the streets #9

Ma série the streets poursuit tranquillement son chemin avec un neuvième épisode qui continue à cumuler des photographies désordonnées sans aucuns liens apparents les unes avec les autres. Une Mercedes Benz vintage qui pourrait bien être un modèle 250SE de 1967 est suivie par un papillon docile se laissant prendre en photo sur sa grande baie vitrée. Des autocollants de rue pris au piège par un filet semblent menacés par une plante peut-être carnivore sur la photographie qui suit. Ça faisait longtemps que je n’avais pas marché de la maison jusqu’à Shinjuku, mais ça me redonne l’occasion de passer près de la gare de Yoyogi, notamment devant la petite sortie arrière en forme d’arche métallique d’une autre époque. J’aime beaucoup cette entrée et sortie de gare car elle apparaît tellement basse depuis la rue qu’on aurait l’impression d’une porte dérobée. Et le poster qui conclut cette série hétéroclite provient du magasin Tower Records de Shinjuku. Il s’agit du groupe Band-Maid que je n’ai pourtant jamais écouté. Il me semble avoir déjà jeté une oreille sur un ou deux morceaux du groupe sans pourtant avoir vraiment accroché. Il faudra peut-être que j’écoute à nouveau si elles ont sorti un nouvel album comme le laisse présager ce grand affichage publicitaire à l’intérieur même du Tower Records. J’étais en fait venu au Tower Records de Shinjuku pour acheter le Blu-Ray du dernier live de Sheena Ringo, Sheena Ringo to Aitsura to Shiru Shogyōmujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常), auquel j’avais assisté en Mai 2023 mais que je n’avais pas encore acheté et qui manquait donc à ma chère collection. J’avais en fait un enregistrement de ce concert lorsqu’il était passé sur la chaîne payante WowWow à laquelle je m’étais abonné exprès pendant une période d’essai pour voir ce concert. Cet enregistrement avait rendu l’achat du Blu-ray moins immédiatement nécessaire, mais un problème technique inattendu ou une mauvaise manipulation (ce qui est plus probable) a fait disparaître l’enregistrement du concert du petit disque dur attaché à la télévision. Le prochain concert Ringo Expo’24 au Saitama Super Arena approchant à grands pas, l’envie de revoir le concert précédent devint presque irrésistible ou du moins nécessaire. Le Tower Records de Shinjuku est le vendeur de disques où j’étais pratiquement sûr de trouver l’édition première presse avec boîtier et livret grands formats. Il faudra un jour que je reprenne en photo ma collection complète sur Sheena Ringo mais l’ensemble ne tient plus depuis longtemps dans le cadre étroit d’un objectif photo.

Les deux photos ci-dessus sont également prises au Tower Records, mais à celui de Shibuya qui est beaucoup plus grand que sa version de Shinjuku. À l’étage des vinyls, on peut trouver deux guitares encadrées comme des œuvres d’art dans des caissons de verre. Ce sons deux guitares de Ryōsuke Nagaoka (長岡亮介) alias Ukigumo (浮雲), une Phantom vert menthe customisée au nom d’Ukigumo et prenant à priori la base du modèle Phantele et une RS Guitarworks Explorer Junior dont la forme me fait penser à une Flying-V qui se rêverait être une Flying Star X. La Phantom est emblématique de Tokyo Jihen et Ukigumo en a utilisé de nombreuses dans différents coloris comme le montre la couverture du magazine japonais Guitar Magazine de Juillet 2021. Je pense qu’il réserve plutôt la RS Guitarworks Exp Jr pour son groupe Petrolz, mais je n’en suis pas certain. Nicolas que j’ai rencontré avec beaucoup de plaisir cette semaine lors de son passage à Tokyo, et à Shibuya en particulier, m’a rappelé qu’il fallait vraiment que j’entame la découverte du groupe, en commençant par le live album Capture 419 enregistré le 19 Avril 2012 à Shimokitazawa Garage et l’album Renaissance sorti en 2015. C’est bien noté. Ma difficulté a été de les trouver en version CD aux magasins Disk Union à un prix abordable, mais je ne désespère pas. Notre rencontre a été l’occasion de lui transmettre en mains propres l’artbook signé de Nakaki Pantz, que je gardais précieusement (comme un trésor enfoui) à la maison pendant environ deux ans. Cela a également été l’occasion de parler de vives voix de mille choses et bien entendu des musiques japonaises qu’on aime tant.

Et dans ces musiques japonaises que j’aime tant, je mettrais cet album de la compositrice et interprète originaire d’Osaka, Asuka Kuroiwa (黒岩あすか) que je découvre soudainement et sans m’y être préparé par son dernier album Kaibutsu (怪物) sorti le 2 Octobre 2024. Cette musique rock, avec à la fois des éléments de folk et de post-rock dans l’esprit, est tout à fait fascinante et unique. La voix d’Asuka Kuroiwa y est pour beaucoup, à la frontière entre les murmures et les cris intérieurs désespérés. Le rythme lent et la beauté pénétrante de la musique du groupe accompagnant la voix d’Asuka Kuroiwa nous donnent envie de nous arrêter au calme pour apprécier ce moment d’une sensibilité rare. L’album de sept morceaux pour 38 minutes forme un ensemble dont il est difficile d’extraire et de dissocier des morceaux en particulier, qui font partie d’une expérience d’écoute démarrant par un morceau instrumental et continuant avec certains morceaux prenant le temps de se développer sur presque huit minutes. On trouve quand même une sorte d’aboutissement de la démarche sur le sublime morceau Kaibutsu (怪物) reprenant le titre de l’album. En écrivant ce billet, mes mots sont influencés par les ceux d’introduction d’une interview de l’artiste datant de 2017. L’interviewer y exprime un désir profond que l’oeuvre musicale secrète et rare d’Asuka Kuroiwa parviennent jusqu’à ceux qui en ont besoin ou qui peuvent en apprécier la valeur (この密やかにして稀有なる名作が、届くべき人のところに届いて欲しいと切に願う). Je trouve ces mots très juste car cette musique ne parviendra pas à tout le monde mais fera beaucoup de bien à ceux qui y sont réceptifs et qui l’attendait sans le savoir.

the streets #6

Je continue tranquillement ma série the streets, redémarrée récemment par les épisodes #4 et #5. La plupart des photographies de ce sixième épisode ont été prises avec mon objectif 40mm pendant une même journée légèrement pluvieuse dans la rue Cat Street, avant l’ouverture de la plupart des magasins. Cette rue quasiment piétonne est coupée en deux par la grande avenue d’Omotesando qui voyait ce jour là un défilé de policières percussionnistes. À part ce défilé, je montre peu de personnes dans les rues, à part celles qui décident soudainement de se dévoiler au détour d’un immeuble et celles de moi-même quand j’autorise mon image à se refléter contre les baies vitrées (ici avec mon magnifiquement simple t-shirt de Daoko acheté lors du concert de Shibuya).

