une échappée sous la lune

J’essaie quelques évolutions du titre du blog, qui était dernièrement écrit en japonais, en katakana pour être précis. Je tente d’y mélanger des blocs d’architecture glanés par-ci par-là dans Tokyo. Le titre restera en principe en noir et blanc, mais celui montré actuellement n’est à priori pas définitif. Lorsque je me lance à créer ce genre de titre, j’ai toujours en tête l’image de ma page À propos que j’avais créé il y a plusieurs années, mélangeant des mots (« Tokyo » en l’occurrence) avec des morceaux d’immeubles et de végétation. Comme une conséquence indirecte de cette recherche graphique, les photographies et compositions de ce billet en deviennent plus abstraites. J’aspire à créer ou à sélectionner un peu plus souvent ce types de photographies plus imagées, mais je me laisse parfois rattraper par l’encombrante réalité.

Je me suis inscris pour une période d’essai d’un mois à la chaine BS WOWOW, afin de pouvoir voir le concert de Sheena Ringo Aitsura to Shiru Shogyōmujō (椎名林檎と彼奴等と知る諸行無常) que j’avais été voir le 9 Mai 2023 au Tokyo International Forum. Le concert filmé et diffusé sur WOWOW le Samedi 9 Septembre 2023 était la dernière représentation, celle du 10 Mai 2023. C’était un vrai plaisir de voir en images avec plans serrés des scènes que je n’avais pu voir que de loin depuis ma place lors du concert. Je n’avais par exemple pas pu profiter de tous les détails de l’étrange chapeau qu’elle portait pendant la dernière partie du concert avant les rappels. Je n’avais pas non plus distingué quel était le sake qu’elle tendait à bout de bras et que je montre ci-dessus. L’excellente surprise était de constater qu’il s’agissait d’un sake Kokuryu (黒滝) originaire de la préfecture de Fukui, sake que j’apprécie particulièrement car on en a acheté plusieurs fois pour le nouvel an, quand on arrive à en trouver. Enfin, il ne s’agissait pas de celui qu’elle montre sur scène, qui est une édition limitée appelée Kokuryu Ishidaya Junmai Daiginjo, forcément très chère. Ce sake se vend à 13,200 Yens la bouteille. On apprend d’ailleurs que ce concert sortira en Blu-ray et DVD le 22 Novembre 2023, en version complète avec bonus, car la version de WOWOW ne contenait pas les rappels.

Je me rends compte que la chaîne WOWOW montre beaucoup de musique, en particulier des concerts très récents. J’en ai profité pour regarder celui de Yoasobi à Saitama Super Arena (さいたまスーパーアリーナ) qui avait lieu le 3 Juin 2023. Ce concert s’appelait Denkōsekka (YOASOBI ARENA TOUR 2023 “電光石火”). Je suis très loin de connaître tous les morceaux du groupe, mais au moins leur dernier succès récent intitulé Idol (アイドル) qui est assez fantastique d’énergie sur scène. Le concert se déroulant dans une salle omnisports de type Arena, la foule présente était impressionnante même en vidéo sur grand écran. Saitama Super Arena a une capacité maximale de 37,000 personnes. Il s’agit d’une des plus grandes salles du monde en cinquième position derrière la Paris La Défense Arena de 40,000 places et le Tokyo Dôme de 55,000 places. La scène rempli de lumières est tellement grande qu’on doit avoir un peu de mal à voir Ikura car elle n’est pas très grande, sauf quand elle monte sur une petite estrade. Ceci étant dit, elle arrive très bien à attraper la foule, et c’est intéressant à regarder même si tous les morceaux ne me plaisent pas forcément. Le spectacle est conçu comme un show qui va plus loin que la musique en elle-même. En concert, j’aurais plutôt tendance à me contenter seulement de la musique même si les petits passages que les artistes adressent à la foule concrétisent en quelque sorte leur réalité physique.

