on n’est pas très loin de Tokyo Jihen, et je m’attendrais presque à ce que Sheena Ringo et Ichiyō Izawa viennent apporter soudainement leurs voix au détour d’un couplet. Et quand la guitare se réveille pour des petits solo, c’est un vrai régal. L’ensemble de l’album est excellent dès le premier morceau Tight! (タイト!) et le suivant On your side, mais j’adore particulièrement l’enchainement de trois morceaux au milieu de l’album Talassa, Fuel et Profile. C’est assez exceptionnel, que ça soit au niveau de la composition musicale particulièrement inventive que du chant plein d’ampleur et de superpositions. Un morceau comme Talassa me fait en fait penser à e o de Cero. Ces morceaux sont vraiment très inspirés et ça accentue d’autant plus mon incompréhension de constater que cet album n’est pas disponible sur iTunes ou en CD au Tower Records du coin. Renaissance se révèle après plusieurs écoutes, et ne donnera pas tout son potentiel dès la première fois. Il faut s’asseoir tranquillement et lui laisser un peu temps pour diffuser son parfum. Je me surprends à avoir des mélodies me revenant en tête soudainement et avoir ensuite l’envie irrésistible d’écouter le morceau en question. Je trouve en plus qu’on se sent bien en écoutant cet album, une ambiance cool mais qui ne s’endort pas non plus sur ses amplis. Donc oui, j’avais tord de ne pas avoir écouté cet album beaucoup plus tôt, mais je n’ai que 9 ans de retard. On me le pardonnera certainement.

the streets #9

Ma série the streets poursuit tranquillement son chemin avec un neuvième épisode qui continue à cumuler des photographies désordonnées sans aucuns liens apparents les unes avec les autres. Une Mercedes Benz vintage qui pourrait bien être un modèle 250SE de 1967 est suivie par un papillon docile se laissant prendre en photo sur sa grande baie vitrée. Des autocollants de rue pris au piège par un filet semblent menacés par une plante peut-être carnivore sur la photographie qui suit. Ça faisait longtemps que je n’avais pas marché de la maison jusqu’à Shinjuku, mais ça me redonne l’occasion de passer près de la gare de Yoyogi, notamment devant la petite sortie arrière en forme d’arche métallique d’une autre époque. J’aime beaucoup cette entrée et sortie de gare car elle apparaît tellement basse depuis la rue qu’on aurait l’impression d’une porte dérobée. Et le poster qui conclut cette série hétéroclite provient du magasin Tower Records de Shinjuku. Il s’agit du groupe Band-Maid que je n’ai pourtant jamais écouté. Il me semble avoir déjà jeté une oreille sur un ou deux morceaux du groupe sans pourtant avoir vraiment accroché. Il faudra peut-être que j’écoute à nouveau si elles ont sorti un nouvel album comme le laisse présager ce grand affichage publicitaire à l’intérieur même du Tower Records. J’étais en fait venu au Tower Records de Shinjuku pour acheter le Blu-Ray du dernier live de Sheena Ringo, Sheena Ringo to Aitsura to Shiru Shogyōmujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常), auquel j’avais assisté en Mai 2023 mais que je n’avais pas encore acheté et qui manquait donc à ma chère collection. J’avais en fait un enregistrement de ce concert lorsqu’il était passé sur la chaîne payante WowWow à laquelle je m’étais abonné exprès pendant une période d’essai pour voir ce concert. Cet enregistrement avait rendu l’achat du Blu-ray moins immédiatement nécessaire, mais un problème technique inattendu ou une mauvaise manipulation (ce qui est plus probable) a fait disparaître l’enregistrement du concert du petit disque dur attaché à la télévision. Le prochain concert Ringo Expo’24 au Saitama Super Arena approchant à grands pas, l’envie de revoir le concert précédent devint presque irrésistible ou du moins nécessaire. Le Tower Records de Shinjuku est le vendeur de disques où j’étais pratiquement sûr de trouver l’édition première presse avec boîtier et livret grands formats. Il faudra un jour que je reprenne en photo ma collection complète sur Sheena Ringo mais l’ensemble ne tient plus depuis longtemps dans le cadre étroit d’un objectif photo.

Les deux photos ci-dessus sont également prises au Tower Records, mais à celui de Shibuya qui est beaucoup plus grand que sa version de Shinjuku. À l’étage des vinyls, on peut trouver deux guitares encadrées comme des œuvres d’art dans des caissons de verre. Ce sons deux guitares de Ryōsuke Nagaoka (長岡亮介) alias Ukigumo (浮雲), une Phantom vert menthe customisée au nom d’Ukigumo et prenant à priori la base du modèle Phantele et une RS Guitarworks Explorer Junior dont la forme me fait penser à une Flying-V qui se rêverait être une Flying Star X. La Phantom est emblématique de Tokyo Jihen et Ukigumo en a utilisé de nombreuses dans différents coloris comme le montre la couverture du magazine japonais Guitar Magazine de Juillet 2021. Je pense qu’il réserve plutôt la RS Guitarworks Exp Jr pour son groupe Petrolz, mais je n’en suis pas certain. Nicolas que j’ai rencontré avec beaucoup de plaisir cette semaine lors de son passage à Tokyo, et à Shibuya en particulier, m’a rappelé qu’il fallait vraiment que j’entame la découverte du groupe, en commençant par le live album Capture 419 enregistré le 19 Avril 2012 à Shimokitazawa Garage et l’album Renaissance sorti en 2015. C’est bien noté. Ma difficulté a été de les trouver en version CD aux magasins Disk Union à un prix abordable, mais je ne désespère pas. Notre rencontre a été l’occasion de lui transmettre en mains propres l’artbook signé de Nakaki Pantz, que je gardais précieusement (comme un trésor enfoui) à la maison pendant environ deux ans. Cela a également été l’occasion de parler de vives voix de mille choses et bien entendu des musiques japonaises qu’on aime tant.

