this feeling

Perdue dans la foule infernale, elle ne cherche même plus son chemin, s’abandonnant à son sort en espérant qu’une lumière vienne soudainement la guider à travers la noirceur de la nuit. La voilà qui s’approche, rouge étincelante. Elle lève les yeux mais ne voit pas ses limites. Cette lumière semble à la fois proche et très lointaine derrière des obstacles infranchissables. La foule avançant par vagues en sens inverse la bouscule sans cesse, comme un torrent vient percuter un rocher placé sur son passage, mais elle se tient forte avec ce point de lumière devant elle comme repère fixe au fond d’un long tunnel. Les éléments par moments déchaînés connaissent tout de même quelques accalmies dont elle profite pour avancer avec précaution. Ces accalmies se répètent mais elles restent courtes et imprévisibles. Le danger immédiat est de se laisser emporter en arrière par le courant et ainsi perdre pieds jusqu’à ne plus voir cette lumière rouge mystérieuse.

J’ai parfois le sentiment qu’elle est une matérialisation imagée de Made in Tokyo. Je vois bien la lumière mais la marche me semble encore bien longue avant de l’atteindre. Je suis en mouvement depuis plus de vingt ans avec des obstacles que je m’imagine souvent moi-même.

Le nouveau single eko de la compositrice et chanteuse Yeule, dont je parle ici pour chacune de ses nouvelles sorties, marque un virage pop très interessant et vraiment très réussi. Les nombreux glitches qui sont caractéristiques de sa musique sont toujours très présents et donnent une aspérité certaine à ce morceau pop qui n’en est en fait pas vraiment un, car la noirceur reste inhérente. J’ai l’impression qu’elle arrive à trouver de nouveaux équilibres en s’éloignant petit à petit de ses visions désespérées. Les thèmes ne sont pourtant pas très différents évoquant ses obsessions et la voix qui parle sans cesse dans sa tête et qu’elle nommait Mandy (pour Me and You) sur le dernier morceau, fracassé il faut bien dire, de l’album Glitch Princess. Elle se tourne vers des terrains plus pop, alors que son dernier album softscars marquait lui un tournant rock, ce qui montre une capacité certaine à faire évoluer son approche musicale sans perdre ses particularités et c’est vraiment épatant.

L’artiste Smany sort des nouveaux morceaux au compte-goutte et je ne les manque jamais, car j’y trouve un certain réconfort même si les paroles sur ce dernier Kurai Kurai (暗い暗い) ne respire pas la positivité. Les morceaux de Smany nous amènent à chaque fois dans la pénombre mais ne nous laisse jamais seul, car sa voix dégage une luminosité qui fait qu’on n’est jamais très loin de la surface. On s’aventure volontiers dans cette atmosphère pour y disparaître quelques instants. Smany nous recommande souvent d’écouter ses morceaux le soir lorsqu’il pleut. Ça tombe très bien car la pluie fine est incessante ce soir, alors que j’écris ces quelques lignes. Smany compose la musique et écrit les paroles du morceau, mais il est mixé par l’artiste World’s end girlfriend, don’t j’ai déjà parlé sur ce blog et qui est un fréquent collaborateur de Smany. Ce nouveau morceau est apparemment seulement disponible sur Bandcamp sur le label Virgin Babylon Records.

La découverte musicale suivante est vraiment fascinante. Je ne connaissais pas l’artiste Japano-allemande Nina Utashiro (歌代ニーナ), née à New-York et actuellement basée à Tokyo, que je découvre avec son premier EP intitulé OPERETTA HYSTERIA (オペレッタヒステリア) sorti en Juillet 2022. Nina Utashiro est une artiste touche-à-tout, car, avant de se consacrer à la musique, elle était éditrice de magazine tel que i-D Japan, directrice artistique, styliste, modèle et créatrice visuelle. On constate très clairement dans ses vidéos l’attention apportée au visuel qui s’accorde parfaitement avec l’esprit de ses morceaux, mélangeant le romantisme à des ambiances gothiques voire vampiriques, le glamour aux ambiances horrifiques. Son chant est la plupart du temps rappé avec des paroles souvent percutantes et crues, mais pas sans une once d’humour dans les agencements de mots, les accumulations de choses et de leur contraire sur le morceau ARABESQUE par exemple. Sur le morceau HYMN, qui compte parmi les meilleurs du EP, Nina termine chacun de ses couplets par des Amen qui font ressembler son chant à une drôle de prière. Elle explique en interview que son père allemand versait dans les extrémismes religieux auxquels elle n’adhérait pas et qu’elle a rejeté en bloc en se tournant vers des formes musicales radicales. Les sept morceaux du EP ne nous laissent pas tranquille pendant toute l’écoute car son personnage est insaisissable, mélangeant les voix comme une multitude de personnalités différentes, chantant parfois d’une voix douce puis nous parlant ensuite de manière brutale. Le morceau NOCTURNE est celui que je préfère du EP, car c’est le morceau que je trouve le plus hanté notamment dans ses variations de voix assez géniales. Les vidéos à l’esthétique sombre sont aussi étranges que sa musique. Elles sont réalisées par OSRIN de Perimetron, qui est également membre permanent de Millennium Parade. Cela me fait penser que j’adorerais entendre une collaboration de Nina Utashiro avec Millennium Parade.

