à la recherche du Tengu de Daiyūzan

Le temple Daiyūzan Saijōji (大雄山最乗寺), situé à Minami Ashigara (南足柄市) dans la préfecture de Kanagawa, est un lieu que je voulais voir depuis plusieurs années et que nous parvenons finalement à visiter pendant une journée de dimanche du mois de Septembre. Le temple Saijōji de la branche bouddhiste Soto a été fondé pendant la période Muromachi en 1394 par le maître zen Ryōan Emyō (了庵慧明) qui vécut de 1337 à 1411. La légende dit qu’après la mort du maître Ryōan, le moine Myōkaku Dōryō (妙覚道了), disciple du maître qui avait participé à la fondation du temple, prit la suite en se nommant divinité protectrice de Daiyūzan. Suite à cette déclaration, il se transforma en Tengu (天狗), disparut dans les montagnes et monta au ciel. En conséquence, Myōkaku Dōryō fut consacré comme la divinité gardienne du temple Saijōji. Des sandales geta de toutes tailles sont offertes par les Habitants locaux en son honneur et on peut en voir de nombreuses dans le domaine du temple. Plusieurs statues à l’effigie du Tengu sont également présentes sur le vaste domaine du temple. Le domaine est entouré d’un grand parc forestier au pied du Mount Myōjin qui s’élève à la hauteur de 1,169 mètres, à la frontière entre Minami Ashigara et Hakone. Le temple Daiyūzan Saijōji occupe la troisième place dans la hiérarchie des temples de la branche bouddhiste Soto, après Eiheiji dans la préfecture de Fukui que j’ai également envie de visiter depuis plusieurs années, et le grand ensemble Sojiji à Tsurumi que j’ai déjà visité en Septembre 2022. Notre visite du temple en fin d’après midi était vraiment agréable car l’enceinte est très naturelle. On sent que la végétation est proche et prête à envahir les lieux à tout moment. Le grand escalier couvert de mousse me rappelle l’ambiance du grand sanctuaire Kitaguchi Hongu Fuji Sengen que nous avons visité en Juillet. L’ensemble est vaste et le temps nous manquait pour en explorer tous les recoins. Sur le chemin du retour, nous nous attardons un peu au bord des rivières car n’avons pas envie de rentrer trop vite. L’ambiance y est des plus bucoliques.

the streets #9

Ma série the streets poursuit tranquillement son chemin avec un neuvième épisode qui continue à cumuler des photographies désordonnées sans aucuns liens apparents les unes avec les autres. Une Mercedes Benz vintage qui pourrait bien être un modèle 250SE de 1967 est suivie par un papillon docile se laissant prendre en photo sur sa grande baie vitrée. Des autocollants de rue pris au piège par un filet semblent menacés par une plante peut-être carnivore sur la photographie qui suit. Ça faisait longtemps que je n’avais pas marché de la maison jusqu’à Shinjuku, mais ça me redonne l’occasion de passer près de la gare de Yoyogi, notamment devant la petite sortie arrière en forme d’arche métallique d’une autre époque. J’aime beaucoup cette entrée et sortie de gare car elle apparaît tellement basse depuis la rue qu’on aurait l’impression d’une porte dérobée. Et le poster qui conclut cette série hétéroclite provient du magasin Tower Records de Shinjuku. Il s’agit du groupe Band-Maid que je n’ai pourtant jamais écouté. Il me semble avoir déjà jeté une oreille sur un ou deux morceaux du groupe sans pourtant avoir vraiment accroché. Il faudra peut-être que j’écoute à nouveau si elles ont sorti un nouvel album comme le laisse présager ce grand affichage publicitaire à l’intérieur même du Tower Records. J’étais en fait venu au Tower Records de Shinjuku pour acheter le Blu-Ray du dernier live de Sheena Ringo, Sheena Ringo to Aitsura to Shiru Shogyōmujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常), auquel j’avais assisté en Mai 2023 mais que je n’avais pas encore acheté et qui manquait donc à ma chère collection. J’avais en fait un enregistrement de ce concert lorsqu’il était passé sur la chaîne payante WowWow à laquelle je m’étais abonné exprès pendant une période d’essai pour voir ce concert. Cet enregistrement avait rendu l’achat du Blu-ray moins immédiatement nécessaire, mais un problème technique inattendu ou une mauvaise manipulation (ce qui est plus probable) a fait disparaître l’enregistrement du concert du petit disque dur attaché à la télévision. Le prochain concert Ringo Expo’24 au Saitama Super Arena approchant à grands pas, l’envie de revoir le concert précédent devint presque irrésistible ou du moins nécessaire. Le Tower Records de Shinjuku est le vendeur de disques où j’étais pratiquement sûr de trouver l’édition première presse avec boîtier et livret grands formats. Il faudra un jour que je reprenne en photo ma collection complète sur Sheena Ringo mais l’ensemble ne tient plus depuis longtemps dans le cadre étroit d’un objectif photo.

