夢の中には曇ってる

Avant que la saison des pluies ne démarre, des nappes de nuages viennent envahir le paysage, qu’il soit urbain ou pas. Les photographies d’origine sont prises dans le centre de Yokohama à des endroits que j’avais montré auparavant. Elles sont prises également à Kamakura au bord de l’océan sur la plage de Yuigahama. Ce sont bien entendu des constructions photographiques. Je ne me lasse pas de créer ces superpositions perturbant la réalité. Elles donnent en fait naissance à une nouvelle réalité aux contours beaucoup plus flous, comme si cette réalité pouvait s’autoriser d’interagir avec l’irréel. On ne sait pas exactement ce que cachent ces couches superposées de nuages, peut être une autre réalité rêvée. C’est ce que j’imagine en créant ces images tout en écoutant la musique d’Etsuko Yakushimaru.

Après le EP AfterSchoolDi (E) Stra (U) Ction (放課後ディストラクション) dont je parlais dans un billet précédent, j’explore un peu plus l’univers musical d’Etsuko Yakushimaru (やくしまるえつこ) et je suis captivé par cette musique. J’écoute maintenant l’album Radio Onsen Eutopia sorti en 2013. Cet univers musical est plutôt rock mais la palette instrumentale est assez large. La composition des morceaux est souvent très intéressante avec des coupures et changements soudains de rythmes et de motifs, dès le premier morceau Nornir (ノルニル) d’ailleurs. Une condition pour apprécier cet album est de pouvoir aimer la voix d’Etsuko Yakushimaru, qui comme je le disais auparavant est assez aiguë. On ressent son chant comme un effort sur les morceaux les plus dynamiques. Lorsque j’ai écouté l’album pour la première fois, j’ai failli arrêter après l’écoute du deuxième morceau Koi suru niwatori (恋するニワトリ), car il ressemble à une comptine enfantine, ce qui est assez loin de ce que j’écoute normalement. Mais le morceau est court et cet album mélange volontairement des styles différents pour donner au final un univers musical très riche. Le rock est souvent très pop et extrêmement accrocheur au point qu’on a une envie irrésistible d’y revenir. Un grand nombre de morceaux, comme Venus to Jesus (ヴィーナスとジーザス), ont même un côté ludique dans la manière de chanter. C’est également le cas sur le quatrième morceau COSMOS vs ALIEN, qui commence comme un objet musical très sucré et enjoué, mais qui change complètement de style au milieu pour devenir un morceau instrumental de guitares plus sombre à l’ambiance cosmique. Cette association est assez fantastique. J’aime beaucoup cette association des contraires. Le cinquième morceau Kitakaze Kozō no Kantarō (北風小僧の寒太郎) finit par me convaincre de la beauté de cet album. Le rythme est beaucoup plus lent et d’une tristesse latente. La voix de Yakushimaru, plus basse et presque chuchotante par rapport aux autres morceaux, est simplement posée sur une guitare acoustique. On garde cette mélodie en tête et on revient à cet album également pour ce morceau. Sur les morceaux suivants, l’album oscille sans cesse entre des parties ludiques et enjoués aux allures de comptines comme le sixième morceau Yami Yami (ヤミヤミ), et des morceaux pop rock à la mélodie marquante comme sur le septième morceau Shōnen yo Ware ni Kaere (少年よ我に帰れ) qui ressemble au single de l’album ou du moins le morceau qui accroche tout de suite l’attention dès la première écoute. D’autres morceaux à suivre comme Kyabetsu UFO (キャベツUFO) ont une approche beaucoup plus intimiste voire expérimentale, ce qui nous rappelle que Yakushimaru touche à divers domaines artistiques en plus d’être compositrice et interprète. L’album a beaucoup d’autres morceaux très accrocheurs comme Tokimeki Hacker (ときめきハッカー) toujours avec une approche légèrement expérimentale mélangeant les manières de chanter et les sons. Il m’aura fallu quelques écoutes pour vraiment apprécier cet album, car le côté pop de certains morceaux, Raja Maharajā (ラジャ・マハラジャー) ou Metropolitan Bijutsukan (メトロポリタン美術館) par exemple, m’avait un peu rebuté au début. Mais en se laissant imprégner par ce mélange des styles, j’ai fini par apprécier énormément cet album. Le long dernier morceau de presque 10 minutes, Lonely Planet (ロンリープラネット), est certainement le monument de l’album par la qualité de la composition avec ces changements de rythmes et toujours ce contraste entre la voix de Yakushimaru un peu irrégulière et la force de la présence instrumentale. Même si cet univers est un peu à l’écart de mes habitudes musicales, je reste bluffé par la qualité instrumentale de l’ensemble. Je pense continuer encore un peu dans la découverte de l’univers d’Etsuko Yakushimaru, notamment les albums de son groupe Sōtaisei Riron (相対性理論, qui veut dire théorie de la relativité), peut être leur dernier album Tensei Jingle (天声ジングル) sorti en 2016.