Je savais bien qu’il ne fallait pas commencer à écouter de la K-POP car j’ai maintenant du mal à m’en sortir. Enfin, je n’écoute que le groupe aespa. J’écoute tellement le morceau Supernova, dont je parlais dans le billet précédent, que je n’ai pu m’empêcher de vérifier s’il pouvait y avoir d’autres musiques du groupe que je pourrais autant apprécier. Et j’écoute donc leur dernier EP Whiplash sorti tout récemment le 21 Octobre 2024. Le morceau titre Whiplash est tout aussi excellent. J’adore ces sons d’inspiration techno club avec une ligne de basse très présente, d’autant plus que les quatre filles de aespa enchaînent leur partitions vocales avec une confidence qu’on ne voudrait pas contredire et qui est parfaitement représentée dans la vidéo blanche clinique représentant du matériel audio comme des armes de guerre. Bien entendu pour de la K-Pop, l’esthétique générale de cette musique et de sa vidéo utilise la beauté inhérente des quatre membres du groupe, mais il faut bien dire que le design vestimentaire sur ce morceau en particulier est réussi. aespa se compose de quatre membres qui ont toutes des noms de scène et sont plus ou moins mises en avant en fonction des six morceaux du EP. Bien que le groupe soit coréen sous une agence coréenne, sa composition est plus internationale: Karina (카리나), de son vrai nom Yu Ji-min (유지민), est coréenne, Giselle (지젤), de son vrai nom Aeri Uchinaga (内永枝利) est japonaise de mère coréenne, Winter (윈터) de son vrai nom Kim Min-jeong (김민정) est également coréenne, tandis que Ningning (닝닝), de son vrai nom Ning Yizhuo (宁艺卓) est chinoise. Il n’est pas rare de voir des japonais(es) dans les groupes coréens, mais il me semble que l’inverse est moins fréquent (mais je suis loin d’être spécialiste). Ce type de composition est forcément étudié et ne doit pas être complètement dû au hasard des castings, mais le résultat musical n’en reste pas moins très bon, à la grande surprise. Le reste du EP Whiplash n’est certes pas aussi percutant que le morceau titre qui démarre le EP, mais il y plusieurs excellents morceaux qui me plaisent beaucoup, notamment Flight, Not feelings mené par la voix semi-rappé de Gisèle, le plus ludique Pink Hoodie et le très beau Flowers avec un riff de guitare enveloppant et plein d’ampleur. Je ressens une personnalité certaine dans cet EP qui ne semble pas être influencé par les influences du moment. Je ne me rends compte que maintenant que Grimes a remixé le single Supernova. Plus qu’un remix, il s’agit d’un hacking de morceau car elle a créé quelque chose de complètement nouveau reprenant seulement quelques paroles du morceau original et part vers des horizons complètement différents. J’avais ignoré Grimes depuis quelques temps, car elle divaguait vers des concepts d’intelligence artificielle qui me faisaient un peu peur, mais ce genre de création alternative est vraiment intéressant. Il faut dire que Grimes est fan du groupe aespa et les a même interviewé pour le magazine Rolling Stone, ce qui me fait dire que je ne me trompe peut-être pas en appréciant leur musique. Il me reste maintenant à résoudre le mystère de pourquoi Ikkyu Nakajima et Motifour Kida de Tricot sont tellement fan de Kep1er, un autre important groupe de K-POP féminin, mais ça sera pour un autre épisode de Made in Tokyo.