Je continue à faire le curieux sur WOWOW en regardant et en enregistrant le concert d’un groupe que je connais encore moins, BABYMETAL. Je n’ai jamais eu envie d’écouter leur musique car le nom du groupe m’a toujours paru ridicule et certains morceaux comme Gimme Chocolate me paraissait exagérer à l’extrême le contraste entre le côté kawaii des trois chanteuses et le dureté du métal le plus basique. Je me suis tout de même laisser tenter avec ce concert intitulé BABYMETAL RETURNS - THE OTHER ONE -, car l’imagerie est assez fascinante et la curiosité a été plus forte que ma volonté. Ce concert est très récent car il s’agit d’une captation des 28 et 29 Janvier 2023. J’ai été en fait très surpris par la qualité des morceaux que j’ai pu écouter lors de ce concert. Je me suis même surpris à noter quelques noms de morceaux, ceux qui m’intéressaient, pour ensuite les écouter en version studio sur YouTube. Je me rends compte que la grande majorité des morceaux dont j’ai apprécié l’écoute étaient tirés du dernier album intitulé The Other One, sorti le 24 Mars 2023. Les morceaux de cet album ont complètement perdu le côté kawaii des premiers albums, ce qui n’est pas vraiment étonnant car les deux chanteuses de BABYMETAL, Suzuka Nakamoto (au nom de scène Su-metal) et Moa Kikuchi (aussi appelée Moametal), ont respectivement 25 et 24 ans. Elles ont commencé le groupe il y a dix ans et donc à l’age de 14-15 ans. Il semble tout à fait normal que la musique et le chant du groupe aient gagné en maturité. C’est à mon avis tout à fait bienvenu. J’écoute maintenant le nouvel album en entier et le morceau Divine Attack (神撃), qui est vraiment excellent, est déjà mon préféré. Le chant de Su-metal est très affirmé et ne perd pas en force face au rythme forcené de la batterie et les guitares métal envahissantes. Les musiciens métalleux ne plaisantent en général pas avec la qualité de leur son. Le néophyte devrait écouter ce morceau pour se donner une idée. J’aime aussi beaucoup d’autres morceaux comme Light and Darkness, Metal Kingdom et le plus calme, entre guillemets, The Legend, qui conclut l’album. Ce dernier morceau est particulièrement intéressant car il dévie des sonorités typiques du métal en introduisant du saxophone. Peut-être s’agit d’une prochaine orientation pour le groupe d’apporter des instruments nouveaux. La particularité du groupe est de mélanger les sons électroniques aux guitares. Ce rythme électronique est particulièrement marqué sur un morceau comme Metalizm, qui est également un des très bons morceaux de l’album, tout en étant le plus déstructuré. Je lisais dans les revues de cet album qu’il avait perdu le côté fun que l’on pouvait entendre sur les premiers albums. Le concert que je regarde sur WOWOW garde quelques morceaux ayant ce côté ludique. Headbanger!! est un bon exemple de cela. Depuis ce concert, le groupe est repassé à trois chanteuses avec l’arrivée récente de Momoko Okazaki. Ce concert est visuellement impressionnant et très scenarisé avec des interludes entre les morceaux. Là encore, la salle de Makuhari Messe à Chiba est gigantesque, mais les trois filles de BABYMETAL savent bien maîtriser la foule. C’est particulièrement intéressant de voir Su-metal contrôler les mouvements de cette foule de fans, avec un air sérieux ou pince-sans-rire. C’est parfois tout à fait fascinant, et même un peu inquiétant quand une partie du public se met à courir en cercle quasiment sous les ordres des trois filles, ou peut-être est ce plutôt au son des guitares, je ne saurais pas vraiment dire. J’avais déjà remarqué cela il y a quelques temps sur la vidéo live du morceau plus ancien Road of Resistance. Il était également joué pendant ce concert à Makuhari Messe. Je trouve quand même ce morceau un peu trop teinté de sonorités musicales d’idoles à mon goût. On ne retrouve pas ce côté idole kawaii dans le nouvel album, ce qui me plait particulièrement. Mon seul regret est que le groupe n’est pas changé de nom avec l’arrivée de la troisième chanteuse et le revirement stylistique des morceaux.

