an untilted life (4)

On peut facilement perdre son regard dans les formes géométriques compliquées de la grande tour Toranomon Hills Station Tower conçue par OMA, mais j’aime aussi me perdre dans la beauté musicale des trois autres morceaux terminant ma playlist ‘an untilted life’. Une fois n’est pas (trop) coutume, on sort un peu du Japon pour cette petite sélection musicale. Les algorithmes de YouTube, que je trouve d’ailleurs très bien huilés, m’amènent vers un superbe morceau intitulé Angel par NewDad. Sous ce nom étrange, on trouve un groupe rock irlandais composé de Julie Dawson au chant et à la guitare rythmique, Cara Joshi à la basse, Sean O’Dowd à la guitare et Fiachra Parslow à la batterie. Ce morceau est inclus sur leur premier album intitulé Madra sorti en Janvier 2024. J’adore ce style proche du shoegaze avec une noirceur certaine renforcée par la voix légèrement monocorde de Julie Dawson et la dramaturgie qui se dégage des guitares. C’est un superbe morceau qui va certainement me pousser à écouter l’album en entier, d’autant plus que sa photographie de couverture est également superbe. Je continue avec le single Jokes on Me d’Audrey Nuna, sorti le 3 Mai 2024. Audrey Nuna est une rappeuse et chanteuse new-yorkaise de 25 ans. Son nom m’était déjà familier, mais c’est la première fois que j’écoute sa musique et je ne suis pas déçu de l’atmosphère qui s’en dégage, pleine d’une émotion palpable. Cette sensibilité que l’on ressent à fleur de peau se transmet à travers les tons de sa voix dont la modulation me touche beaucoup. Ce morceau me pousse à une introspection que je ne souhaite pas et il faut être en mesure de contenir cette émotivité pour qu’elle ne nous envahisse pas trop. Night Tapes avec le superbe Drifting se rapproche des rêves de la Dream pop nous faisant évoluer dans des paysages urbains atmosphériques remplis de néons flous et de lumières qui filent. Il s’agit d’un trio londonien composé de Max Doohan, Sam Richards et Iiris Vesik. Ils ont apparemment commencé à créer de la musique ensemble le soir alors qu’ils étaient colocataires. Le single Drifting sortira le 7 Juin 2024 sur l’album assisted memories. En fait, je triche un peu car j’ai découvert ce morceau il y a de nombreux mois mais je n’avais pas encore eu l’occasion d’en parler sur le blog. C’est un morceau que j’écoute assez souvent, car je le sélectionne régulièrement dans mes playlists de voiture. En découvrant ces excellents morceaux, je me dis à chaque fois qu’il faudrait que je me plonge dans chacun des albums contenant ces titres, mais le temps me manque, sachant que j’écoute déjà beaucoup de musique. J’aime en fait l’idée d’avoir de nombreuses pistes musicales que je pourrais reprendre plus tard.

Ah oui, j’avais oublié de préciser que Made in Tokyo a 21 ans depuis quelques jours (Yeahhh!). Le jour est le 22 Mai et j’avais moi-même oublié de fêter cette date d’anniversaire.

l’étrange Yoshimi Hyakuana

Après la visite d’un temple, celui de Seitenkyū (聖天宮), nous passons aux tombes. Nous profitons de cette belle journée pour aller explorer les collines boisées de la petite ville de Yoshimi dans la préfecture de Saitama, sauf que les collines que nous allons voir sont mystérieusement creusées de trous. Nous sommes ici à Yoshimi Hyakuana (吉見百穴). Il s’agit d’un ensemble d’environ deux cents tombes creusées à flanc de collines entre la deuxième partie et la fin de la période Kofun (entre la fin du 6ème siècle et la deuxième partie du 7ème siècle). Ces collines sont constituées de tuf volcanique, qui est une roche tendre résultant de la consolidation de débris volcaniques. Cette roche est relativement facile à creuser, ce qui explique l’utilisation de cet endroit pour y placer des tombes. On peut gravir la colline et visiter quelques tombes avec des lits de pierre, mais les couloirs sous-terrains sont malheureusement fermés. Les tombes de Yoshimi Hyakuana ont été découvertes en 1887 par Shogorō Tsuboi (坪井 正五郎), diplômé de l’Université Impériale de Tokyo (actuellement Université de Tokyo). L’utilisation passée de ce lieu est longtemps restée mystérieuse, car certains imaginaient qu’il s’agissait autrefois d’habitats troglodytiques. Les lieux ont été désignés comme monument historique national en 1923, mais furent tout de même utilisés pendant la seconde guerre mondiale comme espaces sous-terrains pour y construire des parties de moteurs d’avion. Cela a conduit à l’altération de certaines galeries et à la destruction de plusieurs tombes, ramenant leur nombre total de 237 à 219.