Les deux photos ci-dessus sont également prises au Tower Records, mais à celui de Shibuya qui est beaucoup plus grand que sa version de Shinjuku. À l’étage des vinyls, on peut trouver deux guitares encadrées comme des œuvres d’art dans des caissons de verre. Ce sons deux guitares de Ryōsuke Nagaoka (長岡亮介) alias Ukigumo (浮雲), une Phantom vert menthe customisée au nom d’Ukigumo et prenant à priori la base du modèle Phantele et une RS Guitarworks Explorer Junior dont la forme me fait penser à une Flying-V qui se rêverait être une Flying Star X. La Phantom est emblématique de Tokyo Jihen et Ukigumo en a utilisé de nombreuses dans différents coloris comme le montre la couverture du magazine japonais Guitar Magazine de Juillet 2021. Je pense qu’il réserve plutôt la RS Guitarworks Exp Jr pour son groupe Petrolz, mais je n’en suis pas certain. Nicolas que j’ai rencontré avec beaucoup de plaisir cette semaine lors de son passage à Tokyo, et à Shibuya en particulier, m’a rappelé qu’il fallait vraiment que j’entame la découverte du groupe, en commençant par le live album Capture 419 enregistré le 19 Avril 2012 à Shimokitazawa Garage et l’album Renaissance sorti en 2015. C’est bien noté. Ma difficulté a été de les trouver en version CD aux magasins Disk Union à un prix abordable, mais je ne désespère pas. Notre rencontre a été l’occasion de lui transmettre en mains propres l’artbook signé de Nakaki Pantz, que je gardais précieusement (comme un trésor enfoui) à la maison pendant environ deux ans. Cela a également été l’occasion de parler de vives voix de mille choses et bien entendu des musiques japonaises qu’on aime tant.

Et dans ces musiques japonaises que j’aime tant, je mettrais cet album de la compositrice et interprète originaire d’Osaka, Asuka Kuroiwa (黒岩あすか) que je découvre soudainement et sans m’y être préparé par son dernier album Kaibutsu (怪物) sorti le 2 Octobre 2024. Cette musique rock, avec à la fois des éléments de folk et de post-rock dans l’esprit, est tout à fait fascinante et unique. La voix d’Asuka Kuroiwa y est pour beaucoup, à la frontière entre les murmures et les cris intérieurs désespérés. Le rythme lent et la beauté pénétrante de la musique du groupe accompagnant la voix d’Asuka Kuroiwa nous donnent envie de nous arrêter au calme pour apprécier ce moment d’une sensibilité rare. L’album de sept morceaux pour 38 minutes forme un ensemble dont il est difficile d’extraire et de dissocier des morceaux en particulier, qui font partie d’une expérience d’écoute démarrant par un morceau instrumental et continuant avec certains morceaux prenant le temps de se développer sur presque huit minutes. On trouve quand même une sorte d’aboutissement de la démarche sur le sublime morceau Kaibutsu (怪物) reprenant le titre de l’album. En écrivant ce billet, mes mots sont influencés par les ceux d’introduction d’une interview de l’artiste datant de 2017. L’interviewer y exprime un désir profond que l’oeuvre musicale secrète et rare d’Asuka Kuroiwa parviennent jusqu’à ceux qui en ont besoin ou qui peuvent en apprécier la valeur (この密やかにして稀有なる名作が、届くべき人のところに届いて欲しいと切に願う). Je trouve ces mots très juste car cette musique ne parviendra pas à tout le monde mais fera beaucoup de bien à ceux qui y sont réceptifs et qui l’attendait sans le savoir.