beautifully scary & scarefully beautiful

Je n’ai pas lu en entier de manga du mangaka d’horreur Junji Itō (伊藤潤二), mais j’avais tout de même très envie d’aller voir l’exposition Enchantment (誘惑) qui lui est consacré en ce moment au Setagaya Literary Museum (世田谷文学館). L’exposition a ouvert ses portes le samedi 27 Avril et se déroulera jusqu’au 1 Septembre 2024. Allez savoir pourquoi, j’y suis même allé dès le premier jour, comme un fan que je ne suis pourtant pas. C’est en fait la première fois que je vais dans ce musée de Setagaya. Je voulais y aller depuis quelques temps et cette exhibition du maître Japonais de l’horreur dessinée était une bonne occasion. Depuis la station, il faut marcher une petite dizaine de minutes. Il n’est pas très difficile de trouver le chemin du musée. Il m’a suffit de suivre cette fille habillée de noir, avec le crâne à moitié rasé et une crinière rouge. Le motif dessinée de son t-shirt me semblait bien correspondre aux images que je peux imaginer de Junji Itō. Je suis en fait en train de lire son manga Tomie (富江) depuis un bon petit moment mais je le lis par petites doses, par chapitres. Tomie est une jeune fille très belle et manipulatrice, pouvant se multiplier et renaître. Elle ensorcelle les hommes au point où ils en deviennent fous et sont poussés au meurtre. Elle est même souvent victime car elle parvient à chaque fois à faire surgir le pire qui se cache dans le fin fond de l’être humain. Au fur et à mesure des histoires composant le manga de plus de 700 pages, elle est découpée en morceaux mais renaît toujours de parties d’elle même et vient sans relâche hanter son entourage jusqu’à la folie. L’histoire et les images sont effrayantes mais on a du mal à se détacher des pages car on n’ose pas imaginer quelle nouvelle atrocité Tomie manigance. En lisant le manga, on se dit en fait que Tomie est la personne qu’il ne vaut mieux pas avoir le malheur de connaître ou de croiser, et qu’il ne faut surtout pas l’inviter chez soi. On plaisantait avec Nicolas sur ce manga en ayant même peur de l’avoir chez soi et confronter le regard de Tomie sur la page de couverture.

Je suis loin d’être adepte des manga d’horreur mais il faut avouer que les images que construit Junji Itō sont particulièrement impressionnantes et imaginatives. Je conçois tout à fait qu’il ait de nombreux fans au Japon et à travers le monde. C’était d’ailleurs ma constatation au musée de Setagaya dès l’ouverture le matin, car la foule était présente sans qu’on se marche pourtant sur les pieds. L’espace était assez vaste et couvrait de nombreuses séries de l’auteur, que je découvrais à part Tomie que je connaissais déjà et qui nous accueillait dès la première partie de l’exposition. En voyant le beau visage et les grands yeux de Tomie, je me suis d’abord demandé si c’était une bonne idée d’entrer à l’intérieur. Mais je ne suis heureusement pas seul présent à cette exposition, ce qui me donne finalement le courage d’entrer. Je ferme quand même bien mon sac pour éviter que s’y glisse par erreur des cheveux de Tomie (ou un petit doigt). Une des raisons pour lesquelles j’ai commencé la lecture du manga Tomie était la passage de Junji Itō au festival Angoulême en 2023. J’avais vu malgré moi beaucoup d’images de cette exposition intitulée « Dans l’antre du délire« , sur mon fil Twitter, et elles m’ont finalement beaucoup intriguées. L’exposition à Setagaya montre un très grand nombre de planches originales de manga et des illustrations couleur. Des séries que je vois devant moi, je retiens celle intitulée Spirale (うずまき) que j’aimerais lire après avoir terminé Tomie (si j’y parviens un jour). Pour reprendre le titre de l’exposition, découvrir l’oeuvre de Junji Itō était un véritable ’enchantement’. On n’en sort étonnement pas oppressé, mais tout simplement heureux de vivre dans un monde rationnel où les monstres ne nous attendent pas à chaque coin de rue. En fait, on ne se sent pas oppressé car le tout reste fantastique et irréel. La boutique de l’exposition était prise d’assaut par les visiteurs. J’aurais voulu ramener quelques cartes postales mais la file d’attente était vraiment trop longue et j’ai fini par abandonner. Je reviendrais peut-être y faire un petit tour avant la fin de l’exposition. En revenant de l’exposition, je passe devant la sortie Sud de la grande station de Shinjuku, avec la musique d’Urbangarde dans les oreilles (Shinjuku Mon Amour).