an untilted life (3)

Tout en parcourant les formes géométriques autour des hautes tours de Toranomon, j’écoute quatre autres morceaux musicaux ajoutés récemment à ma playlist nommée ‘an untilted life’. Il y a d’abord le single Dearest living things d’AAAMYYY qu’elle avait interprété lors du concert Option C avec le groupe Zatta qui en compose la musique. Il s’agissait d’un morceau inédit lors du concert et AAAMYYY n’en avait pas dévoilé le titre jusqu’à sa sortie officielle le 28 Mars 2024. Le morceau est quasiment acoustique et la voix d’AAAMYYY prend presque toute la place, bien qu’elle soit accompagnée par les chœurs de Zatta. Le morceau n’est pas son plus marquant à la première écoute mais laisse petit à petit son empreinte. C’est une des forces d’AAAMYYY que de pouvoir transcrire toute sorte de textures avec sa voix. J’écoute ensuite un morceau du groupe Lucky Kilimanjaro intitulé Jikkan (実感) sorti le 24 Avril 2024. Bien que le nom de ce groupe m’est familier depuis longtemps, c’est leur premier morceau que j’écoute. Les six membres du groupe Lucky Kilimanjaro se sont rencontrés dans le club de musique de leur université et ont démarré leurs activités musicales en 2014. Yukimaru Kumaki (熊木幸丸), au chant et synthétiseur, est le leader du groupe accompagné de Masaki Shibata (柴田昌輝) à la batterie, Seiji Yamaura (山浦聖司) à la guitare basse, Mao Otaki (大瀧真央) au synthétiseur, Koji Matsuzaki (松崎浩二) à la guitare et Rami (ラミ) aux percussions. Leur musique rock intègre des sonorités city pop des années 80. A vrai dire, peu importe les étiquettes de style qui ne veulent pas dire grand chose pour moi, quand un morceau est à la fois accrocheur et musicalement recherché. Il possède cette énergie communicative qui nous donne envie d’y revenir. Je découvre ensuite l’artiste, compositrice et interprète 嚩ᴴᴬᴷᵁ avec un morceau intitulé 489 sur son premier EP Imaginary Friend sorti le 16 Mai 2024. Son approche musicale me fait immédiatement penser à l’hyper pop de l’artiste 4s4ki dont j’ai souvent parlé sur ces pages. C’est certainement dû au fait qu’elle travaille avec des producteurs électroniques tels que KOTONOHOUSE ou Masayoshi Iimori qui ont déjà collaboré avec 4s4ki, par exemple sur l’excellent 35.5 pour le deuxième. On ressent une inspiration assez similaire et ça ne m’étonne en fait pas beaucoup que 4s4ki puisse influencer d’autres jeunes artistes. 嚩ᴴᴬᴷᵁ faisait auparavant partie d’un groupe de filles mais a démarré en solo depuis cette année. Je termine cet épisode musical par le morceau Maze Maker de Punipunidenki (ぷにぷに電機) sur son nouvel EP Hypergravity Visions (超重力幻想) sorti le 1er Mai 2024. Le fait que MONJOE participe à la composition de ce morceau attise d’abord ma curiosité. J’avais également envie de revenir vers la musique de Punipunidenki que je ne connais pas beaucoup, à part le morceau Midnight Dew avec DÉ DÉ MOUSE dont j’avais déjà parlé ici. Du nouvel EP de Puniden, Maze Maker est le plus intéressant et le seul composé par MONJOE. C’est musicalement brillant et j’aime beaucoup la voix exagérément expressive de Puniden. J’ai une oreille attentive pour MONJOE depuis qu’il était aux commandes des platines du concert Option C d’AAAMYYY. Décidément, j’y reviens sans cesse.

Ah oui, la première photographie montre des ombres et lumières imprimées sur une des façades de béton de l’église moderne Tokyo Church of Christ à Tomigaya, dont l’espace intérieur a été utilisé récemment pour la vidéo du single As a human (人間として) de Sheena Ringo. Et en parlant de vidéo, Millennium Parade vient de sortir la vidéo de leur dernier single Goldenweek, qui est superbe, sans grande surprise. Je suis venu à énormément apprécier ce single au fur et à mesure des écoutes.