Le premier étage de la Lurf Gallery à Daikanyama est à la fois utilisé comme café et comme espace d’exposition. J’y jette régulièrement un coup d’œil pour voir si on y montre des choses intéressantes. On y exposait cette fois-ci une série de 13 illustrations de l’artiste Masanori Ushiki intitulée « Easy Telepathy II ». Je découvre cet artiste, que je ne connaissais pas. Je suis attiré par les motifs parfois étranges mélangés aux couleurs fortes des personnages qu’il dessine, qui les rendent tout à fait unique.

Cö Shu Nie vient de sortir son nouvel album intitulé 7 Deadly Guilt le 4 Septembre 2024. Je connaissais déjà deux titres sorti en avance, Artificial Vampire et Burn The Fire, dont J’avais déjà parlé dans des billets précédents. Je continue mon écoute de ce nouvel album en choisissant les morceaux qui m’intéressent le plus. J’y découvre ceux intitulés Where I Belong et I want it all. On y retrouve toute l’instabilité mélodique caractéristique de Cö Shu Nie, notamment dans le chant fantastique de Miku Nakamura (中村未来) quand il ne s’accorde pas sur des compositions classiques. Elle a une vision tout à fait unique de l’harmonie et ces deux morceaux en sont de bons exemples. La composition rock qui accompagne Miku est comme d’habitude pleine d’inattendu et souvent proche du match rock. Le compositrice et chanteuse o.j.o est pour sûr à suivre de très près. J’avais parlé et été épaté par son premier single Bah! sorti il y a quelques mois. Elle sort son deuxième single intitulé PEOPLE DEMON qui est excellent. Il faut rappeler que la jeune tokyoïte o.j.o est vraiment très jeune car elle est collégienne et n’a que 13 ans (?!). C’est tout à fait étonnant vu la qualité de ses compositions musicales, qui n’ont rien de classique comme sur son précédent single. Elle a suivi des cours de piano et de danse dès le plus jeune âge, et sa manière non-conventionnelle de danser est également un des points intéressants de la vidéo accompagnant le morceau. On peut lui prédire que des bonnes choses à l’avenir, vu qu’elle vient déjà d’être repérée par la chaîne YouTube The First Take que lui a donné l’opportunité de chanter 60 secondes de ses deux morceaux Bah! et PEOPLE DEMON. On se demande quand même pourquoi The First Take ne diffuse pas l’intégralité de sa performance.

La sortie d’un nouveau single de Tricot est une bonne nouvelle. Si je ne me trompe pas, le groupe n’avait rien sorti de nouveau depuis leur album Fudeki (不出来) datant de Décembre 2022. Avec Tricot, on sait toujours à peu près à quoi s’attendre et je ne suis en général jamais déçu. Le nouveau single Call (おとずれ) est sorti le 5 Octobre 2024 et je me suis tout de suite précipité pour l’écouter. Les premiers accords de guitare de Motifour Kida (キダ モティフォ) et la voix d’Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) nous ramènent tout de suite vers l’ambiance rock de Tricot que j’aime tant. Retrouver les accords très précisément agencés de Kida et la puissance de la batterie de Yosuke Yoshida (吉田雄介) quand il se lance franchement au milieu du morceau est un vrai plaisir. Je trouve que le chant d’Ikkyu arrive toujours à garder cette fraicheur des premiers albums, dont on ne se lasse pas. Je ne sais pas si la bassiste Hiromi (ヒロミ・ヒロヒロ) a participé à ce nouveau single, car elle est censée être en congé maternité. Tricot continue pourtant a tourner avec un bassiste d’appoint. Un point intéressant est que Hitsuji Bungaku (羊文学) est depuis quelques mois sans batteur car Hiroa Fukuda (フクダヒロア) est en repos prolongé, mais le groupe continuant à tourner assez intensément dans divers festivals et pour leur tournée 2024, un batteur de support rejoint régulièrement le groupe. Pour l’émission télévisée CDTV de la chaîne TBS le lundi 30 Septembre 2024, Hitsuji Bungaku a fait appel à Yosuke Yoshida pour être batteur d’appoint. Sachant que Yoshida jouait sur la tournée récente de Daoko, je me dis qu’il contribue à créer des liens entre les formations musicales que j’aime et que j’ai vu en live. Je me dis aussi que Hitsuji Bungaku a fait un petit bout de chemin depuis que je les ai vu la dernière fois. Leur tournée 2024 soft soul, prickly eyes en treize dates dans tout le Japon terminait par deux concerts au Tokyo Garden Theater qui a une capacité de 8000 personnes. En comparaison, la tournée 2023 if i were an angel à laquelle j’ai assisté se terminait par deux dates au Zepp Haneda qui ne fait que 3000 places. Si les nouvelles sorties côté Tricot restent assez éparses, ce n’est pas le cas pour Ikkyu Nakajima qui sort déjà son deuxième EP en solo. Après DEAD sorti en Mai 2024, voici LOVE qui vient juste de sortir le 25 Septembre 2024. Kentarō Nakao (中尾憲太郎), le bassiste de NUMBER GIRL, produit et joue de la basse sur les deux morceaux que je préfère du EP: EFFECT et By my side. Kentarō Nakao avait déjà produit des morceaux de Tricot et même participé à l’émission spéciale de 24h non-stop du groupe, donc sa présence auprès d’Ikkyu ne m’étonne pas beaucoup. Je suis par contre moins familier du musicien Cwondo (近藤大彗) de No Buses qui contribue aux deux morceaux LOVE et Ana (あな). La guitariste de Tricot, Motifour Kida, joue sur le dernier morceau Minority (未成年) accompagnée d’Emi Nishino (西野恵未) au piano. Sur ce morceau, les sons du piano et de la guitare se mélangent avec un équilibre bancal par moment assez bizarre. Le EP contient de nombreuses petites irrégularités harmoniques de ce genre et les incursions électroniques sont également fréquentes. C’est un EP réussi, même si je le trouve inégal, qui part vers d’autres horizons, plus intimes certainement, que ce qu’on peut entendre chez Tricot.

椎名さんのお耳に届くなら一層頑張りたい

Dans une interview sur le site web musical Mikiki de Tower Records au sujet de son nouvel EP LOVE, Ikkyu nous fait part du fait que sa collaboration avec Sheena Ringo sur le morceau Chirinuru wo (ちりぬるを) de son dernier album Hōjōya (放生会) avait en quelque sorte eu une influence sur son nouvel EP. Sheena Ringo lui avait dit qu’elle avait écouté et apprécié son EP précédent DEAD. Ikkyu a donc créé son nouvel EP en imaginant que Ringo l’écouterait peut-être et elle nous dit que ça l’a en quelque sorte poussé à s’appliquer. Je retranscris ci-dessous la partie de l’interview provenant du site Mikiki évoquant ce point en particulier. Cela me donne l’occasion d’utiliser l’open AI ChatGpt pour voir comment l’outil a évolué au niveau de la traduction de textes. Je pense qu’il se débrouille plutôt bien même s’il faut toujours lire le résultat avec attention (par exemple, ChatGpt traduit « 放生会 » en « Hōjōkai » plutôt que le correct « Hōjōya »).