Je mentionnais rapidement le groupe Urbangarde (アーバンギャルド) dans un billet précédent pour le morceau Shōjo Gannen (少女元年) en duo avec Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ), et j’ai eu très envie de découvrir d’autres morceaux du groupe. C’est assez compliqué de savoir par où commencer car le groupe a sorti de nombreux albums, mais les hasards de la découverte me font d’abord passer par l’album Shōwa 90 Nen (昭和九十年), sorti en 2015 qui doit correspondre à peu près à l’année 90 de l’ère Shōwa si celle-ci ne s’était pas arrêtée en 1989 pour laisser place à l’ère Heisei. On retrouve une certaine esthétique Shōwa dans le premier titre de l’album Kuchibiru Democracy (くちびるデモクラシー), mais dans une version mise au goût du jour. Ce titre de morceau, faisant référence à une démocratie des lèvres, est bien étrange. La grande majorité des visuels accompagnant les morceaux sont des plus étranges et décalés, tout comme les paroles faisant ici référence à des rouge-à-lèvres remplaçant les missiles. Les images guerrières peuvent au premier abord surprendre et faire un peu peur, comme l’image ci-dessus de Yōko Hamasaki pourtant un masque à gaz, mais elles sont sont à chaque détournées vers quelques choses d’autres, comme un combat pour espérer ne pas tuer les mots. Dans le genre « Faites l’amour et pas la guerre », il s’agit plutôt chez Urbangarde de prendre le temps de se maquiller plutôt que de faire la guerre. Le fondateur du groupe Temma Matsunaga se maquille d’ailleurs souvent, quand il ne porte pas des talons-hauts rouges comme sur la vidéo du morceau Akuma des Akuma (あくまで悪魔) de l’album Shōjo Fiction (少女フィクション) de 2018 que j’écoute également en partie. Les morceaux d’Urbangarde provoquent en moi une certaine addiction même s’ils sont pour sûr excessifs dans leurs compositions musicales et dans l’approche stylistique générale. Sur le morceau Akuma des Akuma, Yōko est vêtue d’un blanc immaculé comme une religieuse mais elle alterne souvent avec le rouge vif provocateur qu’on pourrait trouver sur un costume d’idole. Tout comme le sigle du groupe montrant un rond rouge ressemblant au drapeau japonais mais dont la couleur coule comme un maquillage en fin de soirée, on sent que toute l’approche d’Urbangarde est décalée. Yōko joue certes aux idoles mais son interprétation dans le contexte des vidéos et des paroles nous éloigne assez rapidement de l’ambiance lisse typique de ce monde là. Comme nous le rappelle le morceau Ungragra (アング・ラグラ) présent sur leur dernier album Metrospective (メトロスペクティブ), Urbangarde évolue plutôt dans un monde underground. Pour ce morceau, le groupe se fait accompagner par la troupe de théâtre Kyoshoku Shūdan Kaiten Hyakume (虚飾集団廻天百眼). Cette troupe, plus communément appelée Kaiten Hyakume, évolue également dans un univers underground, bien qu’ils préfèrent se qualifier comme étant upperground (アッパーグラウンド), jouant notamment des pièces basées sur des manga de Suehiro Maruo ou des œuvres de Shūji Terayama. Je trouve d’ailleurs que la vidéo du morceau Ungragra évoque assez clairement le film Pastoral: To Die in the Country (田園に死す) de Shūji Terayama, dont je parlais dans un billet précédent.