この静かな瞬間 (大さん橋 ver.)

Ce moment de calme, この静かな瞬間, indiqué dans le titre du billet est extrait des paroles du morceau Shijou no Jinsei 至上の人生 du nouvel album Sandokushi 三毒史 de Sheena Ringo 椎名林檎. J’avais d’ailleurs déjà utilisé cet extrait de paroles que j’aime beaucoup pour le titre d’un billet précédent en février 2015.

Je voulais voir le Yokohama Osanbashi International Passenger Terminal (横浜港大さん橋 国際客船ターミナル), conçu par Foreign Office Architects (FOA), depuis très longtemps mais la première opportunité ne s’est présentée que la semaine dernière lors d’une journée de congé. Nous avions pris le bateau depuis Takeshiba Sanbashi à Tokyo jusqu’à Yokohama. C’est un trajet assez court mais agréable. Avant d’amarrer à Yokohama, nous apercevons au loin l’île artificielle en forme de voile rayée qui sert de bouche d’aération à l’autoroute Aqualine reliant Kawasaki à Chiba. Cette longue autoroute de 23.7 kms traversant la baie de Tokyo est en partie souterraine jusqu’à l’île artificielle de Umihotaru où le tunnel se transforme en pont jusqu’à Kisarazu à Chiba. Le bateau passe ensuite le gigantesque pont Yokohama Bay Bridge et atteint assez rapidement le terminal de Osanbashi. Depuis les quais, il faut d’abord entrer à l’intérieur du terminal par une allée intérieure en pente. On remarque tout de suite les surfaces irrégulières qui sont la particularité de cet ensemble architectural. Le hall intérieur du terminal est assez sombre. Le design du plafond est futuriste avec des formes triangulaires aiguisées. On dirait les polygones d’un vaisseau futuriste comme on pourrait en voir dans Star Fox, mais les couleurs grises me rappellent plutôt les tonalités de la flotte impériale dans Star Wars. Bref, il a quelque chose de spatial dans l’intérieur de ce terminal. On accède au toit par des rampes d’accès aux bords du building. La véritable beauté du building se trouve là, sur le toit du building. Les chemins d’accès ressemblent à des routes de terre, mais ils sont en fait couverts d’un plancher en bois, tout comme la majeure partie des terrasses du toit. Les surfaces sont irrégulières et donnent l’impression qu’il s’agit d’un terrain naturel. L’architecture se rapproche ici de formes organiques, elle imite extrêmement bien le naturel. Certaines parties des terrasses sont également recouvertes de verdure, ce qui parfait cette impression de convergence entre le naturel et le bâti. Cela donne un espace à la fois sophistiqué, car ces formes et espaces futuristes sont très finement découpés et agencés, et spontané tant ces espaces semblent être dictés par des lois naturelles plutôt qu’humaines. En regardant ces formes architecturales, assis sur un banc des terrasses, je me dis qu’on a réussi ici une adéquation réussie entre l’empreinte humaine et l’environnement naturel. Je m’assois là en regardant l’océan et en écoutant le vent qui souffle en effleurant ces espaces. Nous sommes un jour de semaine et il n’y a pas grand monde sur les toits de Osanbashi, à part quelques personnes qui comme moi aujourd’hui prennent quelques minutes pour s’asseoir et réfléchir en regardant la mer. Ces moments de calme sont rares car j’ai assez peu d’occasion de m’asseoir seul dans un endroit tranquille pour rêver quelques instants.

世界はモノクロだった

Le titre du billet 世界はモノクロだった, le monde était monochrome, me donne envie de revenir au noir et blanc pour cette petite série de photographies prises à Yokohama pendant une journée de congé. Nous n’allons pas très souvent à Yokohama, mais nous avions quelque chose à y faire ce jour là (je retranscris en français une manière de parler très usitée et pratique en japonais pour dire qu’on est occupé à faire quelque chose sans avoir à préciser de quoi il s’agit exactement). J’ai quelques heures disponibles pour me promener seul à Yokohama pendant que Mari est occupé et que Zoa est parti en voyage de classe. À Yokohama, je voulais d’abord voir le terminal maritime Osanbashi, mais j’y reviendrai dans un autre billet. Je marche le long de l’océan dans le quartier de Shinko où se trouve les grands hangars de briques rouges. Il fait doux mais le vent souffle en bord de mer. J’aime le vent fort quand il vient de l’océan. Il y a beaucoup d’écoliers dans ce quartier, ils doivent également être là pour un voyage scolaire. C’est la période en ce moment me dit Mari. Je n’utilise plus beaucoup le noir et blanc pour mes photographies, mais j’ai tout de même commencé une pellicule argentique monochrome il y a plusieurs semaines. J’aime bien revenir de temps à l’argentique noir et blanc, histoire de se souvenir qu’autrefois le monde était monochrome.