Cette transcription sur ChatGpt m’a poussé à utiliser un peu plus l’outil en lui posant des questions très précises. J’ai pris le thème de cette collaboration passée entre Sheena Ringo et Ikkyu Nakajima pour l’interroger un peu plus. Connaissant déjà les réponses, cela m’a permis de vérifier où l’outil en est en terme d’auto-apprentissage sur des sujets très spécifiques, mais largement couverts sur internet. Il s’avère que l’outil a une base de données plus actuelle qu’auparavant mais fait de très nombreuses erreurs, en les annonçant parfois avec un aplomb qui nous forcerait presqu’à le croire. Je montre ci-dessous des captures d’écrans de ChatGpt pour illustrer le niveau de justesse de l’outil, et il reste pour moi très peu fiable et je dirais même à éviter.






L’avantage de l’intelligence artificielle serait pour moi de répondre à des sujets spécifiques qui ne sont pas immédiatement disponibles sur un site internet. Je vois qu’on en est encore loin. Je me contenterais peut-être de l’outil pour des traductions, qui me semblent à priori meilleures que sur Google Traduction.

DAOKOWWWX

Le souci avec les concerts, c’est qu’on les attend pendant longtemps et les deux heures de live passent ensuite beaucoup trop vite. J’avais acheté mon billet pour le concert de DAOKO il y a environ deux mois, en me demandant à quoi pouvait bien ressembler ses concerts et quel pouvait bien être le spectateur type. Je me suis vite rendu compte qu’il n’y a pas de spectateur type, tout comme pour tous les autres concerts auxquels j’ai déjà assisté, car le public est divers et varié avec des tranches d’âges très différentes. J’ai toujours une petite crainte que le public soit beaucoup plus jeune que moi, mais je réalise à chaque fois que ce sont des inquiétudes infondées, même si l’âge moyen doit resté bien inférieur au mien. DAOKO ayant 27 ans, j’imagine que la moyenne d’âge des spectateurs du concert devait se trouver dans cet ordre d’idée. Il semblait y avoir des habitués qui l’interpellaient pendant les passages de MC devant le public. C’est d’ailleurs un aspect que je n’avais pas trop rencontré lors de précédents concerts, où personne ne se lançait vraiment à énoncer à haute voix ses pensées devant tout le reste de la salle vers l’artiste sur scène. J’ai aussi compris que la personnalité de DAOKO donnait envie au public de lui parler. Elle s’est exprimée plusieurs fois pendant le concert en prétendant ne pas être douée pour ces passages MC, mais il n’en est rien. Des concerts que j’ai pu voir jusqu’à maintenant, DAOKO est très certainement la plus bavarde. Elle nous dit d’ailleurs qu’on lui avait fait la remarque lors du concert d’Osaka, une semaine avant celui de Tokyo, qu’elle s’était beaucoup exprimée devant la foule et qu’elle ressentait comme une pression à s’exprimer autant pendant ce concert à Shibuya. DAOKO exprime ses pensées assez directement, elle aime plaisanter, l’autodérision et ça la rend extrêmement sympathique. Je pense que c’est la raison pour laquelle certaines personnes du public l’interpelle avec parfois un petit air taquin. Ce qui est amusant c’est qu’elle ne voulait pourtant pas trop parler pour qu’on ne dise pas ensuite sur les réseaux sociaux qu’elle parle trop plutôt qu’elle ne chante. Mais personnellement, j’adore ces moments avec le public, surtout qu’on la sentait particulièrement heureuse sur scène devant ses fans venus la voir.

J’ai donc assisté au concert qui se déroulait le Vendredi 14 Juin 2024 dans la salle WWW X de Shibuya en face du Department Store PARCO. Je connais bien la Live House WWW / WWW X car j’ai déjà assisté à deux autres concerts dans le passé dans ces salles: ceux de For Tracy Hyde dans la salle WWW X et de a子 dans la salle WWW. Ce concert à Shibuya était un des deux concerts de la petite tournée « Daoko “Slash-&-Burn” Tour 2024« . La première date était à Osaka le 9 Juin 2024 dans une salle nommée Anima (comme le titre d’un de ses albums). Le concert démarrait à 19h avec une ouverture des portes, comme toujours très organisée, un peu avant 18:15. La salle fait environ 600 places débouts et mon billet était dans le premier tiers. Il n’a pas fallu trop de temps pour entrer, prendre une bière au comptoir et trouver une place dans la salle. C’est devenu comme une routine même si l’excitation avant concert est toujours intacte. Pour cette tournée, Daoko est accompagnée d’un groupe de trois musiciens: Shunsuke Ochi (越智俊介) à la guitare basse, Yusuke Yoshida (吉田雄介) à la batterie et Masayuki Yoshii (吉井雅之) en manipulateur, c’est à dire assurant toute l’instrumentation électronique et les effets de voix, notamment. Au moment de la présentation des membres du groupe au début du concert, Daoko a même pris quelques dizaines de secondes pour expliquer le rôle précis du ’manipulateur’ situé juste derrière elle sur la scène.

DAOKO a interprété avec son groupe 23 morceaux pendant ce concert, dont, sans surprise, la totalité des douze morceaux du nouvel album Slash & Burn. Les morceaux du dernier album étaient entrecoupés par ceux d’albums et EPs plus anciens allant jusqu’à sa période indépendante avec le morceau Fog de son tout premier album HYPER GIRL (向こう側の女の子) et en passant bien sûr par son titre à grand succès Uchiage Hanabi (打ち上げ花火), dans sa version solo sans Yonezu Kenshi, de l’album Shiteki Ryokō (私的旅行). Elle démarre le set par le morceau SLUMP du dernier album et donne d’entrée de jeu le ton du concert. Par rapport à l’album, je trouve la voix de DAOKO beaucoup plus marquée et puissante, avec des parties rappées plus agressives qui entraînent très rapidement le public. Je m’étais donné une petite liste de morceau que je voulais qu’elle interprète pendant ce concert et SLUMP en faisait partie, tout comme Otogi no Machi (御伽の町) de l’album Anima. Ce morceau déchaîne même le public tant elle donne de la passion dans sa voix. La particularité du chant de DAOKO est qu’elle marque distinctement la dernière syllabe des mots qu’elle prononce dans son flot rappé, ce qui joue beaucoup sur le rythme et l’énergie qu’elle transmet à la salle. Cette énergie se transmet bien entendu en écoutant les albums mais est beaucoup plus palpable et même décuplée en live. Les spectateurs sont du coup assez vocaux à la fin de chaque morceau. Les paroles des morceaux de DAOKO sont denses, en raison de la composante rap quasiment omniprésente sur tous ses morceaux. J’ai cru voir un petit iPad posé en bas du micro et je pense qu’elle le regardait discrètement de temps en temps pour ne pas perdre le fil sur ses morceaux les plus récents.