Le style musical des morceaux d’Urbangarde que j’ai pu écouter jusqu’à maintenant tiennent de la pop électronique soutenue et accrocheuse. Un peu comme pour la musique de Buck-Tick mais dans un style différent, on a affaire à une musique de genre (comme on peut avoir des films de genre) car l’empreinte stylistique du groupe est très forte et sans concession. L’approche musicale est souvent dense et sans retenue, comme par exemple la frénésie électronique et vocale du morceau Tokyo Kid (トーキョー・キッド). Ce morceau a une approche chaotique qui correspond bien à l’image de Tokyo. Le style du groupe est multiple et ils l’appellent eux-mêmes Tokyo Virginity Pop ou Trauma Techno Pop, si ça veut dire quelque chose. Plusieurs morceaux que j’écoute ont des envolées théâtrales comme Shinjuku Mon Amour (シンジュク・モナムール), en français dans le texte. Ce titre semble être une allusion au film d’avant-garde français Hiroshima mon amour d’Alain Resnais, mais nous rappelle aussi que Temma Matsunaga, le moteur créatif du groupe écrivant les paroles et décidant de la direction artistique du groupe, a découvert Yōko Hamasaki alors qu’elle faisait des représentations de chansons françaises. Le terme Urbangarde lorsqu’il est prononcé en japonais ressemble d’ailleurs beaucoup au terme français avant-garde. Je n’ai par contre pas encore entendu de morceaux chantés en français (s’il y en a) par Yōko. Un point intéressant est que la compositrice et interprète londonienne d’adoption Yeule, dont je parle sur ce blog de chacun de ses albums, a commis un très bon remix du morceau Akuma des Akuma. Il est très réussi car très différent de l’original, tout en conservant une partie de sa trame et en y apportant les spécificités du son de Yeule. Voilà donc un rapprochement entre deux artistes qui est très intéressant, sans être complètement étonnant vu que Yeule et Urbangarde évoluent dans des milieux d’avant-garde, qui à défaut d’être similaire, semble tendre vers les mêmes aspirations. Parmi les autres morceaux que j’écoute beaucoup en ce moment dans ma petite playlist de garde urbaine, il y a Atashi Fiction (あたしフィクション), Femme Fata Fantasy (ふぁむふぁたファンタジー), Loveletter Moyu (ラブレター燃ゆ) et Coin Locker Babies (コインロッカーベイビーズ). Ce titre là me ramène à la noirceur du Shinjuku de Ryu Murakami dans son roman du même nom.

Et je promets que pour mon prochain billet je reviendrais vers la douceur bucolique et la délicatesse des fleurs de cerisiers (mais en accompagnant peut être quand même mon billet par le rock alternatif de Minori Nagashima).

planted flowers in my head

Le sapin et les décorations sont déjà de sortie depuis plusieurs semaines. Nous les avons installé tôt cette année par rapport aux années précédentes, comme si on attendait avec impatience que cette année se termine. Ces derniers mois ont été particulièrement occupés et je pense avoir eu moins le temps de publier des billets sur ce blog. En total, j’ai publié beaucoup moins de billets cette année par rapport aux quelques années précédentes, ce qui casse une dynamique ascendante et c’est plutôt bienvenu. J’ai en fait publié moins de billets mais avec plus de textes sur chacun d’entre eux. Sont-ils intéressants, ces textes, c’est une autre histoire. Ils sont toujours écrits pour m’intéresser moi-même et j’avoue ne pas me soucier assez de ce qui pourrait intéresser les visiteurs. Ils sont pour sûr très subjectifs. Je pense que je dois tenir cette manière d’écrire aux articles interviews de magazines musicaux comme ceux des Inrockuptibles, que je lisais de manière assidue lorsque j’étais lycéen et étudiant. En plus de l’interview avec un ou une artiste, le journaliste décrivait à la première personne tout ce qui se passait avant et autour. Cette mise en scène, qui fait en quelque sorte durer le plaisir, m’a toujours beaucoup intéressé, et peut-être même indirectement inspiré. J’aime en tout cas beaucoup dévier du sujet principal du billet, car ce sont souvent ces divagations spontanées qui me permettent de découvrir de nouvelles choses. Quand aux photographies, qui devraient être le sujet principal de ce billet, elles sont prises à Daikanyama. La première donne une vue sur la gare depuis une passerelle piétonne. C’est un point de vue que j’aime beaucoup et que j’ai déjà plusieurs fois montré en photo. Je pense d’ailleurs que la première photographie que j’ai pris en argentique noir et blanc avec le Canon EOS était à cet endroit. Sur la troisième photographie, je montre une nouvelle fois la résidence Forestgate conçue par Kengo Kuma, derrière le palmier solaire planté au centre de Daikanyama.