Et dans ces musiques japonaises que j’aime tant, je mettrais cet album de la compositrice et interprète originaire d’Osaka, Asuka Kuroiwa (黒岩あすか) que je découvre soudainement et sans m’y être préparé par son dernier album Kaibutsu (怪物) sorti le 2 Octobre 2024. Cette musique rock, avec à la fois des éléments de folk et de post-rock dans l’esprit, est tout à fait fascinante et unique. La voix d’Asuka Kuroiwa y est pour beaucoup, à la frontière entre les murmures et les cris intérieurs désespérés. Le rythme lent et la beauté pénétrante de la musique du groupe accompagnant la voix d’Asuka Kuroiwa nous donnent envie de nous arrêter au calme pour apprécier ce moment d’une sensibilité rare. L’album de sept morceaux pour 38 minutes forme un ensemble dont il est difficile d’extraire et de dissocier des morceaux en particulier, qui font partie d’une expérience d’écoute démarrant par un morceau instrumental et continuant avec certains morceaux prenant le temps de se développer sur presque huit minutes. On trouve quand même une sorte d’aboutissement de la démarche sur le sublime morceau Kaibutsu (怪物) reprenant le titre de l’album. En écrivant ce billet, mes mots sont influencés par les ceux d’introduction d’une interview de l’artiste datant de 2017. L’interviewer y exprime un désir profond que l’oeuvre musicale secrète et rare d’Asuka Kuroiwa parviennent jusqu’à ceux qui en ont besoin ou qui peuvent en apprécier la valeur (この密やかにして稀有なる名作が、届くべき人のところに届いて欲しいと切に願う). Je trouve ces mots très juste car cette musique ne parviendra pas à tout le monde mais fera beaucoup de bien à ceux qui y sont réceptifs et qui l’attendait sans le savoir.

銀座・林檎・EXPO十八

Je continue à marcher entre les immeubles de Ginza, sans me perdre car l’organisation des rues en quadrillage autour des grandes avenues fait qu’on a toujours un point de repère. Je voulais faire un tour d’horizon des nouveaux buildings du quartier mais j’en trouve assez peu que je ne connaissais pas déjà. Je reviens donc par défaut vers celui fait de cubes de verre, conçu par Renzo Piano pour Hermes. Depuis que l’immeuble Sony au coin de rue a été démoli, on peut l’apercevoir pleinement du carrefour, notamment depuis les hauteurs de la tour Tokyu Plaza que je prends également en photo ci-dessus. Mais ça, je l’avais déjà dit dans un billet précédent et je me répète. De ce tour d’horizon du quartier, je garde en tête la beauté des matériaux de certaines devantures comme celle de Bottega Veneta sur la première photographie. Nous sommes assez tôt le matin avant que les boutiques et Department Stores n’ouvrent pour la journée et les rues sont calmes. J’aime particulièrement marcher le matin avant que l’activité démarre, mais l’occasion ne se présente que rarement.

J’avais une légère appréhension avant de regarder le Blu-Ray du concert Ringo Expo’18 de Sheena Ringo car je me demandais si elle avait conservé sur ce dernier concert en solo toute la passion que j’ai pu voir sur ses concerts précédents. Je m’inquiétais bien entendu pour rien car ce concert est grandiose, d’un style très différent de la sobriété du dernier concert News Flash de Tokyo Jihen par exemple (qui sortira d’ailleurs en DVD/Blu-ray le 14 Avril 2021). Le budget des concerts de Sheena Ringo dans le grand espace de Saitama Super Arena est bien different de celui de Tokyo Jihen au Tokyo International Forum. Ce blu-Ray était un de mes cadeaux de Noël et je l’ai acheté au Disk Union de Shinjuku. Je me suis en fait rendu compte qu’un nouveau magasin Disk Union avait ouvert ses portes à quelques dizaines de mètres de l’ancien, mais il est malheureusement caché dans une petite rue que je n’emprunte en général pas. Cette nouvelle boutique a un rayon assez important couvrant Sheena Ringo et Tokyo Jihen, et notamment des DVDs ou Blu-Ray de concerts qui manquaient dans l’ancienne boutique. Elle est devenue ma boutique préférée.

La tournée (Nama) Ringo Expo’18 – Fuwaku no Yoyū -「(生) 林檎博’18 – 不惑の余裕 -」se déroulait en 8 dates du 20 Octobre au 30 Novembre 2018, en commençant par deux dates à Shizuoka, puis deux à Osaka, trois dates au Saitama Super Arena et au final une dernière date à Fukuoka. Pour chaque tournée, je constate que Sheena est à chaque fois fidèle à la ville de son enfance, en passant systématiquement à Fukuoka. Cette tournée est sous-titrée Fuwaku no Yoyū. Fuwaku fait référence au fait d’avoir 40 ans, et Yoyū au fait d’avoir de la marge. Sheena fête ses quarante ans pendant cette tournée et la date de la captation vidéo au Saitama Super Arena est celle de son anniversaire, le 25 Novembre. Ce sous-titre doit donner l’idée qu’on ne doit pas se laisser perturber par le fait d’avoir 40 ans et que le temps ne manque pas pour continuer à faire de belles choses. En plus de ses quarante ans, cette tournée correspond également aux 20 ans de sa carrière musicale démarrée en 1998. C’est assez fréquent dans la vidéographie de Sheena Ringo de trouver des videos de concerts correspondant exactement à ces dates d’anniversaire.