Sur scène DAOKO bouge beaucoup, fait beaucoup de mouvements de bras parfois à destination du public, et les spectateurs font de même en réponse. Elle est vêtue d’une robe noire un brin gothique, assez ample avec un papillon (てふてふ – 蝶々) dans le dos en guise de noeud Obi (帯留め). Le début du concert continue sur un flot dense avec deux morceaux du EP MAD composé par Yohji Igarashi, à savoir MAD et spoopy, qui poussent la foule à bouger sur place et à la suivre dans ses mouvements. Le morceau Abon (あぼーん) du dernier album continue dans cette lancée très dynamique et contagieuse jusqu’au plus calmes Nanchatte (なんちゃって) et BLUE GLOW de l’album Slash & Burn et Ututu du EP du même nom. Je ne connaissais pas ce morceau Ututu aux airs jazz qui me plaisent beaucoup. Sur la totalité du set, il n’y avait que trois morceaux que je ne connaissais pas ou peu dont le très pop fighting pose du EP the light of other days, Fog dont je parlais plus haut et Ututu. Au milieu du concert, écouter le morceau Suisei (水星) a provoqué en moi une certaine émotion car il s’agit, avec ShibuyaK, de mon point d’entrée vers le monde musical de DAOKO. J’aurais aimé qu’elle interprète ShibuyaK car nous étions à Shibuya, mais ça n’a pas été le cas. Sans forcément passer tous les morceaux en revue, il y avait pour moi de nombreux points forts venant du dernier album, le mystérieux Kō×2 + Uso×2 (好×2 + 嘘×2) puis le turbulent GAMEOVER, le profond et hypnotique Akame no Biru (赤目のビル) que j’écoute religieusement comme tout le monde dans la salle, et un de ses meilleurs morceaux Tenshi ga ita yo (天使がいたよ) juste avant les rappels. C’est clair qu’on ne s’ennuie pas pendant son set, car son approche du chant est sans cesse mouvante, entre l’agressivité du hip-hop, ses transitions soudaines vers une voix de type idole, les effets sonores apportés sur sa voix par le manipulateur électronique…

Pendant un des passages adressés au public, elle se pose la question du surnom qu’elle pourrait donner à ses fans (un peu comme Sheena Ringo avec les OTK). Au début de sa carrière, elle se rappelle que la couleur bleue était prépondérante auprès des fans car elle portait elle-même beaucoup de bleu, notamment au moment de l’album Thank You Blue qui l’a fait connaître du grand public. Mais elle porte beaucoup moins de vêtements de couleur bleue et prend le soin de nous préciser qu’elle n’a jamais fait de fixation sur cette couleur. Elle nous fait part que ce surnom qu’elle imagine pour ses fans devait être en anglais, car elle a aussi un nombre de fans assez important à l’étranger, et propose finalement le nom « D(Daoko)-Lovers ». J’avais en fait déjà connaissance de cette appellation car elle l’a évoqué pour la première fois lors du concert d’Osaka la semaine d’avant, et je l’avais lu sur les réseaux sociaux. Je ne suis à vrai dire pas totalement convaincu par cette appellation mais on verra bien si elle restera dans les mémoires. Le passage qui suit devient un peu plus émotionnel car elle nous partage sa joie d’être sur scène avec son public et qu’elle aimerait qu’on la suive jusqu’à ses derniers jours (qu’on souhaite le plus tard possible). Elle demande ensuite ou public de lever la main si c’est la première qu’on assiste à un de ses concerts. Nous ne sommes pas en majorité mais les nouveaux venus comme moi sont assez nombreux ce qui semble lui faire plaisir. Après ses débuts indépendants il y a plus de 10 ans, elle est ensuite passée sur un label majeur en connaissant un succès certain et des collaborations notables, avec Yonezu Kenshi (comme mentionné plus haut), mais aussi Yasuyuki Okamura (岡村靖幸) pour le single Step-up Love (ステップアップ), un duo avec Beck, un passage à Kōhaku sur NHK, mais a ensuite fait le choix de revenir vers une voie plus alternative et loin du mainstream avec l’album Anima. Je pense qu’elle a fait le choix d’être proche de ce qu’elle recherche sans subir l’influence des labels. Ça doit être une raison pour laquelle son dernier album est auto-produit sur son label Tefu Tefu (てふてふ) comme le papillon de son logo, et plus sur la Major Toy’s Factory. Ce genre de transitions doit être source de nombreux doutes et questionnements et je comprends la joie, qu’elle nous transmet sur scène, d’être parmi des habitués qui la suivent tout au long de son parcours et parmi de nouveaux ’adhérents’ qui viennent de la découvrir par son nouvel album.

Le concert se termine avec les rappels composés de deux morceaux. Il aura fallu l’applaudir longtemps avant qu’elle revienne sur scène, car elle nous explique que la salle de repos et de préparation des artistes est située a l’étage et qu’elle s’est fait mal au dos il y a quelques jours ralentissant ses mouvements dans les escaliers. Je ne sais pas la véracité de cette excuse car elle n’avait pas du tout l’air d’avoir des douleurs au dos sur scène. Elle commence par le morceau BANG! de l’album Thank You Blue puis au final, NovemberWeddingDay de Slash & Burn. Elle nous explique qu’elle a écrit ce morceau pour sa grande sœur qui s’est mariée, mais qu’elle avait du mal adhérer vraiment à son propre morceau car elle est elle-même célibataire à 27 ans. Elle conclut finalement que ce morceau n’est pas vraiment une chanson de mariage mais un cri d’amour envers ses fans. Pour une raison technique assez floue, ou une erreur qu’elle aurait commis dans le texte, elle décide de chanter ce morceau une deuxième fois, et ça conclura ce superbe set. Et quand il est finalement l’heure de partir car les lumières se sont rallumées, je ne peux m’empêcher de passer par la boutique pour acheter un t-shirt reprenant le nom stylisé DAOKO à l’avant et le logo de papillon à l’arrière. Le nom stylisé de DAOKO n’utilise que des forme de triangles et des ronds pleins, ce qui correspond très bien avec les néons intérieurs de la salle WWW X, que je montre en photo ci-dessus pour me rappeler de cette correspondance involontaire. J’achète en fait assez souvent un t-shirt avant ou après un concert que je vais voir et, cette fois-ci, je le porte dès le lendemain pour regarder DAOKO à la télévision.

