Ces photographies datent déjà d’il y a plusieurs semaines ou mois. Je ne me souviens plus exactement du jour où elles ont été prises mais ça devait certainement être quelques jours avant la Golden Week car je vois des carpes de couleurs accrochées à la vieille maison en bois sur la deuxième photographie. Le contraste entre la structure moderne de la première photographie et la maison à l’architecture traditionnelle de la deuxième photographie est volontaire. Cette maison à Ikegami est en fait un café mais il ne proposait que des plats à emporter. La partie café est peut être ouverte maintenant mais elle ne l’était pas à notre passage. L’intérieur est extrêmement bien conservé et nous a donné envie d’y revenir, une fois que cette crise sanitaire sera passée. La structure étrange de la première photographie est celle d’un pachinko, également fermé depuis la déclaration de l’état d’urgence. Un peu plus loin alors que nous marchons vers la gare d’Ikegami, je remarque une surface de béton dans une petite rue perpendiculaire à la rue de la gare où nous nous trouvons. Même de loin, on peut apprécier la qualité de ce béton laissé à l’état brut. Je fais immédiatement un petit écart pour aller voir cette maison de plus près, et prendre les troisième et quatrième photographies de ce billet. Il s’agit d’une maison basse placée sur un terrain relativement vaste. Derrière le garage en béton brut, deux blocs blancs aux toits biseautés se font face et sont reliés pour former une sorte de long tunnel. Derrière la porte d’entrée, une cour intérieure avec un petit jardin se cache entre ces deux blocs blancs, mais je n’irais pas voir de près car il s’agit bien entendu d’une résidence privée. Une recherche rapide m’apprendra que cette maison s’appelle Lik House et qu’elle a été conçue par Satoru Hirota Architects. De nombreuses photos sur le site de l’architecte ou sur d’autres sites specialisés en architecture et design donnent une bonne idée de la configuration intérieure et extérieure. Lik House a été construite il y a dix ans, en 2010, mais a bien conservé sa blancheur d’origine. Ce type de configuration très distribué sur l’espace est assez rare dans le centre de Tokyo pour une maison individuelle.
Pour revenir rapidement à l’enquête que j’avais publié il y a environ 3 semaines, comme je m’en doutais un peu, je n’ai reçu que peu de réponses, 5 ou 6 réponses en tout correspondant je pense aux quelques visiteurs réguliers que je reconnais (je crois du moins). Pas facile d’en sortir une quelconque analyse malheureusement. Je vais certainement retirer l’enquête car attendre quelques semaines de plus n’apportera certainement pas plus de réponses (j’avoue que je pensais que les visiteurs discrets ou non réguliers y répondraient). Je remercie ceux qui ont pris quelques minutes pour répondre à l’enquête et y mettre parfois quelques commentaires. Je voulais également voir s’il y avait des suggestions de changements, mais continuer de la même manière est la conclusion qui en ressort. Indirectement, j’ai compris la raison pour laquelle je mélange les sujets dans un billet plutôt que de me spécialiser sur certains sujets comme l’architecture ou la musique japonaise dans des sections différentes du blog par exemple. Se spécialiser dans un sujet force involontairement à l’exhaustivité, se sentir obliger de parler et de donner un avis sur telle nouvelle création architecturale de tel ou telle architecte, ou d’évoquer le nouvel album de tel ou telle artiste. Se sentir obliger de le faire enlèverait pour moi tout le plaisir d’écrire ce blog, et je pense que ça peut également devenir une raison d’un arrêt de blog quand on n’arrive plus à suivre le rythme de l’actualité. Deux principes que j’essaies plus ou moins de suivre et qui sont peut être les raisons pour lesquelles je continue à écrire sans interruptions pendant plus de 17 ans: ne pas trop contraindre son écriture à l’actualité et parler de ce qu’on aime plutôt que de ce qu’on n’apprécie pas. Les déviations sont certainement nombreuses mais c’est la ligne directrice générale que j’ai en tête depuis le début.