Sur cette tournée, Sheena est accompagnée par un groupe de musiciens prenant un nom de formation tirée de la science fiction, The Mighty Galactic Empire. Les noms des membres nous sont familiers, car l’air de rien, même si Sheena est annoncée en solo, elle fait toujours partie d’un groupe bien identifié. On retrouve donc Hiizumi Masayuki (alias H Zett M), ancien membre de la première phase de Tokyo Jihen, aux claviers. Hiizumi intervient en fait assez régulièrement dans les compositions et aux enregistrements de certains morceaux de la carrière de Sheena, par exemple sur Shijō no Jinsei (至上の人生) dont je parlais auparavant. Yukio Nagoshi est à la guitare électrique. Il était déjà présent sur la tournée Ringo Expo 08 et participa notamment aux enregistrements de l’album Hi Izuru Tokoro. Midorin du groupe jazz SOIL&’PIMP’SESSIONS est à la batterie et c’est également un habitué des concerts de Sheena Ringo car il était notamment aux percussions sur la tournée Tōtaikai. Kameda Seiji n’est par contre pas à la guitare basse sur cette tournée, comme c’était le cas dix ans auparavant pour Ringo Expo 08, car il s’agit de Keisuke Torigoe. Torigoe joue aussi de la contrebasse et il était également présent sur la tournée Tōtaikai. C’est également un habitué car il faisait également partie de la formation de la mini tournée Chotto Shita Reco Hatsu en 2014. Ce dernier concert accompagnant la sortie de Gyakuyunyū: Kōwankyoku n’est d’ailleurs pas disponible en DVD ou Blu-ray mais était retransmis sur la chaîne du câble WOWWOW et on peut le trouver sans trop de difficultés dans les méandres de l’internet. Un orchestre de 32 musiciens pour 10 instruments (si mon compte est bon) mené évidemment par Neko Saito vient compléter la formation The Mighty Galactic Empire. On peut également voir sur scène deux groupes de danseuses: Ai et Bambi Naka, qui signe également certaines chorégraphies, et le groupe Elevenplay composé de 4 danseuses (Kohmen, Saya, Erisa et Kaori). J’étais surpris de ne pas retrouver la troupe Idevian Crew qui était présente sur plusieurs concerts comme Bon Voyage de Tokyo Jihen ou Ringo Expo 08. Ceci étant dit, j’ai trouvé les chorégraphies sur Ringo Expo 18 bien meilleures que ce que j’avais vu jusqu’à maintenant sur un concert de SR/TJ (surtout si on compare à Bon Voyage), notamment dans la manière dont les danseuses s’intègrent à la représentation et leur interactions avec Sheena. Je dirais même qu’elles deviennent un des (nombreux) intérêts du spectacle, surtout la présence de Bambi Naka et Ai en fait, qui serait presqu’aussi forte que celle d’Aya Sato. La chorégraphie générale du concert est assurée par la copine de Sheena, la chorégraphe MIKIKO (qui chorégraphie également des spectacles de Perfume) et je pense que c’est tout simplement la raison pour laquelle c’est réussi. Le concert inclut également plusieurs artistes invités, plus nombreux qu’à l’habitude d’ailleurs, mais j’y reviendrais un peu plus tard. Le nom de science fiction de la formation The Mighty Galactic Empire évoquerait plutôt le monde de Star Wars, mais la jaquette du DVD/Bu-Ray nous rappelle évidemment l’affiche de Rencontres du 3ème Type de Steven Spielberg, film inscrit dans ma culture cinématographique l’ayant vu et revu des dizaines de fois (et même dessiné des montagnes ce qui inquiétait un visiteur de ce blog). Le concert démarre également par une allusion très marquée à ce film, sorti en 1977 aux États Unis mais en 1978 au Japon, l’année de naissance de Sheena. On ne répétera jamais assez que rien n’est laissé au hasard chez Sheena Ringo et ça en deviendrait presqu’inquiétant (mais en même temps tellement intéressant). Dans sa totalité, ce concert est excellent mais je me rends compte que je ne suis plus très objectif dans mes évaluations. Il n’y a rien à mettre de côté, par rapport à certains concerts précédents où quelques morceaux m’intéressaient moins. La playlist du concert est assez variée mais couvre beaucoup plus la deuxième partie de carrière de Sheena, et plutôt les derniers albums: Hi Izuru Tokoro, les deux Gyakuyunyū et Ukina. On trouve également un assez grand nombre de singles qui seront plus tard inclus sur l’album Sandokushi. On y trouve également quelques reprises d’anciens morceaux pop japonais et de nombreuses collaborations sur scènes qui comptent parmi les meilleurs moments du concert. Musicalement, il ne s’agit peut être pas du meilleur concert que j’ai pu voir jusqu’à maintenant, ni le plus prenant émotionnellement, mais il est de loin le plus beau et le plus abouti en terme de mise en scène.

