street remixed

#11: mika scape. Shibuya.

#12: kusama dots. Harajuku.

#13: driving riding. Jingumae.

#14: bonjour girl. Jingumae.

#15: passing drawings. Omotesando.

Les marques vestimentaires de luxe redoublent d’astuces pour essayer d’attirer le passant étourdi dans ses filets profitant de quelques secondes d’inattention de sa part. Je remarque qu’un magasin temporaire Louis Vuitton s’est installé discrètement (ou à peine) près de la gare de Harajuku avec toujours les motifs en forme de poids colorés de Kusama Yayoi. Je devine à l’intérieur une statue de l’artiste en très grand format et je ne peux résister à l’idée d’entrer à l’intérieur pour la voir de plus près. Un peu plus loin à Omotesando et sur la dernière photographie de ce billet, les personnages de l’illustrateur Yoshitomo Nara viennent agrémenter les créations vestimentaires de Stella McCartney. On dirait que chaque marque essaie de s’attirer son artiste attitré. Loewe s’était emparé pendant quelques temps de certains personnages du monde de Ghibli, en premier lieu Totoro que la marque de luxe avait réussi à sortir de son sommeil. Sur la deuxième photographie du billet, un personnage haut en couleurs par l’illustratrice Mika Pikazo est affiché sur une grande baie vitrée d’un immeuble d’Udagawachō. Ce n’est pas la première fois que je fais le tour d’une exposition de cette illustratrice à Shibuya. La fois précédente devait être en Septembre 2019 dans un espace ouvert sur la rue près de l’ancien cinéma Rise, désormais reconverti en une live house nommée WWW WWWX. Je ne suis jamais entré à l’intérieur mais il faudrait que je trouve une occasion pour admirer l’architecture d’Atsushi Kitagawara tout en y appréciant un concert, par exemple. Je passe très souvent près de la galerie d’art Design Festa pour vérifier si les illustrations sur les murs ont été modifiées. Je ne pense pas avoir déjà vu ce petit personnage coloré uniformément de rose. Il y a certains endroits à Tokyo, comme ici ou sur les murs extérieurs d’un magasin de disques hip-hop à Udagawachō, où les fresques sont très souvent mises à jour. Ce genre de remix urbain satisfait forcément beaucoup le photographe amateur que je suis.

Je viens d’acheter au Tower Records de Shibuya l’album remix de morceaux de Sheena Ringo intitulé Hyakuyakunochō (百薬の長) sorti le 11 Janvier 2023. Il est sous-titré en allemand « das Allheilmittel für alle Übel », ce qui voudrait dire « le remède à tous les maux ». Il s’agit à mon avis d’une correspondance avec le EP Ze-Chyō Syū (絶頂集, SR/ZCS) sorti en Septembre 2000 qui reprenait également l’imagerie de la boîte de médicaments. La version initiale de la pochette de Hyakuyakunochō avait même un logo « Sheener » ressemblant à celui de Pfizer mais il n’a (heureusement) pas été conservé. Je me suis procuré la version standard sans les objets additionnels (les goods) fournis avec la version deluxe, car le problème d’utilisation du logo de La Croix Rouge m’a fait comprendre que Sheena Ringo n’avait en fait aucune implication dans le choix de leur design. Les albums de remix sont en général le fait des maisons de disques sans forcément un apport de l’auteur initial de la musique remixée. C’est du moins ce que la maison de disques Sony Universal Japan a annoncé suite au problème reporté dans les médias, très certainement pour protéger l’artiste. Une chose est sûre, je remarque maintenant les ‘Help Mark‘ (ヘルプマーク) marquées sur fond rouge du cœur blanc et du logo de La Croix Rouge, et j’en vois beaucoup dans les rues ou dans les couloirs du métro alors que je les voyais à peine avant. Merci donc Sheena Ringo de m’avoir sensibilisé sur ce sujet. Mais le véritable problème de ce genre de goods est qu’on a tendance à ne volontairement pas les utiliser pour ne pas les abîmer et ils finissent oubliés au fond d’un tiroir.

