Plusieurs semaines se sont déjà écoulées depuis le week-end où les photographies de ce billet ont été prises. Nous nous étions déplacés à Ochanomizu pour assister à une exposition de ikebana de style ikenobo, car une de mes collègues y participait. L’exposition de l’école de ikebana se déroulait dans un des grands immeubles près de la gare, le Sola City, la ville du ciel. Je n’avais pas réalisé qu’il y avait autant d’immeubles à Ochanomizu. Juste à côté de la tour de Sola City, un complexe de deux tours appelé Waterras semble avoir été construit récemment. Ces tours sont placées sur une large place, qui je pense est la terrasse du nom du complexe « Waterras ». Sur cette terrasse, un objet artistique bizarre en forme d’oreilles de lapin y est placé. A quelques mètres de là, à Kanda Awajicho, se trouve une ancienne pâtisserie appelée Omiya Yogashiten Kanda, réputée pour ses tartes aux pommes. Elle est étrangement vaste pour une pâtisserie et semble être d’une autre époque. On imagine qu’elle a eu son heure de gloire il y a des dizaines d’années et est restée strictement inchangée depuis. De cette pâtisserie, je garderais en souvenir photographique la forme des lumières du plafond.
L’ensemble Waterras est bordé d’un côté par une rue étroite en pente appelée Yurei zaka, la rue en pente aux fantômes. On imagine assez mal à notre époque que des fantômes surgissent soudainement de derrière les immeubles. Mais ils proviennent peut être d’une ancienne maison en bois entourée d’un muret de pierre. Cette grande demeure nous a bien intrigué, car elle est le seul vestige d’une autre époque, dans ce quartier désormais encombré de buildings de bureau. On se demande même comment elle a pu se maintenir dans cet état et quelles peuvent être les pressions de promoteurs immobiliers pour remplacer cet espace par un immeuble flambant neuf. On pensait tout d’abord qu’il s’agissait d’un musée où d’une galerie privée, mais il s’agissait en fait bien d’une résidence privée. Les fantômes de la rue en pente de Yurei zaka sont peut être tous réfugiés dans cette demeure en attendant patiemment la nuit, dès que les employés de bureau ont quitté les lieux, pour aller ensuite se promener dans les rues du quartier en toute tranquillité et discrétion.
J’écris ces phrases sur le ton de la plaisanterie (au cas où on en douterait) mais il y a tout de même au Japon une croyance certaine en l’existence des fantômes et des esprits. Mon esprit cartésien trouve toujours une explication logique à cette soit disant présence fantomatique, mais quoi qu’on en dise, j’ai beaucoup de mal à regarder des films d’épouvante depuis que je vis au Japon (Ring doit être le dernier que j’ai vu). Au hasard des liens internet, je tombe sur le blog de Jordy Meow, Japon Secret, notamment cet article sur une exploratrice japonaise qui voyait les fantômes. Le billet en forme d’interview est fort intéressant. Même si je reste très sceptique par nature, le sujet reste fascinant. Il y a d’ailleurs beaucoup d’articles intéressant sur son blog, notamment sur des lieux abandonnés dans la campagne et les forêts japonaises. L’exploration d’un vieil hôtel appelé Maya ou la découverte de la maison surnommée Royal House sont d’ailleurs très poussés dans la recherche des histoires et parfois des légendes que cachent ces vieilles bâtisses. Le tout est accompagné de photographies d’une grande qualité. Parfois je me dis que je devrais regarder un peu plus la blogosphère francophone au Japon. Le billet sur le New Sky building me rappelle quant à lui la visite que j’en avais fait il y a plus de dix ans. J’avais d’ailleurs aperçu récemment et de loin qu’il avait été repeint en bleu clair, ce qui est une faute de goût énorme pour tout amateur de brutalisme architectural.
Pas très loin de là, un autre bâtiment historique est tout à fait remarquable. Il d’agit d’une cathédrale de l’Eglise orthodoxe, Nicolai-dō, construite dans le style byzantin en 1891 par l’architecte britannique Josiah Conder, à qui l’on doit notamment la demeure Iwasaki-Tei du fondateur du groupe Mitsubishi à Yushima, le bâtiment Ichigo-kan à Marunouchi et de nombreux autres buildings. Malheureusement, l’intérieur de la cathédrale a été complètement détruit par un incendie lors du grand tremblement de terre du Kanto en 1923. Elle fut restaurée quelques années plus tard en 1929 mais avec un intérieur simplifié et le dôme modifié. La cathédrale tient son nom de Saint Nicholas Kasatkin (1836-1912), fondateur de cette cathédrale. Il est arrivé au Japon à l’âge de 25 ans, en jeune prêtre à Hakodate, Hokkaido. Il introduisa à cette époque la religion chrétienne orthodoxe aux communautés locales en traduisant de nombreux ouvrages liturgiques en japonais, ouvrages qui sont apparemment encore utilisés aujourd’hui.