Le premier morceau du concert est instrumental et s’intitule Kichi to no sōgū, qui veut dire rencontre avec la sagesse. J’imagine que ce titre évoque la sagesse que l’on gagne petit à petit avec les années et qu’il s’agit là d’une première évocation de son passage vers la quarantaine. Cet instrumental ressemble à un morceau de chauffe pour l’orchestre de Neko Saito qui apparaît sur scène dès le début. Sheena n’est pas encore sur scène et n’apparaîtra que dans le morceau suivant. Une étrange machine de science fiction apparaît sur les écrans vidéo en arrière plan. Elle réagit à chacun des instruments de l’orchestre joués indépendamment les uns après les autres. La machine reconnaît chaque instrument joué en donnant son nom à l’écran et compose ensuite une réponse musicale. Le dialogue entre l’orchestre et la machine se construit petit à petit et n’est pas sans nous rappeler la scène emblématique de Rencontres du 3ème type où les scientifiques dialoguent par une succession de sons avec une présence extraterrestre. La musique qui en résulte s’accélère d’ailleurs de la même manière que dans le film. Le titre de ce morceau Kichi to no Sōgū (機知との遭遇) fait d’ailleurs référence directe avec le titre japonais du film Michi to no Sōgū (未知との遭遇), sauf que l’inconnu dans le titre du film est remplacé par la sagesse dans le titre du morceau. Mais cette machine musicale aux multiples yeux rouges me rappelle aussi les créatures Ohmu du film d’animation Nausicaä de la vallée du vent. On connaît l’affection de Sheena pour ce film et pour la princesse Nausicaä qu’elle imitait quand elle était petite, donc cette inspiration me paraît naturelle. La musique de ce premier morceau se fond ensuite avec le début de Honnō mais Sheena n’entre pas encore sur scène. Mummy-D du groupe de Hip-Hop Rhymester, un des plus anciens du genre au Japon, entre d’abord seul en scène alors que la voix de Sheena en version auto-tune se joue derrière. C’est une version très différente de ce que j’ai pu entendre jusqu’à maintenant. Sheena apparaît ensuite dans une cage de verre sous des rayons de lumière et casse petit à petit à l’aide d’un poing américain le verre qui l’enferme. La ressemblance avec les scènes du clip vidéo original de Honnō va jusqu’au coup de pied final que donne Sheena sur le reste de verre qui dépasse. La première tenue de scène de Sheena est peut-être la plus belle du concert. Comme sur la tournée Tōtaikai, elle porte une grande couronne de reine ou de princesse sur la tête. Sa robe prend un air médiéval. Il s’agit d’une robe Gucci de la collection Croisière 2018 avec l’inscription volontairement modifiée en Guccy. La robe est modifiée car des modèles d’insectes y sont accrochés. Les autres membres du groupe voient également leurs tenues de scène agrémentées de ce genre d’insectes. J’aime beaucoup cette tenue de scène parce que Sheena l’accorde avec des grosses plateformes boots noires qui contrastent avec le reste. On peut se demander pourquoi Sheena ne jure que par Gucci pour ses tenues de scènes ces dernières années. Il doit y avoir l’attrait pour le style vestimentaire mais cet intérêt pour la marque est également très certainement dû au fait que le directeur créatif de Gucci, Alessandro Michele, a la même date d’anniversaire que Sheena (mais de 6 ans son aîné). On pensera ce qu’on veut de ce choix vestimentaire, mais je trouve que ces tenues sont plutôt bien adaptées à la scène et le style de Michelle s’éloigne de l’image tape-à-l’œil que l’on peut avoir de la marque depuis la période Tom Ford. J’aime beaucoup quand Sheena choisit l’excentricité dans ses tenues de scène. Celles de Ringo Expo 18 ne surpassent tout de même pas la tenue finale avec coiffe amérindienne du concert Discovery de Tokyo Jihen, dont elle avait elle-même l’air très fière. Après être sortie de sa cage de verre, Sheena chante de sa vraie voix sans auto-tune et Mummy-D continue sa partie rappée qui fonctionne en fait très bien pour le morceau. Lorsque démarre le morceau suivant Ryūkō, la voix rappée de Mummy-D devient très naturelle car on est tout de suite saisi par l’ambiance de Sanmon Gossip, album qui était un tournant dans la carrière solo de Sheena Ringo. Mummy-D est extrêmement mobile sur scène par rapport à Sheena qui est plus statique, du moins au début. Elle reste cool et intouchable, c’est le personnage qu’elle joue sur scène, mais elle laisse quand même échapper une larme. On le devine car elle s’essuie l’oeil pendant la représentation de ce morceau. J’aime beaucoup ensuite la manière par laquelle Sheena se synchronise avec les deux danseuses pour effectuer le même mouvement. Comme je le disais plus haut, les chorégraphies sont un des points forts de ce concert. Pendant ce temps là, Mummy-D contrôle le flux du morceau, présente les musiciens et souhaite un joyeux anniversaire à Sheena qui le remerciera ensuite par une tape complice dans la main et un petit sourire presque caché. L’énergie qui se dégage du morceau me donne envie de revenir vers Sanmon Gossip, que je me remets à écouter dans la foulée.

Les deux morceaux qui suivent proviennent tous les deux de l’album Gyakuyunyū: Kōwankyoku où Sheena reprenait à sa manière des titres qu’elle avait écrit pour d’autres artistes. Les deux morceaux de cet album sont Amagasa écrit pour Tokio et Hiyori Hime pour Puffy AmyYumi. Il s’en dégage une atmosphère rock très dense même si Sheena n’est pas à la guitare. En fait, chose assez inhabituelle, c’est le premier concert que je vois où elle ne joue pas de la guitare. Mais Yukio Nagoshi à côté d’elle assure pour deux et nous donne des jolis brins de guitares en solo vers la fin de Amagasa. Le fond de la scène est couvert d’écrans montrant des rayons rapides de lumière et affichant les paroles du morceau. Tout s’affiche très vite, ce qui vient contraster avec la posture quasi immobile de Sheena. Hiizumi est le seul à être présenté pendant ce morceau, et il se montre un peu plus sur scène à ce moment là, mais reste assez discret par rapport à ce que j’avais pu voir de lui sur le concert Dynamite de Tokyo Jihen Phase 1. Pendant tout le long du concert, je m’attendais à ce qu’il fasse des gestes démonstratifs mais il reste à sa place car il ne s’agit pas là d’un revival de Tokyo Jihen. Midorin enchaine rapidement sur le morceau suivant Hiyori Hime, en y allant très fort à la batterie. J’avais pris l’habitude de percussions plus jazz de sa part, et on dirait même Toshiki Hata qui joue sur ce morceau en particulier. J’aime beaucoup le rythme de ce morceau et Sheena pousse sa voix sans dérailler une seconde. C’est quand même un vrai plaisir de voir qu’elle ne perd pas sa voix et qu’elle a même de la marge (le yoyū du sous-titre peut être). La puissance du son baisse ensuite de quelques tons avec le morceau très léger et délicat APPLE de Towa Tei, qui apparaît sur son album Lucky sorti en 2013 (celui avec les poix rouges dessinés par Kusama Yayoi) et qui est également repris sur Ukina, sorti la même année. Je me souviens que ce morceau avait attisé ma curiosité pour Towa Tei et que j’avais écouté et apprécié deux de ses albums a savoir Lucky (2013) et EMO (2017). Towa Tei n’intervient malheureusement pas en invité sur scène. Une vidéo animée à base de pomme est montrée en fond, tout en donnant les noms des membres de The Mighty Galactic Empire. Les danseuses Bambi Naka et Ai reviennent sur scène avec une pomme à la main et portent d’étranges blousons boursouflés au niveau des épaules. Sheena porte également au dessus d’une robe légère rosée ce même blouson couvert de fourrure avec ces sortes d’airbag sur les épaules. Ce blouson si particulier a en fait une histoire. Il a été initialement créé en 1989 par le désigner new-yorkais Dapper Dan (alias Daniel Day) en reprenant des motifs Louis Vuitton pour les manches boursouflées plutôt que les motifs Gucci de la version portée par Sheena et les danseuses pendant ce concert. Il s’avère que Dapper Dan s’était fait une réputation dans les années 80 depuis sa boutique d’Harlem auprès notamment du monde du hip-hop de l’époque, en dessinant des vêtements reprenant des logos et morceaux de tissus de marques de luxe sans autorisations préalables. Dapper Dan fut contraint de fermer sa boutique et son business en 1992 suite à une attaque en justice de la marque Fendi. Alessandro Michele de Gucci réhabilita en quelques sortes le designer en créant, vingt-huit ans après le modèle original, une nouvelle version de ce blouson avec les logos de la marque. On crut d’abord au plagiat mais il s’agissait en fait d’un hommage. Enfin, on n’en est pas absolument certain. Ce design très particulier est immédiatement remarquable, mais Sheena ne le gardera que pendant ce morceau. Elle laissera ce blouson tomber derrière elle pour ne rester qu’en robe légère rosée ressemblant à une nuisette, mais toujours avec sa grande couronne sur la tête. Les écrans vidéos derrière elle deviennent comme de gigantesques miroirs qui réfléchissent le public. Elle interprète maintenant Ma Chérie, morceau qui n’est pas encore sorti car il n’apparaitra que sur Sandokushi l’année d’après. Ce morceau est inédit mais comme il était utilisé en extrait pour une publicité Shiseido, le public devait déjà en partie le connaître au moment de ce concert. La version est identique à celle de Sandokushi sauf qu’elle chante d’une voix un peu plus grave, qui fonctionne mieux que sur l’album. Mais j’aime de toute façon beaucoup la dynamique de ce morceau dans ces deux versions.