L’exercice du remix est assez compliqué et même périlleux. On a souvent plusieurs cas de figures. Le remixeur ne prend parfois pas de risques et n’ajoutent que des petites touches musicales sans modifier la trame initiale du morceau. On peut aller vers des propositions à l’opposé où l’empreinte du remixeur est tellement forte qu’on peine à reconnaître le morceau original sur lequel il est basé. C’est un parti pris d’essayer de conserver l’atmosphère originale d’un morceau pour ne pas choquer les fans ou de partir vers des pistes complètement différentes. Il est à mon avis très difficile pour un remix d’égaler un morceau original car ça demande à l’auditeur d’oublier en quelque sorte ce qu’il connaît d’une musique mainte fois écoutée et d’accepter quelque chose de nouveau. Il est assez rare qu’un morceau remixé vienne dépasser et transcender sa version originale. Il y a pourtant des remixes qui amènent des morceaux vers d’autres rythmes et d’autres ambiances, qui ajoutent une épice qui ne manquait pas forcément à l’original mais qui devient indispensable une fois qu’on l’a ajouté. Certains remixes arrivent à sublimer un morceau tandis que d’autres ne font que l’alourdir et le déséquilibrer. C’est une chimie compliquée qui peut très bien fonctionner ou échouer lamentablement. Il y a un peu de tout cela dans ce premier album remix de Sheena Ringo.

Je ne sais pas si Sheena est à l’origine de la sélection des musiciens en charge des remixes mais je dirais que probablement non, vu qu’il s’agit d’une initiative de la maison de disques. Il y a beaucoup de noms réputés japonais mais aussi quelques étrangers. Certains noms me sont cependant complètement inconnus. Comme je le mentionnais auparavant, la coréenne Miso prend en charge le morceau Marunouchi Sadistic (丸ノ内サディスティック), ce qui n’est pas une mince affaire vu que c’est son morceau le plus populaire. Elle s’en sort très bien et laisse même clairement son empreinte en ajoutant sa voix sur la fin du morceau pour le compléter. Cet apport de voix est très bien vu, et Miso n’est pas la seule à le faire sur cette compilation de remixes. Le morceau Ishiki (意識 ~Conciously~) remixé par Shinichi Osawa, dont je parle régulièrement ici pour son projet MONDO GROSSO, est particulièrement réussi et cerise sur le gateau, DAOKO vient ajouter sa voix rappée sur la fin du morceau. J’adore le ton de voix immédiatement reconnaissable de DAOKO et sa manière d’accentuer certaines syllabes pour donner de la force à son phrasé. La version par moment forte en basse de Shinichi Osawa donne un souffle complètement différent à ce morceau. Le remix de Yokushitsu (浴室 ~la salle de bain~) par une des figures importantes de la musique électronique japonaise, Takkyu Ishino (石野卓球), est tout à fait enthousiasmant. Il conserve toute la force de la voix de Sheena Ringo et arrive à faire décoller le morceau, notamment dans sa deuxième partie. Yokushitsu, Marunouchi Sadistic et Ishiki sont des morceaux qui ont déjà eu des versions alternatives (notamment en anglais) sur des albums ou live de Sheena Ringo. On est donc d’une certaine manière habitué à ce que ces morceaux ne soient pas figés dans leurs formes originales, mais les versions qui nous sont proposés ici ont tout de même un style bien différent et très marqué électro.