La réouverture récente des musées et galeries est bienvenue. Après plusieurs mois sans avoir vu d’expositions, je ressentais comme un manque indescriptible. On peut bien sûr voir l’art sur Internet, mais le ressentir en grand format dans une salle minimaliste (et presque vide) a tout de même une force toute autre. Le musée de la photographie à Yebisu Garden Place propose justement une exposition de photographies de Daido Moriyama 森山大道. L’exposition a démarré le 2 Juin pour presque quatre mois. Il ne s’agit pas d’une rétrospective complète de l’oeuvre de Moriyama, ce qui serait très certainement impossible vue la quantité de photographies qu’il a pu prendre en 55 ans de carrière (il a 82 ans cette année). L’exposition nous accueille bien avec la fameuse photographie noir et blanc du Stray dog prise à Aomori en 1971, mais le contenu de cette exposition intitulée Ongoing montre principalement des photographies récentes en noir et blanc et en couleur de Tokyo exclusivement. Il s’agit d’une sélection de photographies de plusieurs de ses séries datant de 2017 et 2018, à savoir Pretty Woman (2017), K (2017) et Tokyo Boogie-woogie (2018) ainsi que des photographies de sa série continue Record démarrée en 1972 et qu’il continue à publier en petits livrets jusqu’à maintenant (avec des interruptions). Dans ces séries, on retrouve bien sûr le style immédiatement reconnaissable de Daido Moriyama, à savoir des photographies de rue prises à la volée avec un fort contraste et du grain pour le noir et blanc. Les visages et les enseignes de Kabukicho ou d’ailleurs se mélangent dans une densité visuelle qui peut donner le tournis. Les photographies sont imprimées en grand format et sont placées les unes à côté des autres sur deux longues rangées couvrant la totalité des murs de la galerie au 3ème étage du musée. Les photographies de Moriyama se regardent comme un tout, plutôt qu’indépendamment. C’est un flot d’images et je suis assez sensible à cet aspect là. Mais malgré tout, je suis frappé cette fois-ci par la qualité individuelle de chaque photographie, et j’entrevois Moriyama d’une manière un peu différente d’avant. Alors qu’auparavant, j’avais le sentiment qu’on pouvait ‘survoler’ une exposition de Moriyama pour en saisir la substance, je me suis laissé attirer cette fois-ci par les détails. Je connaissais déjà certaines photographies pour les avoir vu l’année dernière dans les couloirs souterrains sous le grand carrefour de Shibuya pour l’exposition SHIBUYA / 森山大道 / NEXT GEN, notamment une photographie devenue emblématique d’un mannequin féminin de vitrine avec des lunettes de soleil dans lesquelles le photographe et une passante se reflètent (la passante qui regarde au même moment les lunettes de soleil est un de ces détails). Les photographies en noir et blanc ont beaucoup de force et sont celles que je préfère, par rapport à celles en couleur que je trouve plus inégales. Dans une des salles de l’exposition, une photographie de lèvre rouge de la série Lips! Lips! Lips!, comme sur l’affiche de l’exposition, est répétée des dizaines de fois sur plusieurs rangées, ce qui peut rappeler Warhol. Une petite salle dans le noir montre quelques photographies rétro-éclairées de sa série Tights in Shimotakaido de jambes féminines couvertes de bas résille. Ces photographies sont maintenant devenues emblématiques, et c’est un aspect que je n’avais pas vraiment perçu jusqu’à maintenant.
A mon arrivée au musée au moment de payer mon billet, je demande un flyer de l’exposition car je n’en vois pas positionné aux endroits habituels. La réceptionniste, un peu embêtée, veut bien me donner un flyer mais me demande lequel car il y a 16 versions différentes. Je demande deux versions prises au hasard, pour me rendre compte un peu plus tard que d’autres exemplaires sont disponibles sur des reposoirs aux étages. Je ne peux m’empêcher d’en prendre d’autres, car chacun montre une photographie différente de Daido Moriyama. C’est assez rare de voir plusieurs versions de flyer pour une seule et même exposition. Sur les 16 au total, j’en collectionne 8 que je montre en photo ci-dessus regroupés les uns à côté des autres. J’aime beaucoup le design graphique avec cette couleur jaune très marquée. A chaque exposition que je vais voir, je collectionne systématiquement le flyer que je garde ensuite précieusement dans un classeur rempli à raz bord. J’en suis déjà à mon troisième classeur et j’aime les réouvrir de temps en temps. J’ai commencé à collectionner les flyers des expositions que j’ai été voir au même moment où j’ai commencé ce blog, c’est à dire en Mai 2003. Le premier flyer de ma collection est celui d’une exposition de Nobuyoshi Araki intitulée Hana-Jinsei dans ce même musée de la photographie à Yebisu Garden Place.