C’est assez surprenant de voir à la télévision un ou une artiste qu’on a vu le jour d’avant en concert. Elle était en fait invitée par Sheena Ringo pour interpréter en duo le morceau 余裕の凱旋 (a triumphant return) de son album Hōjōya (放生会), lors de l’émission With Music sur la chaîne Nippon Television (日テレ). Sheena Ringo et DAOKO étaient toutes les deux habillées de la même robe blanche avec inscriptions rouges en français, de boots surélevées et d’un chapeau de fanfare. Elles se ressemblaient même beaucoup sur scène avec une chevelure blonde similaire. Je suis comme fasciné par les photos de DAOKO dans cette tenue, car je trouve que ça lui va très bien même si ce n’est pas une tenue qui est en adéquation avec son style de musique, ni un style vestimentaire facilement portable dans la vie de tous les jours. Je ne sais pas si Ringo a fait le choix de cette tenue, mais je lui trouve un petit brin de magie. Ce n’est pas désagréable de voir Ringo et DAOKO chanter ensemble à la télévision, d’autant plus qu’il s’agit d’un des morceaux que je préfère de l’album, même si j’ai beaucoup de morceaux préférés sur l’album Hōjōya. Ringo avait écrit un message officiel pour donner ses impressions sur l’album Slash & Burn, sur DAOKO avait relayé sur Twitter avec une joie et une émotion non dissimulée. Je me demande quelle peut être pour DAOKO l’influence de ce duo avec Ringo sur les ventes de son album Slash & Burn. J’imagine qu’elle doit être très bénéfique. Ringo mentionnait sur son message qu’elle aimerait voir DAOKO en live, mais j’imagine bien qu’elle n’était pas présente dans la salle du WWW X, sinon on l’aurait très certainement remarquée. Je n’étais en tout cas pas mécontent de voir le batteur Yusuke Yoshida, échappé temporairement de Tricot, sur scène avec DAOKO. Je l’avais bien sûr entendu jouer lors du concert de Tricot le mois dernier, et c’était intéressant de le retrouver une nouvelle fois sur scène dans un configuration très différente. Sans surprise, il s’en est sorti merveilleusement bien. Il a l’air d’être doué en toute circonstance, en plus d’être sympathique bien qu’assez discret. Sur le morceau Kō×2 + Uso×2 (好×2 + 嘘×2), j’étais d’ailleurs assez surpris de l’entendre jouer du djembe, car je ne l’ai jamais vu jouer de ce genre de percussions africaines lors de concerts de Tricot.

La plupart des photographies ci-dessus ont été prises pendant le concert par le photographe Sei Shimura, qui était pas loin derrière moi car je me reconnais de dos à droite sur la première photographie du billet. DAOKO les a publié sur ses comptes Twitter et Instagram. Certaines de photos sont les miennes, nais il était interdit de photographier et de filmer pendant la durée du concert, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Ça devrait être même systématique, mais ça reste encore très largement la règle implicite au Japon.

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Pour référence ultérieure, je note ci-dessous la playlist du concert Slash & Burn tour 2024 de DAOKO au WWW X de Shibuya le 14 Juin 2024:

1. SLUMP de l’album Slash & Burn
2. Otogi no Machi (御伽の町) de l’album Anima
3. FTS de l’album Slash & Burn
4. MAD du EP MAD avec Yohji Igarashi
5. spoopy du EP MAD avec Yohji Igarashi
6. Abon (あぼーん) de l’album Slash & Burn
7. Nanchatte (なんちゃって) de l’album Slash & Burn
8. Ututu du EP UTUTU
9. BLUE GLOW de l’album Slash & Burn
10. Cinderella step de l’album Thank You Blue
11. Suisei (水星) de l’album Daoko
12. ONNA de l’album Slash & Burn
13. Kō×2 + Uso×2 (好×2 + 嘘×2) de l’album Slash & Burn
14. Fog de l’album HYPER GIRL (向こう側の女の子)
15. GAMEOVER de l’album Slash & Burn
16. Ai no Loss (愛のロス) de l’album Anima
17. fighting pose du EP the light of other days
18. Akame no Biru (赤目のビル) de l’album Slash & Burn
19. Sute chatte ne (捨てちゃってね) de l’album Slash & Burn
20. Uchiage Hanabi (打ち上げ花火) (DAOKO SOLO ver.) de l’album Shiteki Ryokō (私的旅行)
21. Tenshi ga ita yo (天使がいたよ) de l’album Slash & Burn
22. BANG! de l’album Thank You Blue
23. NovemberWeddingDay de l’album Slash & Burn

FRUiTS, Sweet Heart & Kabuki

Ces photographies des grands magasins HARAKADO et LaForet sont en fait antérieures à celles montrées dans mon billet intitulé FRUiTS, Stripes & Burn. J’étais passé devant et n’étais pas entré à l’intérieur faute de temps. Je marchais en direction de Shinjuku pour aller voir une exposition dans la galerie de Tokyo Opera City. En voyant les photographies du magazine FRUiTS que l’on voit sur la devanture du LaForet qui montrait des styles vestimentaires parfois très décalés, je me remémore soudainement l’extravagance du Visual Kei qu’on pouvait parfois observer dans les rues de ces quartiers là. Me reviennent maintenant en tête les images d’un groupe d’appartenance Visual Kei (V系) nommé SHAZNA et en particulier son chanteur prenant le nom d’IZAM. Je n’écoutais pas la musique du groupe à l’époque, à la toute fin des années 1990, mais j’ai un souvenir assez net d’IZAM pour son apparence androgyne voire féminine très prononcée. À mon arrivée à Tokyo, je regardais volontiers les émissions musicales du soir, comme Hey! Hey! Hey! Music Champ sur Fuji TV, Utaban (うたばん) sur TBS ou Music Station (Mステ) sur TV Asahi, car c’était les seules que j’arrivais à peu près à comprendre, mon japonais étant plus que rudimentaire. Pendant les premiers mois de l’année 1999, je regardais aussi les émissions du matin mélangeant news et divertissement, mais je me tournais plutôt vers celles de la deuxième catégorie pour me réveiller en douceur. IZAM passait à l’époque tous les matins dans une émission intitulée saku saku MORNING CALL (サクサク モーニングコール) sur la chaîne TVK, qui doit être une chaîne de Kanagawa que l’on reçoit tout de même à Tokyo. Il faisait suite à Puffy comme présentateur principal de l’émission du mois d’Avril à Décembre 1999. Son personnage m’intriguait mais je regardais cette émission que d’un oeil distrait sur la petite télévision cathodique noire posée devant mon lit, pendant que je me préparais.