On remonte ensuite soudainement dans le temps avec un morceau de Muzai Moratorium, Tsumi asobi. Toujours pas de guitares à l’horizon pour Sheena, mais un instrument particulier fait son apparition sur scène sous la forme de cloches tubulaires qu’elle vient frapper de manière occasionnelle pendant le morceau à l’aide de deux petits marteaux. Elle effectue également sa danse habituelle des mains pour ce morceau, mais en tenant en mains les deux petits marteaux. Cela donne un côté à la fois charmant et un peu ridicule, mais ça passe parce qu’elle sait rendre cette chorégraphie naturelle. Cette scène et la dangerosité, certes toute relative, de danser avec des marteaux en mains, me rappelle la scène du couteau dans Ringo Expo 08. Dix ans après, elle est toujours en mesure de créer ce genre de scènes un peu décalées où on a peur, en tant que spectateur, qu’elle finisse par se blesser devant nous. Ceci étant dit, les marteaux semblent quand même plus inoffensifs que la plaque de verre qu’elle brise au poing américain au tout début du concert, ou le découpage de pommes au couteau sur Ringo Expo 08. Quand elle ne danse pas avec les marteaux ou tape sur les tubes, Sheena prend sa position habituelle de côté avec la tête légèrement en arrière, en ayant l’air de maîtriser la situation. Il est clair qu’il n’y a aucune hésitation dans son chant et dans ses mouvements toujours très réfléchis. Elle a toujours cette présence théâtrale qui nous fait penser qu’elle joue un rôle devant la foule, comme une actrice. Mais les émotions transpercent et apparaissent véritable. La partition musicale est très dense et a beaucoup d’ampleur sur ce concert avec une grande complémentarité entre l’orchestre de Neko Saito que l’on oublie presque tellement il est présent et le groupe à base de guitares. Après une reprise coupée en cours de route du morceau Kojin Jugyō (datant de 1973) du groupe pop originaire d’Okinawa Finger 5, Sheena entame dans la foulée le morceau Donzoko made. Les deux morceaux se mélangent. Je suis surpris par l’intensité de son interprétation, car je n’avais jamais vraiment fait attention à ce morceau, éclipsé par l’autre morceau Shijō no Jinsei sorti sur le même single. Elle enlève sa couronne au milieu du morceau, laissant ses cheveux un peu ébouriffés. On sent l’intensité dans son visage et dans quelques mouvements brusques qui accompagnent la tension de son chant. Elle chante le morceau plus rapidement que d’habitude, me semble-t-il, et laisse échapper sa voix de temps en temps. Elle y met beaucoup de ferveur et ça fait plaisir à voir.

Kamisama, Hotokesama suit ensuite dans la playlist du concert, mais Sheena l’interprète seule sans Mukai Shutoku qui aurait pu quand même passer dire bonjour. Sheena se débrouille en fait très bien toute seule avec la voix de Mukai en bande son. Les six danseuses de la troupe accompagnent Sheena sur scène. Elles sont habillées de robes rouges ou grisâtres et drapées dans un grand foulard dans le style de l’album Hi Izuru Tokoro, qui devait d’ailleurs être vendu en produit dérivé à cette époque là. Sheena porte, elle, un kimono bleu posé nonchalamment sur sa nuisette rosée. Avec ces cheveux en bataille, elle prend un look sauvage exacerbé par les mouvements de danse, ressemblant à ceux d’un spectre, qu’elle effectue en synchronisation avec les danseuses. La chorégraphie sur ce morceau est merveilleuse, notamment quand les mouvements rapides des danseuses portant toutes le même foulard viennent se mélanger au final instrumental. La synchronisation entre l’orchestre qui dévoile tout son coffre et la chorégraphie précise et énergique des danseuses est très belle à voir. Sur la fin du morceau, avant de disparaître sans qu’on s’en aperçoive, Sheena prend une voix qui me rappelle celle du théâtre kabuki. Elle utilise cette manière de chanter de temps en temps, je l’ai entendu plusieurs fois dans d’autres concerts et j’adore quand elle fait ça. Une version instrumentale par l’orchestre de Kesho Naoshi fait office d’interlude pendant que Sheena change de tenue. Les six danseuses sont seules sur scène et on les présente par leurs noms sur les écrans géants à l’arrière. Elles portent toutes un parapluie semi-transparent à la main, celle avec une vague s’inspirant de celle de Kanagawa de Hokusai et un soleil japonais à larges rayons, qu’on retrouve également sur les petits drapeaux donnés au public. Alors que le morceau se termine doucement, une voix de petite fille commence à parler. C’est un message de la fille de Sheena Ringo qui a 5 ans, à la voix toute mignonne et appliquée. Elle a dû beaucoup s’entrainer car certaines formes verbales de politesse sont un peu compliquées. Il y a dix ans pour Ringo Expo 08, c’était son fils à l’âge de 7 ans qui avait laissé un message similaire à sa mère pour son anniversaire. Après cette interlude, le flot des violons et le son délicat de la harpe nous plongent tout de suite dans l’ambiance de Carnation, magnifique avec l’ecran gigantesque à l’arrière montrant une lune géante. Sheena est désormais vêtue d’une robe Gucci rose. Elle est désormais blonde sous un grand faisceau de lumière alors que le reste de la scène est dans les couleurs bleues nuit. Carnation n’est à priori pas le style de morceau que je préfère, mais je l’ai toujours aimé, que ça soit sur l’album Hi Izuru Tokoro ou ici sur scène. On continue ensuite avec deux morceaux de cet album à savoir Arikitarina Onna et Irohanihoheto. Son interprétation de Arikitarina Onna est assez poignante et elle est lumineuse avec ses cheveux blonds sous la lumière forte, comme si elle n’avait plus l’âge. Le solo de guitare vers la fin sous le sourire de Midorin à la batterie est très réussi. Sheena s’incline devant le public pour ce final, comme elle le fait régulièrement pour marquer le coup. Sur Irohanihoheto, les images des écrans géants se font plus dynamiques et graphiques. La scène est toujours sombre mais Sheena est seule éblouie par un spot de lumière comme une lumière de soleil trop forte. Elle ne force pas vraiment sa voix sur ce morceau et ce n’est pas l’interpretation que je préfère.