Dans mon dernier billet sur Kurkku Fields, je mentionnais brièvement quelques vidéos de morceaux de Kyary Pamyu Pamyu pour illustrer la direction artistique de Sebastian Masuda et, de fil en aiguille, je me suis mis à réécouter la plupart des morceaux de Kyary que j’ai sur mon iPod, soit une petite vingtaine éparpillée sur plusieurs de ses albums. J’ai en fait dans ma collection un seul album entier, celui intitulé Japamyu (じゃぱみゅ) sorti en 2018, dont j’avais déjà parlé dans un billet. Cette envie de réécouter la musique de Kyary me prend de temps en temps, de manière soudaine, et je démarre toujours par Fashion Monster (ファッションモンスター). Je poursuivis par Invader Invader (インベーダーインベーダー), puis pars vers des morceaux plus récents comme le très électronique Dodonpa (どどんぱ) et Gentenkaihi (原点回避) pour suivre avec l’album Japamyu et revenir vers le morceau Noriko to Norio, dont la composition musicale s’inspire des sonorités d’Okinawa. Il y a beaucoup d’inventivité dans les compositions de Yasutaka Nakata (中田ヤスタカ) et dans les manières de chanter de Kyary. Toute sa discographie ne me plait pas mais certains morceaux ou album m’ont déjà fait dire dans le passé qu’elle est une figure importante de la J-POP japonaise, et pour de bonnes raisons. Quand je regarde ses vidéos, j’aime notamment guetter les moments de décalages volontaires avec son image kawaii, comme celui capturé ci-dessus de la vidéo de Fashion Monster ou plus récemment sur Gentenkaihi quand elle tombe d’un tapis roulant la tête la première et saigne du nez alors qu’elle est poursuivie par un ruban rouge géant. Une petite dizaine d’années séparent ces deux morceaux et vidéos.

Je suis un peu en retard pour me mettre à écouter en entier le nouvel album de Yeule intitulé softscars car il est déjà sorti il y a un peu plus de trois mois, le 22 Septembre 2023 précisément. En fait, je connaissais déjà plus de la moitié des morceaux, déjà sortis progressivement en single. Je savais l’approche beaucoup plus rock indé, par rapport aux deux albums précédents qui avaient des sonorités plus électroniques. Cette approche me convient très bien, et la violence certaine du premier morceau x w x nous met tout de suite dans l’ambiance déchirante qui accompagne une bonne partie de l’album. L’ensemble de l’album est pourtant assez apaisé musicalement parlant et le premier morceau est en quelque sorte une exception bien qu’il joue également sur le chaud et le froid. On ne trouve pas dans cet album les instants de folie qu’on pouvait entendre sur l’album Glitch Princess de 2022, sur un morceau comme Mandy par exemple. Le son de Yeule évolue pour sûr et c’est de très bonne augure pour la suite. En concert, on voit Yeule jouer de la guitare accompagnée de la musicienne Sasami Ashworth également à la guitare. J’avais déjà parlé ici de Sasami pour son premier album éponyme sorti en 2019, que j’avais à l’époque beaucoup aimé. Cette association est intéressante, mais je ne suis pas certain que Sasami participe à l’album en lui-même. Parmi les morceaux remarquables de l’album de Yeule, il y a également dazies démarrant avec un riff de guitare remarquable. Les paroles de Yeule ne respirent jamais la joie de vivre, mais on ressent quand même que l’atmosphère au dessus de sa tête s’éclaircit. L’album dans son ensemble me paraît moins intime et plus émancipé. Je le regrette un peu car je ne retrouve pas sur cet album des morceaux à l’intensité aussi forte que Bites on My Neck sur Glitch Princess qui reste pour moi un de ses chefs-d’œuvre musicaux. En écoutant le morceau Inferno sur softscars qui est un de mes préférés et qui a une approche plus électronique proche des albums précédents, je me demande maintenant si je ne préfère pas cette atmosphère là, à celle beaucoup plus pop-rock sur l’avant dernier morceau cyber meat par exemple, qui est pourtant très bon. Le titre du dernier morceau, aphex twin flame, est intriguant car on se demande s’il s’agit d’une allusion à Richard D James. Les paroles ne le mentionne pas clairement. Après Moeka Shiotsuka qui mentionne un morceau d’Aphex Twin en interview avec Seiji Kameda et ce titre de Yeule, tout me pousse à revenir bientôt vers les sons électroniques après une très longue période rock ces derniers mois.