the streets #8

La couleur jaune domine sur un grand nombre de photographies de ce billet, jusqu’à FKA Twigs que j’aperçois avec surprise sur une affiche publicitaire d’Ura-Harajuku. La coïncidence est intéressant car cette photographie date de la semaine où j’ai découvert son nouveau single Eusexua, que je ne me lasse pas de réécouter en attendant son prochain album qui ne sortira qu’en Janvier 2025. J’espère qu’elle aura la bonne idée de sortir quelques titres avant son album. L’autre couleur jaune provient de la Vella Serena conçue en 1971 par l’architecte Junzo Sakakura (坂倉準三). J’aime beaucoup la manière par laquelle cette couleur vient s’intercaler entre les blocs de l’immeuble, marquant comme une découpe claire et nette. Sur les deux premières photographies, j’avais envie de combiner les formes géométriques de l’architecture de béton de l’église protestante d’Harajuku conçue par Ciel Rouge Création avec l’imprévisibilité des formes organiques d’un vieux cerisier planté pas très loin de là dans le grand cimetière d’Aoyama. Et le papillon vient faire le lien entre tout cela. On le verra dans d’autres billets car mon appareil photo est en ce moment attiré par les papillons et les libellules.

L’album Occult de l’artiste tokyoïte Moe Wakabayashi (若林萌), sorti en Avril 2024, est une très belle surprise. J’ai d’abord découvert le single No Disk qui conclut l’album et j’ai très vite été attiré par l’ambiance néo city pop qui s’en dégage. Je n’ai pas d’attirance particulière pour la city pop, à part certains morceaux et certains albums dont j’ai déjà parlé ici, mais les réinterpretations du genre par des jeunes artistes comme moë (son nom d’artiste) sont souvent intéressantes. J’ai tout de suite accroché à l’ambiance et à sa voix, qui m’ont amené vers un autre single Moon Child au refrain très accrocheur. On trouve dans ses compositions une sorte de romantisme désuet chanté avec une passion certaine qui ne laisse pas indifférent. Je me suis du coup rapidement dirigé vers les autres morceaux de l’album, notamment le morceau Occult qui démarre l’album, In love with Love, Left on Earth et beaucoup d’autres. moë fait tout elle-même, de la composition au chant en passant par la production et le design de son album. Elle envoie apparemment elle-même les CDs qui sont commandés sur sa boutique en ligne, mais on peut tout de même acheter sa musique en digital sur iTunes et Bandcamp.

Les nouvelles découvertes musicales ne manquent pas en ce moment avec beaucoup de jeunes groupes ou artistes que je ne connaissais pas, mais que je découvre grâce aux recommandations de YouTube. Je découvre récemment le groupe rock Aooo (アウー) fondé en 2023. Ce nom de groupe étrange correspond aux signes sanguins des quatre membres. Riko Ishino (石野理子) est au chant. Elle était auparavant idole dans un groupe appelé Idolrenaissance (アイドルネッサンス), puis chanteuse du groupe Akai Kōen (赤い公園) qui était en activité de 2018 à 2021, et qui m’est un peu plus familier. Le groupe se compose également de Surii (すりぃ) à la guitare, Hikaru Yamamoto (やまもとひかる) à la basse et Tsumiki (ツミキ) à la batterie. On compte beaucoup de jeunes groupes rock comme celui-ci au Japon, et ils n’arrivent pas toujours à tirer leur épingle du jeu. Je ne me suis pas encore trop attardé sur la discographie du groupe mais le single Salad Bowl (サラダボウル) que j’écoute en ce moment est en tout cas très convaincant.

Dans la série des très bons morceaux rock que j’écoute en ce moment, il y a également celui intitulé Alone (ー、人) d’un autre jeune groupe, de quatre filles cette fois-ci, nommé Chakura (ちゃくら). Le groupe est originaire de Hachioji à l’Ouest de Tokyo et a été fondé en 2022 par Taruru Wakita (ワキタルル) qui joue de la basse et chante dans les chœurs. Les autres membres proviennent de la même école professionnelle, Sakura (サクラ) au chant et à la guitare, Mao (まお) à la guitare et Haya (葉弥) à la batterie et aux claviers. Le son rock est relativement simple mais très efficace et n’hésite pas à monter en intensité quand cela devient nécessaire. C’est souvent pour moi un critère d’appréciation, mais j’aime l’émotion et la passion qui se dégage de la voix de la chanteuse Sakura. Ce genre d’intensité rock me parle toujours beaucoup, surtout quand elle est bien exécutée.