Le décor change ensuite complètement avec Kabukichō no Joō, qui imite bien entendu les rues de Kabukichō no Joō, avec sa multitude de panneaux lumineux et ses grandes portes rouges. Elle porte toujours sa robe rose, ce qui donne une sorte de contraste avec ce décor de rue reconstitué. Sur la toute fin du morceau, la voix de kabuki refait surface pour mon plus grand plaisir. Nous sommes à ce moment à la moitié du concert et le rythme ne va pas faiblir. Jinsei ha Yume Darake suit ensuite. C’est un morceau qu’elle avait initialement écrit pour l’actrice Takahata Mitsuki, et il s’agit d’un des morceaux préférés des fans. C’était aussi le morceau qui m’avait fait ré-réaliser de toute sa prouesse d’écriture musicale. Elle est d’abord seule sur scène avec le piano d’Hiizumi juste à côté, puis l’orchestre se réveille brusquement. Le morceau n’est pas simple à chanter et elle s’y donne à fond, ce qui donne une très belle performance. Le public ne s’y trompe pas et apprécie. La bonne surprise qui suit est l’arrivée sur scène de Ukigumo en costume de gentleman. Il interprète seul le morceau Tokyo ha Yoru no 7PM, composé par Sheena Ringo à partir de l’original écrit par Yasuharu Konishi pour Pizzicato Five. Ce morceau a été utilisé lors de la présentation des Jeux paralympiques de Tokyo à la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques de Rio de Janeiro 2016. À cette époque, Sheena Ringo faisait partie, avec d’ailleurs MIKIKO, la chorégraphe de ce concert, du comité de préparation des Jeux Olympiques de Tokyo, récemment dissous. Ce qui m’amuse un peu, c’est que Sheena se proclamait être du mouvement Shinjuku-kei au début de sa carrière, en opposition au Shibuya-kei dont Pizzicato Five est le représentant le plus connu. Je n’ai que très peu d’intérêt pour Pizzicato Five, mais le version originale de Tokyo ha Yoru no 7PM chantée par Maki Nomiya est très plaisante (et l’introduction où on demande à Maki Nomiya quelle heure il est à Osaka quand il est 7h à Tokyo est assez charmante). Ukigumo sur scène prend une attitude complètement décontractée et extrêmement sympathique. Les deux danseuses Ai et Bambi Naka l’accompagnent et sont habillées d’amples tenues spatiales blanches marquées du logo de la NASA et d’un drapeau américain. Le morceau est plutôt plaisant et reste en tête longtemps après l’avoir écouté. L’interprétation d’Ukigumo n’est pas exceptionnelle mais je ne pense pas l’avoir déjà vu seul sur scène porter un morceau devant un si large public. Il y a quand même quelque chose d’attachant dans son interprétation qui n’en fait pas trop. Ukigumo reste sur scène pour le morceau suivant Nagaku Mijikai Matsuri qu’il interprète en duo avec Sheena qui apparaît dans une robe près du corps noire Yves Saint Laurent, dessinée par Hedi Slimane. Accompagnée des 6 danseuses, elles effectuent ensemble une chorégraphie synchronisée pendant qu’Ukigumo se promène sur scène toujours d’un air décontracté en s’amusant avec son petit drapeau. Il est tellement décontracté qu’il vient même s’asseoir pendant quelques minutes, pour ensuite rejoindre le centre de la scène où se trouve Sheena pour finir le morceau sur quelques paroles rappées comme il sait très bien le faire. Sheena esquisse un petit sourire et a l’air d’apprécier. Je remarque que Sheena a toujours ce genre de sourire quand Ukigumo fait son show, comme si il sortait de sa zone de confort pour faire plaisir à Sheena et qu’elle appréciait donc cet effort là. En fond sur les écrans géants, on revoit apparaître les danseuses de Matsuri du Koenji Awa Odori Shinkō Kyōkai, qui apparaissaient également lors du concert Ringo Expo 08 et plus récemment pendant l’émission Kōhaku du réveillon 2020 sur la NHK. Le morceau se termine avec le sortie de scène de Ukigumo accompagnée d’un high five de Sheena et de sourires complices qui font plaisir à voir.

Sheena Ringo interprète ensuite Shun, le morceau central de l’album Sanmon Gossip. C’est une version réussie même si j’ai une préférence pour la version de Tōtaikai. Le solo de H Zett M vaut par contre le détour et c’est le seul moment du concert où on le sent s’exprimer même si c’est forcément un peu trop court. Le morceau suivant est une reprise écourtée du morceau Koi no Jumon ha Sukitokimekitokisu datant de 1982 de Itō Sayaka. Il s’agissait du thème d’ouverture d’un dessin animé intitulé Sasuga no Sarutobi diffusé sur Fuji TV. Sheena avait 4 ans à cette époque et elle interprète peut-être ce morceau en souvenir de son enfance. Toujours est-il que j’adore maintenant la version originale de ce morceau et j’écoute assez souvent ce single au charme des années 80. Sheena est vêtue d’un manteau vert pomme, aux couleurs me rappelant la vidéo de Jinsei ha Yume Darake, mais elle l’enlèvera rapidement avant de passer au morceau suivant Chichinpuipui. Ce morceau est celui que j’aime le moins sur l’album Hi Izuru Tokoro, mais il prend une toute autre dimension sur scène. Il fonctionne beaucoup mieux en live car les « Ringo » scandés font réagir le public et sont comme une hymne à Sheena Ringo elle-même. Le grand panneau lumineux à l’arrière affichant une pomme rouge et ses mots scandés contribue à cela. Pendant ce morceau et le suivant, Sheena change encore de coiffure pour garder ses cheveux naturels coupés courts lui donnant tout d’un coup un air plus adulte. Peut être que sa robe blanche aux motifs de couleur, très longue, contribue à cette impression de maturité soudaine.