les dragons du temple Seitenkyū

Nous ne sommes pas ici à Taïwan mais à Sakado (坂戸市) dans la préfecture de Saitama. Le temple Seitenkyū (聖天宮), qui signifie Palais du Ciel Saint, se dresse soudainement devant nous au milieu de nulle part. La présence du plus grand temple taoïste du Japon peut d’abord paraître irréelle en ces lieux. Il a été inauguré en 1995 par le prêtre taoïste taïwanais Kang Kuo-Den (康國典), qui décida de le construire suite à sa guérison miraculeuse d’une maladie dite incurable. On peut légitimement se demander pourquoi ce lieu a été choisi au beau milieu de la campagne de Saitama. L’histoire raconte que le prêtre aurait reçu en rêve une révélation du futur emplacement de son temple. Il aura fallu environ 15 ans pour que sa vision soit matérialisée. Le style architectural traditionnel chinois et taïwanais impressionne tout de suite par ses formes détaillées et ses couleurs vives. Les décorations sont particulièrement riches, mélangeant des figures de dragons et de phœnix. Les sculptures sont impressionnantes, notamment celles de certains piliers en pierre de 5m de haut représentant des dragons sculptés dans un seul bloc. On peut visiter une grande partie du temple, notamment les deux tours contenant à leur sommet, un tambour pour l’une et une cloche pour l’autre. A l’intérieur du grand hall, un guide nous donne quelques explications sur les origines du temple. Le plafond du grand hall comprend une étrange forme de spirale qu’on ne pouvait que difficilement prendre en photo. Heureusement que je n’ai lu le manga Uzumaki (Spirals) de Junji Ito qu’après la visite de ce temple, car elle m’aurait sinon hanté pendant quelques temps. La visite du temple Seitenkyū était un des objectifs de notre passage rapide pour une après-midi à Saitama et nous continuons ensuite avec un autre lieu plutôt étrange.

an untilted life (2)

Après avoir monté les escaliers du sanctuaire d’Atago fraichement rénové, je me remémore trois autres morceaux que j’ai ajouté à ma playlist nommée ‘an untilted life’. Il y a d’abord un morceau rock intitulé Kūfukuna Dōbutsu no Tame no (空腹な動物のための), sous-titré en anglais Monkey Irony, du groupe Oisicle Melonpan (おいしくるメロンパン). Il s’agit d’un trio d’origine tokyoïte lancé à la fin de l’année 2015, alors que les trois membres étaient encore lycéens. Ils ont déjà sorti huit mini-albums, dont celui intitulé Eyes contenant le morceau qui a intégré la petite playlist sur mon iPod. Le groupe se compose de Nakashima (ナカシマ) au chant et à la guitare, Shōsetsu Minegishi (峯岸翔雪) à la basse et aux chœurs, et Shuntarō Hara (原駿太郎) à la batterie et aux chœurs. Le nom plutôt étrange du groupe a été trouvé par le chanteur Nakashima alors qu’il mangeait un excellent pain au melon (bien sûr), mais il aurait aussi décrété qu’il n’aime pas les pains au melon tant que ça. J’imagine qu’on a dû lui poser maintes fois des questions sur les origines du nom du groupe, et ça a peut-être fini par l’agacer. Précisons qu’il s’agit d’une pure supposition de ma part. Le morceau Monkey Irony est fait d’un rock alternatif aux accents pop avec des guitares puissantes et un refrain très marqué grâce à la voix affirmée du chanteur Nakashima. J’aime cette guitare qui avance par moments par à-coups car ça me fait un peu penser à Tricot. J’écoute ensuite un morceau d’un autre groupe que je ne connaissais pas, Flower Raft (花筏) de tiny yawn. Le groupe tiny yawn est principalement actif à Tokyo depuis 2017 et se compose de quatre membres: Megumi Takahashi au chant et claviers, Yuki Sugama à la guitare, Koji Yasuda à la basse et Kohei Takashima à la batterie. Je suis tout de suite sensible à la mélancolie rock qui se dégage du morceau. Les accords de guitare de Yuki Sugama nous saisissent immédiatement et la voix claire très légèrement rugueuse de Megumi Takahashi nous transporte, peut être quelque part dans les montagnes enneigés autour du Mont Fuji et de ses cinq lacs comme le suggère la vidéo. La mélodie du morceau est très belle et transmet des émotions auxquelles je suis réceptif. Le morceau Flower Raft est disponible sur le EP intitulé Padle Ship sorti en Mars 2024. Je termine par une dernière étape, cette fois-ci électronique, avec le groupe Tamanaramen (玉名ラーメン) dont j’ai déjà parlé à plusieurs reprises sur ce blog, notamment pour leur EP Hajimari (はじまり). Le single telepath composé et chanté par Pikam et Hana est sorti le 20 Décembre 2023. On y retrouve les particularités de Tamanaramen avec ses ambiances électroniques vaporeuses et les voix du duo légèrement chuchotantes et enfantines. Les morceaux de Tamanaramen sont à chaque fois teintés d’une once de mystère et j’ai toujours l’impression d’entrer dans un monde à part où tout le monde ne serait pas invité, comme si cette musique ne se révélait à nous que sous certaines conditions. Cette pointe d’imaginaire et d’irréel me plait à chaque fois beaucoup dans la musique de Tamanaramen.