J’ai quelques souvenirs des morceaux qu’IZAM chantait avec son groupe, mais celui que j’aime écouter en ce moment s’intitule Sweet Heart Memory, sorti en Janvier 1998. Ce groupe me revient en tête maintenant car il a repris ses activités récemment. En l’écoutant, le morceau Sweet Heart Memory me donne une nostalgie certaine de mes premières années à Tokyo. J’écoutais beaucoup l’album Heart de L’Arc~en~Ciel sorti cette même année 1998. On y retrouve le même romantisme attaché au Visual Kei. Le single Loreley de cet album a une beauté saisissante. Il faut bien sûr adhérer au style de chant très maniéré de Hyde. Le morceau que je préfère du groupe reste Ibara no Namida (いばらの涙) sorti sur l’album suivant Ark sorti en 1999, qui est assez sublime de bout en bout avec notamment un solo de guitare inspiré comme on en fait peu maintenant dans la musique rock. La fiche Wikipedia décrivant le style Visual Kei mentionne une influence du théâtre Kabuki. Ça ne m’était pas venu à l’idée, mais c’est vrai qu’on y retrouve une même utilisation démesurée du maquillage, un port de vêtements élaborés et flamboyants, et cette même représentation féminine par des hommes.

Je n’avais pas encore mentionné sur ce blog l’exposition de l’illustrateur Uno Aquirax que j’ai été voir à la galerie d’art de Tokyo Opera City le même jour que l’exposition de Junji Itō (qui remonte quand même au 27 Avril 2024). Je connaissais Uno Aquirax pour certaines de ses illustrations sur l’album Razzle Dazzle de Buck-Tick sorti en Octobre 2010 et sur l’album compilation de collaborations diverses Ukina (浮き名) et l’album de morceaux choisis en live Mitsugetsushō (蜜月抄) de Sheena Ringo, tous les deux sortis en 2013. Les deux illustrations ci-dessus sont les dessins originaux de Mitsugetsushō (à gauche) et Ukina (à droite) avant leurs versions colorées utilisées sur ces deux albums. Uno Aquirax, de son vrai nom Akira Uno (宇野亜喜良) est un illustrateur, artiste graphiste et peintre, né en 1934 et ayant fait partie dans les années 1960-70 de la scène artistique underground japonaise aux côtés de Shūji Terayama avec qui il a plusieurs fois collaboré. Son style est immédiatement reconnaissable, composé en grande partie de portraits fantaisistes de femmes aux formes sensuelles mélangeant souvent les couleurs vives aux traits en noir et blanc. L’exposition montre un grand nombre d’affiches, posées pour certaines d’entre elles sur un des immenses murs des salles de la galerie. Parmi ces affiches, je suis surpris de voir celle de la pièce de théâtre kabuki Sannin Kichisa (三人吉三). Sheena Ringo avait écrit les musiques de cette pièces, en particulier le superbe morceau Tamatebako (玉手箱) datant de 2007 dont j’ai déjà parlé. Les liens entre Uno et Ringo semblent donc assez nombreux.

the mountain and the sea

Les quelques scènes prises au bord de l’océan près de Numazu dans la préfecture de Shizuoka datent déjà de plusieurs mois. Le ciel est couvert mais on aperçoit tout de même le Mont Fuji au loin depuis le Mont Kanuki (香貫山). La plage bordée par une forêt de mille pins (千本松原) est toujours synonyme pour moi de vents forts. Le temps était pourtant calme et reposant aujourd’hui. Il y a quelques pêcheurs au bord de l’océan qui ne semble pas être destinée à la baignade car personne ne s’y aventure. La plage n’est pas nettoyée, couverte de toutes sortes d’objets rejetés par la mer qu’ils soient naturels ou non. J’envie les cyclistes qui roulent sur le terre-plein bordant la plage dont on ne voit pas la limite. On doit pouvoir se vider de tout lorsqu’on parcourt cette longue ligne droite accompagnant l’océan. Tout paraît infime devant cette immensité. Le midi, nous voulions déjeuner dans un des restaurants de la chaîne Sawayaka (炭焼きレストランさわやか) spécialisée dans les Hamburgers et présente seulement dans la préfecture de Shizuoka. Nous savions que cette chaîne de restaurants était très populaire mais on ne s’attendait pas aux 300 minutes d’attente que nous annonçait le ticket de réservation à l’entrée. On a même pris la peine de confirmer qu’il ne s’agissait pas d’une erreur, 30 minutes peut-être, mais non, l’attente est bien de 5 heures. Nous viendrons donc y dîner plutôt que déjeuner. Le principe semble être que l’on prend son ticket pour revenir ensuite plus tard. Le repas était certes très bon mais ne justifie en rien cinq heures d’attente.

L’email du fan club Ringohan du Lundi 27 Mai 2024 a été une vraie surprise. Sheena Ringo aime les dates anniversaire et elle a choisi les 26 ans de la sortie de son premier single Kōfukuron (幸福論) pour annoncer un nouvel album et une tournée nationale cette année. On pouvait s’attendre à la sortie d’un nouvel album solo, car Tokyo Jihen est malheureusement au point mort depuis quelques temps, mais pas aussi tôt, la sortie étant prévue deux jours plus tard le 29 Mai 2024. Ce type d’annonce soudaine est plutôt inhabituelle mais pour être très honnête, j’avais cette date en tête depuis plus d’un mois car une rumeur avait annoncé la sortie d’un nouvel album ce jour là suite à une mauvaise manipulation d’un site de vente en ligne l’ayant annoncé avant l’heure. Ce nouvel album s’intitule Hōjōya (放生会), faisant référence directe à un festival organisé chaque année du 12 au 18 Septembre dans un sanctuaire nommé Hakozaki à Hakata dans la ville de Fukuoka, d’où Sheena Ringo est originaire. On dit que le morceau plus ancien Omatsuri Sawagi (御祭騒ぎ) de Tokyo Jihen sur l’album Kyōiku (教育) faisait aussi référence à ce festival. Outre l’album, l’autre bonne nouvelle est l’annonce d’une tournée nationale de type Ringo Expo, c’est à dire dans des grandes salles de type Arena, du 5 Octobre au 15 Décembre 2024, avec des dates à Aomori, Niigata, Osaka (2), Shizuoka, Saitama Super Arena (3), Fukui et un final à Fukuoka. La tournée prendra le nom de Ringo Expo’ 24 – Keiki no kaifuku – ((生)林檎博’24-景気の回復-). J’avais un peu hésité à renouveler ma souscription au fan club Ringohan vu le peu de sortie et de nouveautés ces derniers mois, mais je vois que j’ai bien fait de mettre à jour ma souscription.