parmi les lanternes du festival Oeshiki

Je voulais assister au grand festival automnal Oeshiki (お会式) du grand temple bouddhiste d’Ikegami Honmonji (池上本門寺) depuis plusieurs années et j’y suis finalement allé le Samedi 12 Octobre 2024. Il s’était arrêté pendant les quelques années de la pandémie et tombait un soir de semaine l’année dernière. Tous les ans, du 11 au 13 Octobre, le festival Oeshiki, prenant ses origines pendant la période d’Edo, commémore l’anniversaire de la mort du moine bouddhiste Nichiren (日蓮) qui vécut de 1222 à 1282, à l’époque de Kamakura. Il est le fondateur de la deuxième branche la plus importante du bouddhisme au Japon avec environ 10 millions de pratiquants, derrière le bouddhisme Jōdokyō (浄土教) et devant le bouddhisme Shingon, Zen puis Tendai. On dit que Nichiren mourut à l’âge de 61 ans à Ikegami, alors qu’il était tombé malade et avait entamé un long voyage de sa résidence sur le Mont Minobu dans la préfecture de Yamanashi, jusqu’aux sources chaudes de la région d’Hitachi, dans la préfecture d’Ibaraki, qu’il n’atteindra finalement pas. Le festival Oeshiki dans l’enceinte du temple Ikegami Honmonji dans l’arrondissement d’Ōta est la plus grande cérémonie commémorative pour Nichiren, et elle attire une foule très importante, environ 300,000 personnes dit-on. La cérémonie ne se déroule pas entièrement dans l’enceinte car le grand défilé de lanternes démarre de la gare d’Ikegami jusqu’au hall principal du temple, sur une longueur d’environ 2 kilomètres. Ce grand défilé, nommé Mandō 万灯(pour 10,000 lanternes), a lieu le soir du 12 Octobre de 18h à 23h. Il s’agit du moment le plus important du festival. On dit qu’environ 3000 personnes portent ces lanternes et les accompagnent en dansant, chantant et en jouant de diverses percussions.

Des estampes ukiyo-e représentant la cérémonie Oeshiki à Ikegami Honmonji. Celle de gauche provient de la série des Trente-six festivals d’Edo, peints par Utagawa Toyokuni (歌川豊国) et Utagawa Hiroshige (歌川広重), 1864

La foule était en effet dense et il fallait souvent marcher lentement et être patient, mais ce genre de foule n’est pas vraiment inattendu. Je marche depuis la station d’Ikegami un peu après 18h en suivant plusieurs groupes portant des lanternes. Je prends de nombreuses photographies mais assez peu sont réussies. Comme souvent dans ce genre de festival ou de matsuri, la ferveur est impressionnante, mais elle n’est pas tant religieuse qu’elle transmet l’enthousiasme d’être ensemble pour partager un événement important de la vie des quartiers tout autour du temple Honmonji. Je n’en suis pas certain, mais je pense que chacune des lanternes proviennent des quartiers aux alentours du temple, mais peut-être viennent elles d’autres temples au Japon. On a cru entendre qu’une des lanternes provenait par exemple du temple Ryūkō-ji (龍口寺) près de Fujisawa, que nous connaissons assez bien. La musique faite de chants et de percussions est répétitive et s’imprègne petit à petit dans notre cerveau au point de provoquer un certain manque lorsqu’elle s’arrête pendant quelques minutes. Les lanternes ont des formes très particulières composées d’une sorte de pagode à cinq étages coiffée de tiges portant des grosses fleurs de cerisiers. Les lanternes sont parfois portées comme des mikoshi ou posées sur des petits chariots à deux roues. Le cortège se compose principalement d’adultes mais les enfants sont également nombreux. Ce genre de festival se pratique dès le plus jeune âge et je peux tout à fait comprendre que ceux et celles qui l’ont pratiqué étant petits continuent ensuite étant adultes. Une des particularités de ce festival est cette sorte de bâton portant un symbole et des lanières que le porteur ou la porteuse vient faire tournoyer avec beaucoup de dextérité. Les mouvements semblent bien étudiés. Ils sont parfois brusques et inattendus, avec par moments beaucoup d’ampleur. Il ne me semble pas avoir déjà vu ce type de bâtons et ces lanternes dans d’autres festivités au Japon. Oeshiki n’est pourtant pas unique au temple Ikegami Honmonji. Après une petite heure de marche, on arrive finalement au pied du grand escalier de pierre montant vers le hall principal du temple. Les participants du défilé doivent maintenant monter leur lanterne, ce qui n’est pas une mince affaire. La procession entre ensuite dans l’enceinte du temple et finira sa course par une prière dans le grand hall. Le grand escalier est en sens unique et on ne peut pas revenir sur ses pas. Pas facile de retrouver son chemin parmi la foule et les innombrables stands vendant toutes sortes de choses à manger. Je connais heureusement assez bien les lieux car j’ai parcouru le large domaine du temple de nombreuses fois. On peut certainement redescendre par le cimetière en passant devant la grande pagode rouge. Je ne suis pas le seul à prendre cette route. On n’est pas tout à fait perdu car le bruit des chants se fait entendre dans la nuit.