J’ai déjà écouté une dizaine d’albums de Buck-Tick mais je suis loin d’avoir fait le tour de leur discographie extensive s’étendant sur 35 ans. Le groupe fête donc ses 35 années de carrière et WOWOW diffuse pour l’occasion plusieurs concerts. J’imagine que le néophyte débarquant par hasard sur une retransmission d’un concert de Buck-Tick doit être particulièrement décontenancé. Le regard sombre et perçant du chanteur au style gothique Atsushi Sakurai (櫻井敦司) a de quoi soit effrayer, soit fasciner. Je suis personnellement dans la deuxième catégorie. Sakurai a un charisme et une présence sur scène qui accaparent toute l’attention, mais j’aime aussi la flamboyance certaine du guitariste et compositeur Hisashi Imai (今井 寿). Les membres du groupe approchent maintenant de la soixantaine mais les années n’ont pas l’air d’altérer leur musique. Ce qui m’impressionne c’est que la musique du groupe semble complètement hermétique aux goûts du jour. Buck-Tick poursuit son chemin mais mélange aussi beaucoup les styles, ce qui peut être au premier abord assez déconcertant. Les qualités musicales du groupe et la voix très marquante de Sakurai peuvent en fait tout intégrer, du rock gothique le plus sombre aux sons électroniques les plus accentués en passant soudainement par des moments beaucoup plus pop et accrocheurs avec toujours des restes de Visual-Kei, comme en témoigne la crête du batteur Toll Yagami (ヤガミ・トール). Il y a en fait assez peu de demi-mesure car chaque morceau est mené avec une tension qui est loin de laisser indifférent. Je regarde donc le concert intitulé SHOW AFTER DARK (魅世物小屋が暮れてから) avec beaucoup de passion. Il s’agit d’une captation au Nihon Budokan (日本武道館) le 29 Décembre 2021, quelques mois après la sortie de l’album Abracadabra. Buck-Tick joue bien entendu plusieurs morceaux de cet album comme MOONLIGHT ESCAPE, Villain, Kemonotachi no Yoru (獣たちの夜), Bōkyaku (忘却), Eureka (ユリイカ), entre autres. Je ne connaissais pas l’album Abracadabra et je découvre ces très bons morceaux en regardant le concert. Le groupe reprend aussi certains morceaux plus anciens et particulièrement marquants comme Muma (夢魔 -The Nightmare), Rakuen (楽園) ou BABEL. Ce sont des morceaux envoûtants, et je dirais même hantés, qui nous font redécouvrir tout le génie musical du groupe. Je n’exagère pas ce terme et je pense même que le talent du groupe n’est pas assez reconnu malgré leur longévité hors-norme. Buck-Tick est bien passé sur Music Station un peu plus tôt cette année pour la sortie de leur dernier single et album, mais on ne les sentait pas du tout à leur place sur un plateau de télévision grand public. Le groupe doit s’accommoder de l’ombre et de la fidélité de leur public. J’arrive tout à fait à comprendre que ce public de fans viennent nombreux aux concerts de Buck-Tick. J’aimerais aussi assister à un de leur concert, mais ça semble bien difficile sans faire partie du fan club. En attendant, je regarde les uns à la suite des autres les quelques concerts diffusés sur WOWOW.