S’il y a au moins un point positif à la revue de Sandokushi sur Sputnik Music, c’est le fait que son auteur, dans un aparté hors-sujet, m’a rappelé d’aller écouter la musique d’Etsuko Yakushimaru やくしまるえつこ. Le titre du billet est extrait des paroles du morceau AfterSchoolDi (E) Stra (U) Ction (放課後ディストラクション) sur le EP du même nom de Etsuko Yakushimaru. J’aime beaucoup ce morceau et sa vidéo assez minimaliste construite de dessins manga presque statiques. La vidéo se déroule en mode VR360, c’est à dire qu’on peut se promener autour des images. Je ne suis à priori pas spécialement amateur de ce style de voix assez aiguë de type idole. Je préfère les voix plus affirmées, mais cette voix et cette manière de chanter dans ce morceau s’accordent bien avec les touches électroniques et les motifs de guitares plutôt minimalistes. Le morceau donne l’impression d’avoir des contours flous et cela donne le sentiment d’être au bord d’un rêve. Le rythme du morceau est très fluide et accrocheur, ce qui donne envie d’y revenir sans cesse.

Sur le EP de trois titres, il y a un morceau intitulé Hitotsuhan (ひとつ半), un et demi. Le ton est beaucoup plus grave et sombre. C’est une ambiance complètement différente du premier morceau du EP et du deuxième qui est en fait un remix du premier morceau. Yakushimaru y raconte une histoire. Elle ne chante pas mais raconte son histoire calmement et doucement en pesant ses mots. Ces paroles sont posées sur un morceau instrumental minimaliste de guitares, qui se fait à peine entendre au début mais devient petit à petit omniprésent. La musique prend de plus en plus de place au fur et à mesure que l’histoire se déroule. Pendant qu’elle raconte son histoire, on surprend de temps en temps des soupirs presque inaudibles. Il y a beaucoup de mystères entourant ces paroles et cette musique, dont la fin en crescendo me donne toujours froid dans le dos.

Etsuko Yakushimaru nous raconte l’histoire d’un homme montant dans un taxi déjà occupé par une jeune femme, le soir. Bien que surpris car ne reconnaissant pas le visage de cette femme, il laisse le taxi démarrer et ils se retrouvent tous les deux dans ce taxi. Il se demande s’il connaît cette jeune personne. Après un peu d’hésitation, elle lui rappelle d’une voix faible qu’ils se sont déjà vus dans un restaurant de udon où elle travaillait dans la préfecture de Shimane, alors qu’il s’y était rendu pour un voyage d’affaire. L’homme reste dans l’incompréhension devant les propos de la jeune femme, car les souvenirs de cette jeune femme ne lui reviennent pas. Il se souvient par contre avoir été à Shimane pour son travail l’année dernière. La jeune femme prononce ensuite soudainement les mots « un et demi ». L’homme ne comprend pas ce que cela veut dire, pense qu’elle lui donne l’heure, 1hr et demi, alors qu’il n’est pas encore minuit. Elle lui demande ensuite s’il n’a pas remarqué… A ce moment là, la suite du dialogue devient plus difficile à suivre, envahi par le crescendo musical de guitares. L’homme descendra ensuite du taxi précipitamment sans comprendre ce qu’a voulu réellement lui dire la jeune femme. L’histoire se termine à ce moment là en laissant plein de mystères. L’intensité y est vraiment très forte, accentuée par l’ambiance musicale pleine de sons étranges et par la manière de racontée très sensible d’Etsuko Yakushimaru. Je ne connais pas le sens exact de cette histoire, mais on peut deviner que le « un et demi » pourrait correspondre à l’age d’un enfant, qu’elle aurait eu avec cet homme après une histoire d’un soir à Shimane. On imagine qu’elle attendait patiemment dans ce taxi à la sortie du bureau, pour revoir cet homme et essayer de lui dévoiler l’existence de cet enfant. Il semble qu’elle ne réussira pas dans cette tentative. La tension musicale du final du morceau donne le sentiment d’un envahissement de désespoir. Ce morceau est très touchant.

un bateau pour le parc

Nous sommes à Yokohama, pas très loin de la gare. Depuis l’ensemble arrondi Bay Quarters où l’on peut trouver magasins et restaurants à deux pas du Department Store Sogo, on peut prendre une navette maritime qui descendra vers l’océan pour rejoindre les terres gagnées sur la mer de Minato Mirai 21, près de Sakuragicho. Étonnamment, il ne pleuvait pas cette journée là à Yokohama. Nous sommes chanceux pour notre sortie avec les petits cousins de Zoa, car il pleut pratiquement tous les jours en ce mois d’août et nous sommes épargnés de justesse. Cette pluie insistante est exceptionnelle en cette saison mais extrêmement ennuyeuse. Notre destination est le parc d’attraction avec montagnes russes. Il en faut très peu pour moi et je passerais mon tour. Zoa et Sayaka préfèrent de toute façon le train fantôme. Le plus grand, Shunsuke, fera lui les montagnes russes et nous dira qu’il a vu pire.