sur les hauteurs du temple Kasamori Kannon

En regardant les quelques photographies prises lors de notre visite du temple Kasamori-ji (笠森寺), je me rends compte que celles-ci datent d’il y a plus de deux mois. Les mois passent sans que je le réalise et le mois d’Août paraît déjà bien loin. Le temple bouddhiste Kasamori-ji (ou Kasamori Kannon) est situé sur une colline au milieu d’un large espace de verdure près de la petite ville de Chōnan (長南町) dans la préfecture de Chiba. Il est dédié à la déesse Kannon. On dit que le temple a été fondé en l’an 784 par le moine Saichō (最澄), fondateur de la branche Tendai du bouddhisme japonais, qui y sculpta une statue de Kannon aux onze visages. Kasamori-ji fait partie des sites de pèlerinage du Bandō Sanjūsankasho (坂東三十三箇所), c’est à dire des 33 temples bouddhistes du Kanto dédiés à la déesse Kannon (Bandō étant l’actuel Kanto).

La particularité du temple Kasamori-ji est l’architecture de son hall principal appelé Kannon-dō (観音堂) construit en 1028 sur ordre de l’empereur Go-Ichijō. Il s’agit de l’unique exemple de temple construit dans le style architectural shihōkakezukuri (四方懸造). Le hall repose sur 61 grands pilotis de bois posé sur un immense rocher sur les quatre côtés de la structure. Le temple possédait autrefois d’autres dépendances qui ont été emportées par des incendies, mais le Kannon-dō a résisté et n’aurait subit que quelques réparations entre les années 1573 et 1596. Il est désigné comme bien culturel important du Japon et a été dessiné sur une estampe ukiyo-e par Hiroshige Utagawa (歌川広重) autour des années 1850. Le poète Matsuo Bashō (松尾芭蕉), qui vécu de 1644 à 1694, y séjourna et dédia au temple un de ses poèmes Haïku. Cet haïku pensé par Bashō est inscrit sur une pierre servant de monument en face de la porte du temple (五月雨にこの笠森をさしもぐさ).

La première remarque que nous avons eu en approchant et en gravissant les premières marches du hall de bois Kannon-dō est que cet édifice nous rappelle beaucoup le Aizu Sazaedō (会津さざえ堂) que nous avons visité en Avril 2023. On y retrouve cette même singularité architecturale sur un bâtiment bouddhiste historique en bois. Depuis les hauteurs du temple, la vue sur les montagnes boisées est dégagée. Le hall Kannon-dō est placé à 16 mètres de hauteur et son toit atteint 31 mètres. l’estampe Ukiyo-e d’Hiroshige donne l’impression que le hall est placé à des hauteurs extrêmes, voire irréelles, mais j’imagine qu’il a voulu représenter une impression de détachement du sol lorsqu’on est en haut de cette structure. L’atmosphère y est particulière, voire mystique, car on est comme perdu sans traces d’habitations tout autour, au milieu de l’immense forêt du parc naturel préfectoral, lui-même désigné comme monument naturel national depuis 1970. On peut entrer à l’intérieur du hall et en faire le tour par l’extérieur, mais il n’y a par contre pas de deuxième étage. A l’entrée du temple, sur la route piétonne en pente assez sombre car creusée dans le sol, on trouve en chemin un arbre étrange avec une ouverture dans son tronc. Si on se place correctement, on peut voir apparaître une statue de Kannon placée juste derrière l’arbre et éclairée de dos par des rayons de lumière traversant les branchages de la forêt.

Avant de prendre la route du retour, nous bifurquons vers un autre temple à proximité. Le temple Chōfukujuji (長福寿寺) a également été fondé par le moine Saichō quelques années plus tard en 798. Il a la particularité d’avoir deux éléphants en statue devant le hall principal du temple, et de porter chance aux jeux de hasard comme le Takarakuji. Nous sommes malheureusement arrivés quelques dizaines de minutes après sa fermeture et nous n’avons pu voir les fameux éléphants que de loin. Il y a tout de même une grande statue d’éléphant entièrement dorée à l’entrée. Je ne suis pas sûr que cette statue dorée un peu kitsch nous apportera une quelconque prospérité future, mais on lui touche quand même la trompe et les défenses au cas où.