the day in question

Ce jour là, je me souviens très bien m’être perdu dans les nuages. C’était Samedi dernier en début d’après-midi. Partir au hasard des rues tokyoïtes m’amène souvent vers le quartier de Jingumae. C’est comme si un mystérieux fil rouge d’un centième de millimètres de diamètre, pratiquement invisible, me guidait sans que je m’en rende compte à travers les rues du centre de Tokyo. J’ai bien entendu le sentiment de guider mes propres pas sans influence externe mais le destin est pourtant à chaque fois scellé, peut importe la direction initiale que j’emprunte. Il y a un intérêt visuel certain à ce quartier de Jingumae, que ça soit pour l’immense comme l’impressionnant immeuble verdâtre en forme d’iceberg sur l’avenue Meiji, ou le beaucoup plus petit comme la multitude d’autocollants de toutes formes et messages fleurissant sur de nombreux boîtiers électriques métalliques, entre autres parois murales apparemment autorisées à être décorées. Ces autocollants colorés, ou délavés suivant leur ancienneté, sont après réflexion les éléments de décor urbain qui me dirigent et qui me font avancer sans cesse dans ces rues. Cette marche automatique me fait passer par la rue des chats, Cat Street. Ils sont bien cachés, ces chats, attendant certainement que la pénombre envahisse la ville pour sortir et l’envahir pendant que les travailleurs harassés dorment. Il est certain qu’en pleine nuit, la rue appartient à ces chats. En marchant au milieu de l’étroite rue piétonne, je scrute les endroits cachés entre deux immeubles, les escaliers qui gravissent les rues en pente, les toits enchevêtrés des maisons basses, mais il n’y a pas un chat. En fait, ma recherche est gênée par la foule marchant dans le sens opposé au mien, formant un rideau protecteur cachant l’arrière de la scène urbaine. Les chats doivent s’abriter dans les coulisses du spectacle de la rue. Ils doivent d’ailleurs bien s’amuser à regarder la foule déambuler sans arrêt, à travers la discrète ouverture que l’on peut se créer entre deux pans de rideaux. Parfois, je m’imagine être comme un chat derrière ces rideaux à observer la foule et à attendre le bon moment pour saisir en photographie une conversation volée, au croisement de deux rues, devant une grande affiche publicitaire déchirée. Je suis debout au milieu de la rue mais également invisible derrière cette couverture protectrice. Mon existence en ce lieu en devient même incertaine, comme si elle s’était fondue dans l’air ou plutôt dans des nappes épaisses de nuages. Ma matérialité semble se dissoudre et se détacher petit à petit du sol. Je suis tellement bien caché derrière ces nappes brumeuses qu’on ne peut me voir depuis la rue. Je ne peux d’ailleurs plus me voir moi-même. La conscience de mon existence est pourtant bien présente mais elle devenue légère comme les nuages au dessus de ma tête. Naturellement, je lève les yeux pour constater la présence de ces nuages qui m’attirent tant. Le bleu du ciel est très marquant mais c’est la tourmente des nuages qui accapare toute mon attention. Les nuances subtiles de gris et de blanc sont fascinantes. On n’en devine que difficilement les limites. Quand on commence à les observer, on ne peut plus tourner le regard. On regarde au contraire plus profondément pour tenter de les traverser afin de voyager à l’intérieur. Je ne peux m’en détacher car ils m’envahissent doucement de toute part, comme un drap moelleux qui m’enveloppe, sans pourtant me serrer ou me faire suffoquer. On s’y sent libre de tout mouvement et de tout regard, flottant au dessus de la foule urbaine. Pendant quelques instants, je regarde le spectacle de la vie urbaine à travers la discrète ouverture que l’on peut se créer entre deux pans de rideaux nuageux. Les réseaux de draperies nuageuses peuvent ressembler à des labyrinthes si on s’y égare un peu trop, mais je connais ces endroits pour les avoir maintes fois emprunté. Les dernières notes du morceau alife de Slowdive que j’écoute sous écouteurs me font plonger doucement depuis les surfaces nuageuses jusqu’à la surface ferme du sol de Cat Street. La musique de Slowdive a cette qualité de rendre les êtres vaporeux pendant quelques minutes, le temps d’un morceau, et de nous transporter pour s’échapper loin de toutes choses.