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Au carrefour de Jingūmae à l’opposé du Tokyo Plaza, un autre immeuble fait de plaques de verre est en construction. J’ai déjà parlé de ce nouveau bâtiment commercial par Akihisa Hirata. Ce nouvel espace également développé par Tokyu verra le jour au printemps 2024. Les plaques géométriques et angulaires de verre feront en quelque sorte écho à celle du Tokyo Plaza situé dans sa diagonale. La photo de cet immeuble partiellement en verre entre en parallèle et en contraste avec la photographie suivante montrant une autre surface d’immeuble beaucoup plus simple car dessiné de nuages. En regardant une nouvelle fois l’immeuble en construction à Jingūmae, il me fait maintenant penser que les terrasses ouvertes sur l’extérieur sont comme posées sur des nuages matérialisés par des polygones de verre. Ce billet de quatre photographies est en fait symétrique car la première et la dernière photo se font à la fois écho et opposition.

Après Glitch Princess sorti en Février 2022, Yeule sortira son troisième album intitulé softscars le 22 Septembre 2023. On peut déjà en écouter trois morceaux, sulky baby, dazies et fish in the pool, qui sont tous les trois très bons et nous laisse imaginer un autre excellent album. Par rapport à l’album précédent, les deux morceaux sulky baby et dazies sont plutôt axés rock et moins expérimentaux que les morceaux du premier album. Plus facilement abordable, mais on y trouve cependant l’empreinte artistique particulière de Yeule. Le troisième morceau disponible à l’écoute fish in the pool est instrumental au piano. La mélodie est simple et belle, comme si elle avait été enregistrée dans l’intimité de l’artiste dans un moment personnel plein de mélancolie. Yeule est un personnage très particulier qu’on dirait éloigner de la réalité. Sa musique a pourtant une consistance bien réelle. Son style de composition musicale et de chant poussant aux frontières du rêve me parlent beaucoup.

Je découvre au hasard des recommandations YouTube un jeune groupe trio de rock indé japonais appelé Brandy Senki (ブランデー戦記). Le groupe originaire d’Osaka se compose de Hazuki (蓮月) au chant et à la guitare, Minori (みのり) à la basse et aux chœurs et de Bori (ボリ) à la batterie. Le groupe doit être tout jeune car seulement deux morceaux sont disponibles sur iTunes, ceux que j’écoute en ce moment. J’aime beaucoup ce style de rock alternatif rappelant celui des années 90, mais l’empreinte japonaise est tout de même très forte dans ke ton de voix d’Hazuki. Musica est leur premier morceau sorti le 31 Décembre 2022 et il a un certain succès sur YouTube si on en croit le nombre de vues. Le deuxième morceau intitulé Kids est plus récent, sorti il y a quelques jours seulement, le 8 Juillet 2023. C’est par ce deuxième morceau que j’ai découvert le groupe et j’ai tout de suite été attiré par le son de guitare très présent dès les premières cordes. Le morceau et le chant sont bien maîtrisés et il s’agit encore une fois d’un groupe à suivre de près, ne serait-ce que pour voir la direction qu’ils vont prendre. Ces deux premiers morceaux sont en tout cas excellents et très prometteurs pour la suite. J’ai parfois l’impression que le rock indé au Japon est en pleine renaissance. Mais, à force d’explorer la musique rock de ces 20-30 dernières années, je me rends compte qu’il n’a de toute façon jamais été mourant ou en voie de disparition. Quel plaisir de découvrir de nouveaux groupes et de nouvelles musiques. Comme l’écrivait Jane Birkin avec Yōsui Inoue (井上陽水) sur une affiche de Tower Records: « Pas de musique pas de vie ». J’y rajouterais bien: « Pas de musique, pas de blog ».

アメ横の歌姫がいない

Mon billet évoquant le numéro de Mars 2000 du magazine musical GB était un bon prétexte pour aller faire un tour à Ueno et en particulier dans la longue rue commerçante Ameyoko (アメ横) longeant la ligne de chemin de fer surélevée. J’ai recherché distraitement le magasin de disques dans lequel Sheena Ringo a travaillé en petit boulot avant le début de sa carrière, mais je n’ai bien entendu rien trouvé. Il est fort probable que le magasin ait de toute façon fermé depuis longtemps. Mais ce n’était qu’un prétexte car je ne suis pas allé dans ce quartier d’Ueno depuis assez longtemps. Pour un dimanche, il n’y avait pas la foule d’avant la crise sanitaire. Avant Ameyoko, je fais un petit tour dans le parc en passant devant la statue de Saigo Takamori. Un étrange personnage se trouve immobile sur la place à l’entrée du parc. Il ressemble à une sorcière jetant des sorts sur ceux qui osent s’approcher, mais intrigue tout de même les enfants qui tentent de lui susciter une réaction.