Après l’annonce de l’album Hōjōya le Lundi 27 Mai, je suis parti l’acheter le jour d’avant la sortie officielle, le Mardi 28 Mai au Tower Records de Shibuya. L’autre surprise de cet album est qu’il contient beaucoup de duo avec certaines artistes que j’apprécie depuis plus ou moins longtemps. Sur un total de 13 morceaux, 7 sont des duos avec Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) de Tricot, la rappeuse mainstream AI, Nocchi (のっち) échappée de Perfume, Utada Hikaru (宇多田ヒカル), Suzuka d’Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ), DAOKO et Momo (もも) de Charan Po Rantan (チャラン・ポ・ランタン). A part le morceau avec Utada Hikaru que l’on connaît déjà, ce sont tous des morceaux inédits qui sont d’ailleurs très clairement les plus intéressants de l’album. Par rapport à Sandokushi (三毒史) où les duos étaient tous avec des interprètes masculins, ils sont ici uniquement avec des voix féminines. Sur Sandokushi, les duos étaient alloués aux numéros pairs des morceaux, contrairement à ce nouvel album où les duos sont les titres impairs, comme si ces deux albums venait se compléter. Autres détails tout à fait Ringoesques, les deux albums font 13 morceaux contenant un nombre fixe de 5 caractères (Kanji, Hiragana ou Alphabet) et possèdent tous les deux une inscription en écriture Sanskrit sur la couverture. Les voix sur Sandokushi étaient de chanteurs plus âgés que Ringo, tandis que les chanteuses sur Hōjōya sont plus jeunes qu’elle, comme s’il s’agissait sur ce nouvel album d’une sorte de passage de relais. Outre les duos, les autres morceaux sont pour la grande majorité déjà sortis en single mais apparaîssent sur ce nouvel album dans des versions complètement réorchestrées, souvent pour le meilleur. Comme je le disais plus haut, les duos sont très clairement les morceaux les plus intéressants de l’album et ceux que j’aime réécouter. Depuis le Mardi 28 Mai à minuit, on peut d’ailleurs voir les vidéos de six de ces morceaux en duo. Ces vidéos sont toutes réalisées par Yuichi Kodama dans un décor unique de grand cabaret. C’est d’ailleurs l’ambiance générale de l’album. Une des grandes surprises est d’entendre Nocchi de Perfume chanter sans aucun effet vocoder. De Perfume, j’ai toujours eu une préférence pour la personnalité de Nocchi par rapport aux deux autres membres du groupe, mais je n’ai jamais vraiment écouté ni apprécié la musique de Perfume. Cela a pris apparemment 20 ans à Ringo pour convaincre Nocchi de chanter en solo sur un morceau avec elle. 1RKO (初KO勝ち) est un des meilleurs morceaux de cet album. La vidéo avec gants et match de boxe est particulièrement réussie. Je suis également très agréablement surpris par l’intensité du morceau A procession of the living (生者の行進) avec la rappeuse AI. On ne peut pas dire que j’aime la musique de AI, mais sa voix est puissante et percutante sur ce morceau, de quoi venir défier Ringo qui ne s’efface pourtant pas. On éprouve une jubilation certaine à écouter ce morceau dans une ambiance jazz assurée entre autres par Shun Ishiwaka (石若駿) et Keisuke Torigoe (鳥越 啓介). Ses deux musiciens déjà présents sur la tournée de 2023 jouent sur tous les morceaux. On également le plaisir d’attendre Ichiyō Izawa (伊澤 一葉) de Tokyo Jihen intervenir sur certains morceaux. Je ne cache pas mon plaisir d’entendre Ikkyu Nakajima chanter avec Ringo sur le morceau d’ouverture de l’album Offering sake (ちりぬるを). Ce n’est pas le morceau le plus marquant de l’album à la première écoute mais il est vraiment très beau. La encore, la vidéo est très intéressante pour le mimétisme d’Ikkyu ressemblant volontairement à Ringo. Le petit détail amusant de la vidéo est de montrer côte à côte sur un panneau du grand cabaret les chiffre 193 (pour I・kyu・san) et 417 (pour Shi ・i ・na). Je ne cache pas non plus mon plaisir d’écouter le morceau A grand triumphant return (余裕の凱旋) avec DAOKO. J’avoue que j’aurais préféré la voix rap de Daoko comme sur le remix de Ishiki (意識), mais c’est sa voix kawaii qu’elle utilise sur ce morceau. J’étais de ce fait assez circonspect à la première écoute du morceau en regardant la vidéo sur YouTube, mais il s’avère être un des morceaux que je préfère de l’album. Ringo utilise une voix assez similaire à DAOKO et on a même un peu de mal à les distinguer l’une de l’autre. DAOKO a certaines expressions de voix que j’adore. C’est amusant car j’avais tout récemment parlé de cette similarité entre DAOKO et Ringo dans leur capacité à changer complètement le ton de leurs voix, sans savoir qu’un duo avait déjà été enregistré. Tout comme pour Ikkyu, je pense que j’avais déjà imaginé depuis longtemps un duo de DAOKO avec Ringo. Dans la vidéo du morceau, l’inscription Y-Y World fait référence au thème d’ouverture de la série animée Dr Slump d’Akira Toriyama. Les esprits attentifs ont remarqué que Daiki Tsuneta affiche une image de la petite Arale de Dr Slump sur son entête Twitter. J’imagine que cette correspondance est volontaire et indiquerait peut-être de futurs projets communs. Ce n’est que pure supposition. Toujours est-il que les nouvelles vidéos de Sheena Ringo sont pleine de correspondances avec d’autres vidéos ou émissions passées. On ne peut pas tout citer, mais je reconnais par exemple la robe de la vidéo du morceau avec AI car elle l’avait déjà porté lors de l’émission radio School of Lock avec Ichiyō Izawa. On retrouve aussi les sacs NASA et les gants de boxe déjà vus auparavant. Dans les très bons moments de l’album, on trouve également ce duo presque inattendu avec Suzuka d’Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ). Encore une fois, c’est amusant car je parlais du groupe dans un billet récent. Seule Suzuka chante sur ce morceau intitulé FRDP (ドラ 1 独走) mais le reste du groupe est présent et danse autour sur la vidéo. Suzuka s’en sort vraiment très bien car elle a une voix puissante, roulant même légèrement les « r » par moment. Je me souviens très bien d’une scène du dernier Kōhaku où Ringo regardait d’un air amusé mais un peu détaché le groupe chanter et danser sur la scène des studios de la NHK. Ça a peut-être été le déclencheur de ce duo. Le dernier morceau de l’album est un duo de Momo (もも) du groupe Charan Po Rantan (チャラン・ポ・ランタン) intitulé cheers beers (ほぼ水の泡). Ce morceau éloge de la boisson alcoolisée est le plus festif et démesuré de l’album, mais cette atmosphère est communicative. Sur la vidéo, on voit d’ailleurs que Ringo apprécie clairement le duo car elle est tout sourire par moments. Le single The moon and the sun (浪漫と算盤) avec Utada Hikaru est au centre de l’album, comme pour montrer la relation privilégiée entre les deux artistes qui ont déjà chanté plusieurs fois ensemble sur leurs albums respectifs. C’est d’ailleurs le duo Nijikan Dake no Vacances (二時間だけのバカンス) sur l’album Fantôme de 2016 qui m’a fait revenir vers la musique d’Utada Hikaru. La version TYO de The moon and the sun sur le nouvel album est différente de celle originale (la version LDN) présente sur la compilation Newton no Ringo (ニュートンの林檎) sortie en 2019. J’ai une préférence pour cette version basée sur la guitare, qui a tout à fait sa place en position centrale de l’album.