On entame ensuite la dernière partie du concert qui est à mon avis la plus grandiose. Tortoise Matsumoto apparaît sur scène pour interpréter en duo avec Sheena le morceau Menukidōri, sous un décor lumineux rappelant Ginza. Il se donne à fond sur scène et c’est génial à voir. On sent que Sheena jubile de le voir présent sur scène et de sortir le grand jeu. Le morceau en live me donne en fait une impression complètement différente de la version en single ou sur l’album Sandokushi. On voit même que Sheena se déchaîne sur ce morceau et cette joie exprimée est très communicative. C’est un grand moment du concert mais ce qui va suivre avec l’arrivée sur scène de Hiroji Miyamoto du groupe Elephant Kashimashi est encore une autre histoire. Il interprète bien entendu Kemono Yuku Hosomichi en duo avec Sheena. J’avais déjà vu ce morceau interprété dans l’émission Music Station sur TV Asahi diffusée le 9 novembre mais cette version en concert prend une toute autre dimension. Je dirais que sa performance est bestial. Sa voix, d’abord, est très puissante mais ce sont surtout ses mouvements qui impressionnent. Il bouge dans tous les sens, s’imprègne complètement de son personnage et devient même incontrôlable sur scène. Il finit par arracher sa cravate et sa chemise puis par se rouler par terre. Sheena garde son sérieux mais elle ne peut s’empêcher de sourire puis de se reprendre. Ce qui est très fort, c’est que Miyamoto réussi complètement son interprétation vocale malgré ses mouvements exagérés et théâtraux. C’est un personnage habité et je pense qu’il jubilait d’être sur scène. Je l’avais vu invité dans l’émission matinale de la NHK Asaichi présentée par les comédiens Hanamaru-Daikichi Hakata et Yurie Ōmi (qui va malheureusement quitter la NHK à la fin Mars 2021). Hiroji Miyamoto est vraiment une personnalité particulière. Il avait mentionné plusieurs fois pendant cette émission sa participation à ce morceau avec Sheena et il évoquait une grande reconnaissance et un profond respect. Le morceau qui suit, Jiyūdom, est du coup beaucoup plus calme et classique en comparaison et conclut le set avant les rappels. Elle annonce le morceau après un court message de remerciement extrêmement poli, comme d’habitude. Elle reprend les petits marteaux devant les cloches tubulaires, entourée des 6 danseuses pour un final plutôt enjoué. Sheena fait de grandes gesticulations en guise de remerciements mais tient toujours les deux marteaux en mains ce qui rend la scène assez cocasse. Je pense qu’elle le fait exprès ou alors, il est possible qu’elle ne s’en rende pas compte.

Hiroji Miyamoto revient pour les rappels, mais cette fois-ci avec sa guitare. Comme pour Kemono Yuku Hosomichi, il est très applaudi à son arrivée sur scène. Miyamoto lui souhaite plusieurs fois un bon anniversaire avant de commencer à jouer un morceau de Elephant Kashimashi, Kanashimi no Hate. Miyamoto est beaucoup plus posé sur ce morceau mais reste extrêmement expressif ce qui fait rire Sheena. Il fait sa sortie en criant « Sheena Ringo Omedetō » avec des grands signes des bras mais se trompe de sortie, ce qui donne un petit moment comique en fin de morceau. Sheena s’était changée une nouvelle fois pour un kimono rouge. Alors qu’elle était fabuleuse en kimono sur Electric Mole, je trouve que ce kimono rouge est un peu trop formel, surtout quand on le compare à sa robe noire Saint Laurent. Un bref interlude visuel et musical appelé Bonus stage, ressemblant au jeu Super Mario mais avec une musique réarrangée du jeu vidéo Famicom Ganbare Goemon! Karakuri Dōchū (がんばれゴエモン!からくり道中) de 1986, annonce l’arrivée du dernier invité. Il s’agit de Rekishi qui vient interpréter en duo l’avant dernier morceau Kira Kira bushi. Il s’agit d’un morceau écrit par Rekishi sur son album éponyme de 2011 et présent sur l’album Ukina. Sheena y participait mais sous le nom de code Deyonna. Je pense que la musique de Goemon était utilisée en introduction car il a écrit un morceau s’appelant Goemon. Il est habillé en kimono comme Sheena, avec des lunettes de soleil blanches et une coupe Afro, portant le petit drapeau en main. Il apporte une note très enjouée et même comique pour la fin du concert, et ça plait beaucoup au public. C’est difficile de passer après des monstres comme Tortoise Matsumoto et Hiroji Miyamoto, mais il apporte une note différente à cette fin de concert. Au final, ils s’approchent tous les deux du devant de la scène comme pour parler devant le public, mais ça tourne assez court car Rekishi vient demander en plaisantant jusqu’à quand ils vont parler comme ça sur le devant de la scène. On sait bien que Sheena n’est jamais très à l’aise pour parler spontanément sur scène et répète toujours un peu les mêmes remerciements. Elle se dit toujours surprise qu’après 20 ans il y ait toujours autant de personnes qui viennent la voir sur scène. Le dernier morceau Yume no Ato de Tokyo Jihen ajoute une dernière touche émotionnelle. Elle disparaît à la fin du morceau derrière un parasol avec la grande vague de Hokusai. Une version modifiée de Marunouchi Sadistics est jouée pour le générique de fin. On y voit principalement Sheena et les danseuses habillées des blousons boursouflés de Dapper Dan, mais un étrange moine dansant est aussi présent en image. Il s’agit de Strong Machine 1go (ストロングマシン1号) qui apparait dans la vidéo de Netsuai hakkaku-chū (熱愛発覚中) et qui apparaitra également plus tard dans la vidéo de Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚). Le concert se termine sur ces images mais le blu-ray propose deux bonus, dont le morceau Hai Hai, écrit par Hatsuiku Status pour la tournée Gokiritsu Japon et qui est présent sur le troisième disque de la compilation live Zecchōshū. La captation live de ce morceau date d’un autre jour, le 22 Novembre 2018. Le deuxième bonus Yoyū mi Jikan est un assortiment de messages au public par Sheena lors des diverses représentations de cette tournée. Au final, Ringo Expo 18 s’avère être une performance assez exceptionnelle, bien plus aboutie que ce qu’on pouvait voir 10 ans avant sur Ringo Expo 18 et très différente des prestations que je connais de Tokyo Jihen. Les interprétations sont toutes très bonnes, certaines exceptionnelles, mais on sent en même temps que Sheena se lâche moins émotionnellement par rapport à certains concerts où on la sentait perdre pied devant sa propre prestation. Ceci étant dit, ça n’enlève pas grand chose à la qualité du spectacle que j’ai déjà regardé trois fois. Et on se dit que Sheena Ringo a encore de la marge (余裕) pour continuer à nous montrer de belles chansons pendant quelques dizaines d’années.