L’édition 2022 du festival Fuji Rock se déroule ce week-end et les concerts sont retransmis en direct sur trois chaînes YouTube. Je ne pensais pas passer autant de temps devant la télé mais je me suis laisser emporter par le flot des guitares. Je n’avais pas réalisé que Kenichi Asai était sur scène avec son groupe Sherbets (il y était également l’année dernière avec UA pour Ajico), et je n’ai donc pu écouter que la fin. Je voulais voir Snail Mail sur scène mais j’ai été assez déçu par la prestation. J’ai par contre beaucoup aimé Glim Spanky, même s’il ne s’agit pas du style de rock que j’affectionne le plus. Ce n’était pas apparemment leur première fois au Fuji Rock mais ils avaient l’air réellement heureux d’être sur scène et ça se ressentait. Remi Matsuo (松尾レミ) disait qu’elle était particulièrement heureuse de jouer sur la même scène que Jack White quelle écoute depuis sa jeunesse. C’était un bon set et il faudrait que je jette une oreille un peu plus attentive à leur musique. Je me dis que je devrais écouter Glim Spanky depuis un petit moment mais l’occasion ne s’était jamais vraiment présentée jusqu’à maintenant. Quel plaisir ensuite de voir Dinosaur Jr sur la même scène. Je suis loin de connaître toute la discographie du groupe mais écouter la guitare experte de J Mascis qui nous ramène vers le rock alternatif américain des années 90 était un vrai plaisir. J Mascis a maintenant 57 ans et a toujours ses cheveux aussi longs mais devenus blancs avec les années. La prestation finale sur une des scènes du Samedi était assurée d’une manière assez exceptionnelle par Jack White. Je n’ai pas beaucoup suivi sa carrière à part un album de sa période avec le groupe The White Stripes. La foule attendait bien entendu le morceau Seven Nation Army en chantant en chœur les quelques notes de basse avant les rappels. Il l’interprètera au final dans les rappels. Jack White a une sacrée présence sur scène et il est complètement emporté dans son jeu. J’aime bien ce genre d’attitude passionnée. Avec la fermeture des frontières, beaucoup de groupes étrangers ne sont pas venus depuis longtemps au Japon, ce qui est bien dommage car le rock japonais peut aussi se nourrir de ce genre de prestations exaltées. A la toute fin du concert, Jack White avait l’air vraiment ému d’être là. Un des avantages quand même de la crise sanitaire est d’avoir démocratisé la diffusion de concerts gratuitement et en direct sur YouTube. J’ai également vu des petits morceaux du Kyoto Jazz Sextet que j’aurais bien voulu voir en entier, et Foals que je n’ai pas écouté depuis très longtemps (je ne connais que quelques morceaux de leurs albums Total Life Forever et Antidotes). J’ai par contre manqué la rappeuse Awich et D.A.N. car elle et ils passaient le Vendredi 29 Juillet. J’aurais peut être l’occasion aujourd’hui de voir Mogwai.

Il y a quelques semaines, Pitchfork diffusait aux heures américaines sur leur site web une série de concerts du festival qu’ils organisaient à Chicago les 15, 16 et 17 Juillet 2022. Je ne connaissais à vrai dire pas beaucoup les groupes présents à l’affiche, sauf Yeule. J’étais assez curieux de voir à quoi pouvait ressembler sa prestation. Je suis en fait tombé par un hasard heureux sur son passage à 6h du matin un samedi. Elle était seule sur scène ce qui était un peu dommage car la scène donnait une impression de vide. Je pense que sa musique fonctionnerait mieux entourée d’installations, artistiques par exemple. Elle termine son set par le morceau Bites on my neck qui est mon préféré de son dernier album. Son passage n’était à vrai dire pas exceptionnel et ne rendait pas toutes les qualités que l’on trouve dans son dernier album, mais j’étais quand même très intrigué de la voir sur scène. En fait, il y avait bien un certain nombre d’artistes que je connaissais comme Mitski, Japanese Breakfast, Toro y Moi, Dry Cleaning, Iceage et dont j’ai déjà parlé sur ce blog, mais le courage de me lever en pleine nuit pour les voir en direct m’avait manqué. Je n’ai de toute façon pas écouté les derniers albums de Mitski et de Japanese Breakfast. Michelle Zauner sera d’ailleurs avec Japanese Breakfast sur la scène de Fuji Rock ce Dimanche 31 Juillet 2022.