Le morceau JL005 Bin de (JL005便で ~Flight JL005~) est remixé par Yoshinori Sunahara (砂原良徳) qui était intervenu sur deux morceaux de Tokyo Jihen enregistrés sur une cassette accompagnant la version spéciale du best album Sōgō (総合) sorti en Décembre 2021. J’avais beaucoup aimé les deux morceaux qu’il avait remixé: Karada (体) et Zettaizetsumei (絶体絶命). Je ne suis pas déçu par cette nouvelle version de JL005 Bin de qui démarre sur des prises de sons d’aéroport. Il y a une élégance typique des remixes de Yoshinori Sunahara, enfin de ceux que je connais jusqu’à présent. On retrouve cette même élégance dans la vidéo tournée pour ce morceau par Yuichi Kodama (évidemment). SAYA, de la formation Elevenplay que l’on retrouve régulièrement dans les concerts de Sheena Ringo, joue le rôle principal en hôtesse de l’air. J’aime beaucoup ces images et notamment le petit nuage qui vient s’incruster dans le paysage urbain (j’utilise régulièrement les interventions nuageuses dans mes compositions photographiques). Et on découvrira dans la vidéo qu’un jeu de morpion tourne en rond sur le tableau de bord et les écrans de contrôle de l’avion certainement pendant le pilotage automatique (mais y-a t’il un pilote dans l’avion? de demanderait Leslie Nielsen). Je laisserais les spécialistes en aéronautique préciser la réalité de ce genre de situation. Le sous-titre de ce morceau est B747-246, un avion Boeing donc de la compagnie JAL effectuant le vol de l’aéroport JFK à New York jusqu’à Tokyo Haneda (le vol JL005).

Les morceaux Anoyo no Mon (あの世の門 ~Gate of Hades~) et Chichinpuipui (ちちんぷいぷい ~Manipulate the time~) remixés respectivement par Telefon Tel Aviv et Gilles Peterson sont d’excellentes surprises, car ils s’écartent complètement de la version originale au point où on la reconnaît à peine. Remplacer l’ambiance euphorique de Chichinpuipui par une atmosphère Dark Jazz est assez singulière. On a l’impression d’entendre des nouveaux morceaux où la voix de Sheena est défigurée. Le morceau Adult Code (おとなの掟) remixé par object blue est par contre assez déplaisante. Le morceau d’origine est loin d’être le meilleur de Sheena Ringo et le remix crachotant semble être en permanence décorrélé des paroles. L’écoute en est assez désagréable malheureusement. Les remixes de Nagaku Migikai Matsuri (長く短い祭 ~In Summer, Night~) par Yasuyuki Okamura (岡村靖幸) et de Carnation (カーネーション ~L’œillet~) par Ovall sont agréables sans forcément apporter des propositions nouvelles ou prendre de risques. Ils n’en deviennent donc pas indispensables, même si ces versions restent belles. Je suis un peu dessus de la version par STUTS de Onnanoko ha Daredemo (女の子は誰でも ~Fly Me To Heaven~). Là encore, le remix n’est pas désagréable mais n’apporte pas grand chose de plus à l’original. On peut même se demander s’il y a une différence. L’excellente surprise est de trouver KID FRESINO sur l’avant dernier morceau Niwatori to Hebi to Buta (鶏と蛇と豚 ~Gate of Living~) car il y apporte sa voix hip-hop ce qui change complètement la dynamique du morceau. C’est une belle réussite même si le morceau reste trop court (c’était le cas de l’original). Je trouve une satisfaction certaine d’entendre la voix rap si particulière de KID FRESINO interagir avec l’univers de Sheena Ringo. Le dernier titre, une reprise du morceau le plus récent de Sheena Ringo, Ito wo Kashi (いとをかし ~toogood~) par Ajino Namero (鯵野滑郎) est une curiosité. Il s’agit d’une version en sons 8bits sortis tout droit d’une Famicom (qui serait quand même poussée dans ses derniers retranchements). Les sons primaires prennent étonnement de l’ampleur au fur et à mesure que le morceau se déroule, lui donnant même une dimension épique. J’ai grandi avec ses sons 8bits donc j’adore forcément ce morceau de conclusion, laissé instrumental. Au final, j’adore le début (trois premiers morceaux) et la deuxième partie (des morceaux 8 à 12) mais je trouve qu’il y a un passage à vide au milieu de la compilation (les morceaux 4, 5, 6 et 7). Je trouve le résultat final inégal mais n’en vaut pas moins le détour et j’y reviens très souvent ces derniers jours. Et je me dis qu’il faut absolument que Shinichi Osawa compose un morceau pour DAOKO.