Pour référence ultérieure, je note ci-dessous la liste de morceaux interprétés lors du concert Ringo Expo 18:

1. Kichi to no Sōgū (機知との遭遇 -Sound&Vivision-), morceau instrumental inédit
2. Honnō (本能), de l’album Shōso Strip (勝訴ストリップ), en duo avec Mummy-D
3. Ryūkō (流行), de l’album Sanmon Gossip (三文ゴシップ), en duo avec Mummy-D
4. Amagasa (雨傘), de l’album Gyakuyunyū: Kōwankyoku (逆輸入 ~港湾局~), morceau initialement écrit pour le groupe Tokio
5. Hiyori Hime (日和姫), de l’album Gyakuyunyū: Kōwankyoku (逆輸入 ~港湾局~), morceau initialement écrit pour le groupe Puffy AmiYumi
6. APPLE, de l’album Ukina (浮き名)
7. Ma Chérie (マ・シェリ), morceau qui apparaîtra sur l’album Sandokushi (三毒史)
8. Tsumiki Asobi (積木遊び), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
9. Kojin Jugyō (個人授業), reprise du morceaux datant de 1973 du groupe pop Finger 5 (フィンガー5) originaire d’Okinawa
10. Donzoko made (どん底まで), deuxième morceau du single Shijō no Jinsei (至上の人生) et qui sera inclus sur l’album Sandokushi (三毒史)
11. Kamisama, Hotokesama (神様、仏様), single qui apparaîtra sur l’album Sandokushi (三毒史)
12. Kesho Naoshi (化粧直し), version instrumentale du morceau de l’album Adult (大人) de Tokyo Jihen
13. Carnation (カーネーション), de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
14. Arikitarina Onna (ありきたりな女), de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
15. Irohanihoheto (いろはにほへと), de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
16. Kabukichō no Joō (歌舞伎町の女王), de l’album Muzai Moratorium (無罪モラトリアム)
17. Jinsei ha Yume Darake (人生は夢だらけ), de l’album Gyakuyunyū ~Kōkūkyoku~ (逆輸入 ~航空局~), morceau initialement écrit pour Takahata Mitsuki
18. Tokyo ha Yoru no 7PM (東京は夜の七時), morceau interprété par Ukigumo (浮雲) et composé par Sheena Ringo à partir de l’original écrit par Yasuharu Konishi pour Pizzicato Five. Ce morceau était utilisé lors de la présentation des Jeux paralympiques de Tokyo à la cérémonie de clôture des Jeux paralympiques de Rio de Janeiro 2016
19. Nagaku Mijikai Matsuri (長く短い祭), single interprété avec Ukigumo qui apparaîtra sur l’album Sandokushi (三毒史)
20. Shun (旬), de l’album Sanmon Gossip (三文ゴシップ)
21. Koi no Jumon ha Sukitokimekitokisu (恋の呪文はスキトキメキトキス), reprise du single de 1982 de Itō Sayaka, qui était le thème d’ouverture de l’anime Sasuga no Sarutobi (さすがの猿飛) sur Fuji TV
22. Chichinpuipui (ちちんぷいぷい), de l’album Hi Izuru Tokoro (日出処)
23. Menukidōri (目抜き通り), single en duo avec Tortoise Matsumoto (トータス松本) qui apparaîtra sur l’album Sandokushi (三毒史)
24. Kemono Yuku Hosomichi (獣ゆく細道), single en duo avec Miyamoto Hiroji (宮本浩次) du groupe Elephant Kashimashi (エレファントカシマシ) qui apparaîtra sur l’album Sandokushi (三毒史)
25. Jiyūdom (ジユーダム), single qui apparaîtra sur l’album Sandokushi (三毒史)
26. Kanashimi no Hate (悲しみの果て), morceau de Elephant Kashimashi (エレファントカシマシ) sur l’album Kokoro ni Hana wo (ココロに花を) de 1996, interprété avec Miyamoto Hiroji (宮本浩次)
27. Goemon (五右衛門), interlude instrumental inspiré de Goemon pour annoncer l’arrivée de Rekishi (qui a également sorti un morceau intitulé Goemon en 2018)
28. Kira Kira Bushi (きらきら武士), morceau écrit par Rekishi (レキシ) sur son album éponyme de 2011, interprété en duo et présent sur l’album Ukina (浮き名)
29. Yume no Ato (夢のあと), de l’album Kyōiku (教育) de Tokyo Jihen
30. (Ending) Marunouchi Sadistic (丸ノ内サディスティック), version remixée (neetskills remix) utilisée en fond sonore pendant les crédits de fin du concert
31. (Bonus track) Hai Hai (はいはい), morceau écrit par Hatsuiku Status pour la tournée Gokiritsu Japon, présent sur le troisième disque de la compilation live Zecchōshū (絶頂集). La captation live de ce morceau était le 22 Novembre 2018
32. Yoyū mi Jikan (余裕み時間), assortiment de messages au public par Sheena lors des diverses représentations de cette tournée