Les autres morceaux sont en comparaison moins intéressants car on les connaît déjà, même si l’orchestration est très différente. Le single Watashi ha Neko no Me (私は猫の目) accueille une orchestration particulièrement dense, qui rend la version originale assez fade mais qui tourne malheureusement à l’excès. C’est une critique que je peux faire régulièrement sur certains morceaux de Sheena Ringo qui tendent vers une certaine forme de maximalisme musical. Quelques cuivres en moins auraient rendu le morceau beaucoup plus équilibré et moins fatiguant. On trouve également As a human (人間として) sorti récemment, qui est un morceau assez beau mais qui peine à m’intéresser. On retrouve l’excès instrumental sur le morceau Open Secret (公然の秘密) déjà sorti sur l’album de compilation Newton no Ringo (ニュートンの林檎). On voudrait lui dire de lâcher un peu les rênes pour alléger le morceau. Ecouté indépendamment, le morceau est tout à fait appréciable, mais je trouve qu’il vient alourdir l’album. Le morceau closed truth (茫然も自失), chanté en espagnol argentin, est en comparaison beaucoup plus apaisé mais peine également à accrocher mon oreille. Et pourtant, la manière atypique de chanter de Ringo est vraiment intéressante, ce qui me fait dire que ce morceau devrait se révéler après plusieurs autres écoutes. La réorchestration du morceau Bye Purity (さらば純情) déjà présent en face B du single Watashi ha Neko no Me est par contre une excellente surprise, tout comme toogood (いとをかし) vers la fin de l’album. J’ai toujours trouvé ce morceau insignifiant mais il prend ici une toute autre forme, moins minimaliste et plus engageante. Il reste un petit moment apaisant avant le final de Ringo et Momo. Je trouve au final l’album assez irrégulier avec d’excellents duos, et d’autres morceaux que je n’écouterais à priori pas très souvent. On peut saluer la grande unité stylistique de l’album, par rapport à Sandokushi qui était beaucoup plus hasardeux, mais l’ensemble est très dense parfois dans des styles un peu similaire à Hi Izuru Tokoro (Sunny). Le premier morceau avec Ikkyu se nomme par exemple Chirinuruwo (ちりぬるを) qui est tiré du poème Iroha (いろは) de Kūkai (空海) tout comme le titre du morceau Irohanihoheto (いろはにほへと) de l’album Hi Izuru Tokoro. La flûte de paon de Chirinuruwo nous rappelle tout de suite certains morceaux de Hi Izuru Tokoro. Cela donne à l’album Hōjōya une atmosphère familière qui n’est en contre partie pas vraiment novatrice. On a souvent le sentiment d’avoir déjà écouté un morceau similaire de Sheena Ringo, mais il faut avouer que la qualité des compositions est bien là. La plupart de ces morceaux n’ont rien de standard. Leur complexité et sophistication nous saisissent à la première écoute. Tout comme sur Sandokushi, les transitions sont impeccables, au centième de millimètres. Je pense que j’apprécie beaucoup toogood pour la manière dont il démarre soudainement juste à la fin du morceau avec DAOKO. Je ne pense pas que ce nouvel album fera changer d’avis ceux qui ont arrêté en cours de route l’écoute des albums de Sheena Ringo, mais il y a suffisamment de pépites pour ne pas laisser indifférent.

Bien que j’ai acheté l’album à Shibuya, je n’ai pu m’empêcher d’aller faire un petit tour rapide au Tower Records de Shinjuku car on pouvait y trouver une installation pour l’album. Un peu plus loin dans les couloirs de la gare de Shinjuku, je savais que plusieurs affiches la montrait pour une publicité pour le whisky AO de la marque Suntory. Sur la vidéo de cette publicité, Ringo chante le morceau en espagnol 茫然も自失 (closed truth) en portant un verre de whisky à la main dans l’ambiance sombre d’un cabaret. Et tout d’un coup, avoir des images accompagnant ce morceau lui donne plus de consistance.

Pour revenir à l’album, il reste encore beaucoup de “mystères” à résoudre. Dans les vidéos des six morceaux avec invitées, le cabaret prend le nom étrange de Turritopsis. Wikipedia m’apprend qu’il s’agit d’une espèce de méduse ayant la ‘particularité d’avoir une capacité d’immortalité biologique, en revenant de façon cyclique, du stade de méduse au stade de polype, par inversion de processus de vieillissement’. J’imagine qu’elle a choisi ce nom en référence au fait qu’elle a choisi des invitées pour les duos qui sont plus jeunes qu’elle et avec qui elle a une certaine correspondance, indiquant d’une certaine manière ce processus de relais aux générations plus jeunes. Dans les titres de ses concerts, je trouve aussi qu’il a régulièrement une référence à la prise d’âge sur laquelle on ne doit pas se résigner. Le sous-titre de Ringo Expo’14 est par exemple 年女の逆襲 qui donne une idée de contre-attaque et celui de Ringo Expo’18 不惑の余裕 donne une idée qu’il reste encore beaucoup de marge, sous-entendu de temps pour faire les choses. Un autre “mystère” est la présence de 7 chats sur la couverture du nouvel album. On reconnait bien sûr Sheena Ringo au centre en chat noir avec une guitare et la coiffe de son dernier concert. On reconnait aussi les quatre chats en haut à droite représentant les quatre filles d’Atarashii Gakko! avec notamment le chat à lunettes pour Suzuka. C’est par contre beaucoup plus difficile de reconnaitre les six autres chats. Où sont Nocchi, Ikkyu, AI, Momo, DAOKO et Hikaru?

Pour référence ultérieure, ci-dessous est la liste des morceaux de l’album Hōjōya (放生会) de Sheena Ringo (椎名林檎):

01. ちりぬるを (offering sake) feat. Ikkyu Nakajima (中嶋イッキュウ) de Tricot et Genie High (ジェニーハイ)
02. 私は猫の目 album ver. (I’m free, Watashi ha Neko no Me)
03. 生者の行進 (a procession of the living) feat. AI
04. 人間として (as a human)
05. 初KO勝ち (1RKO) feat. Nocchi (のっち) de Perfume
06. 公然の秘密 album ver. (open secret)
07. 浪漫と算盤 TYO album ver. (the moon and the sun) feat. Utada Hikaru (宇多田ヒカル)
08. 茫然も自失 (closed truth)
09. ドラ 1 独走 (FRDP) feat. Atarashii Gakko! (新しい学校のリーダーズ)
10. さらば純情 album ver. (bye purity) 
11. 余裕の凱旋 (a triumphant return) feat. DAOKO
12. いとをかし album ver. (toogood) 
13. ほぼ水の泡 (cheers beer) feat. Momo (もも) de Charan Po Rantan (チャラン・ポ・ランタン)