revisiter Doraemon

L’exposition Doraemon Tokyo 2017 se déroulait du 1er Novembre 2017 au 8 Janvier 2018 à la Mori Arts Center Gallery au 52ème étage de la tour de Roppongi Hills. Nous ne voulions pas la manquer car Zoa adore les histoires de ce personnage de chat robot bleu, comme beaucoup d’enfants au Japon. En fait, en grand enfant que je peux être parfois, j’aime aussi beaucoup cette série pour son humour et l’ingéniosité des gadgets que Doraemon sort de sa pochette magique pour venir en aide à l’écolier paresseux Nobita. Je n’ai vu que quelques épisodes de la série télévisée et que 3 ou 4 films animés en DVD, mais on se familiarise et on s’attache très vite aux personnages et à l’ambiance de cette série qui se déroule en banlieue de Tokyo. Il existe un musée permanent sur l’univers de Fujiko Fujio, les créateurs de Doraemon, à Kawasaki. Nous l’avions visité avec passion il y a exactement 4 ans. L’exposition que nous avons vu cette fois-ci à Roppongi Hills était très différente car il ne s’agissait pas de créations originales de Fujiko Fujio, mais de réinterpretations de l’univers de Doraemon et de ses personnages par d’autres artistes, plus ou moins renommés. Beaucoup de ces artistes invités évoquent le fait que Doraemon les a accompagné depuis l’enfance. Je pensais que la plupart des artistes invités re-dessineraient complètement les personnages de Doraemon à leur manière mais ce n’était en fait pas vraiment le cas, à part Yoshitomo NARA 奈良 美智 qui représente Doraemon d’une manière similaire aux portraits de petits personnages à la fois mignons mais à l’air cruel, qui sont sa signature d’artiste. L’artiste Tomoyoshi SAKAMOTO 坂本 友由 s’inspire lui aussi très librement des personnages de Doraemon en montrant une Shizuka à l’âge adulte entourée d’étranges objets de science fiction. On a un peu de mal à reconnaître le lien avec Doraemon, si ce n’est la petite tête bleue du personnage qui apparaît en bas de l’œuvre. Ceci étant dit, l’exécution est vraiment superbe. Takashi MURAKAMI 村上 隆 fait également partie des artistes invités, ce qui n’est pas très étonnant car c’est un des habitués de Roppongi Hills. A l’entrée de l’exposition, il nous montre une gigantesque fresque mélangeant les personnages de Doraemon avec les motifs de fleurs ultra colorées, qui sont là encore la signature de l’artiste. La photographe Mika NINAGAWA 蜷川 実花, quant à elle, nous montrait deux séries de photographies personnifiant Doraemon et le mettant en scène dans une promenade amoureuse. Tomoko KONOIKE 鴻池 朋子 nous montrait également une grande fresque avec tous les personnages de la série mais centrée sur le personnage de Shizuka, entouré d’animaux fantastiques. On pense à la représentation d’un rêve ou d’un cauchemar, mais des animaux fantastiques font souvent irruption dans les grandes aventures de Doraemon au cinéma. C’est intéressant de voir qu’après le personnage de Doraemon, c’est celui de Shizuka qui semble avoir le plus inspiré ces artistes. L’exposition était plus dense que je l’imaginais. On y trouvait diverses installations dans des pièces dédiées de l’exposition. J’étais également agréablement surpris par la qualité de ce qui était présenté. On reconnaît une authentique admiration et reconnaissance pour ce personnage et cet univers, certainement parce qu’il remonte à des souvenirs d’enfance pour certains des artistes ou bien parce qu’il a accompagné les enfants de ces artistes. Ce n’est apparemment pas la première exposition de ce type qui a lieu sur l’univers de Doraemon. Vu la longévité de la série, l’inspiration semble intarissable et c’est tant mieux.