Le nouvel album de Slowdive intitulé everything is alive sorti le 1er Septembre 2023 est beau de bout en bout, sans fausse note ni fausse distorsion. Slowdive est certes un groupe légendaire du shoegazing anglais quasiment au même titre que My Bloody Valentine, mais je suis vraiment surpris par la qualité de leur production, d’un niveau comparable à leurs tous premiers albums sortis il y a plus de trente ans au tout début des années 90. On y trouve la même émotion noyée dans des flux de musiques vaporeuses qui nous amènent à rêver et à plonger dans les nuages, comme je peux le faire parfois de manière tout à fait imagée. L’album ne contient que 8 morceaux mais dure tout de même 42 minutes. Certains morceaux donnent la part belle à l’instrumental. De cet album, j’avais déjà évoqué le premier single Kisses qui est un des meilleurs morceaux de l’album, avec le troisième intitulé Alife où on a le plaisir d’écouter les voix de Rachel Goswell et Neil Halstead en duo. Halstead a écrit tous les morceaux de cet album. Il disait qu’il a hésité un moment à inclure le morceau Kisses sur l’album pensant qu’il serait trop pop. Cette réaction m’amuse car elle démontre l’orientation volontaire du groupe vers les sons du rock indé, craignant de s’éloigner d’un certain purisme rock attendu par leur public. Slowdive n’a plus rien à prouver mais on sent vraiment qu’ils ne veulent pas tomber dans la catégorie des groupes cultes faisant un retour en demi-teinte. Ceci étant dit, Kisses reste le morceau ressemblant le plus à un single, car la plupart des autres morceaux de l’album se jouent dans une continuité aux bords flous. Les moments marquants sont pourtant nombreux comme le morceau The Slab, concluant brillamment l’album. On se dit à ce moment précis, que l’album est un peu trop court, car on a le sentiment de s’être tout juste imprégné de cette atmosphère rêveuse. Le quatrième morceau Andalucia plays est également marquant car certaines notes de guitare me rappellent beaucoup un morceau de The Cure. Je pense qu’il s’agit de Pictures of You sur l’album Desintegration de 1989, mais je n’en suis pas complètement certain.

言葉以上・現実以上

Le retour au rythme tokyoïte sur Made in Tokyo n’est pas aussi facile que je l’imaginais. Le sentiment de fatigue post-Covid m’a poursuivi plusieurs semaines et j’ai par conséquent eu un manque de volonté et d’énergie pour me lancer dans l’écriture de longs billets comme j‘ai pu en écrire jusqu’à présent avant nos vacances en France ou comme je le fais maintenant. Et pourtant, le niveau de fréquentation particulièrement haut du blog pendant le mois d’Août aurait dû me motiver un peu plus. La chaleur estivale infernale avec ces 35 degrés tous les jours de la semaine est peut propice aux promenades photographiques, mais j’ai tout de même marcher près du gymnase de Yoyogi, où des danses Yosakoi (よさこい) ont attiré mon attention. Le Yosakoi est une interprétation moderne de la danse traditionnelle Awa-Odori que l’on peut souvent voir dans les festivals d’été. Plusieurs groupes habillés de tenues différentes dansaient les uns après les autres, d’une manière très dynamique caractéristique du genre, le long de la large allée piétonne séparant le Hall de la NHK du gymnase de Yoyogi. La musique qui accompagne les danses a un côté un peu kitsch mais l’énergie communicative des danseurs et danseuses faisaient plaisir à voir. Ils m’ont en quelque sorte transmis un peu de leur énergie. Bien que je n’ai pas publié de billets pendant ces vacances françaises, ça ne m’a pas empêché de réfléchir à la direction que je devrais donner à ce blog. Je me suis dit que ça n’avait pas beaucoup de sens de montrer des photos de choses et d’endroits que j’ai déjà maintes fois montré et qu’il faudrait que j’y apporte une touche un peu plus personnelle et spécifique à mon style visuel. Il faudrait aussi que je travaille un peu plus la sensibilité des textes qui accompagnent mes photographies pour éviter le descriptif.

Mais cette sensibilité est de toute façon grandement et principalement influencée par la musique que j’écoute. Je me remets lentement mais sûrement à écouter de nouvelles très belles choses musicalement. Quand je me perds dans la direction de ce que je veux écouter, je reviens souvent vers LUNA SEA et cette fois-ci, j’écoute beaucoup l’album Lunacy de 2000. Je l’avais acheté en CD à l’époque et ce n’est pas l’album vers lequel je reviens le plus souvent, ce qui est une erreur car le morceau Gravity est un de leurs meilleurs. J’avais aussi oublié que certains morceaux étaient des collaborations avec DJ KRUSH, comme celui intitulé KISS. Quelques morceaux au milieu de l’album sont particulièrement inspirés, notamment le sublime Virgin Mary. C’est un long morceau de plus de 9 minutes placé exactement au centre de l’album. Ce morceau me rappelle que Ryuchi Kawamura utilise régulièrement des références religieuses, en particulier chrétiennes, dans les paroles de ses morceaux. Il m’est d’ailleurs arrivé plusieurs fois d’être assis à côté de sa femme et de son fils à l’église avec mon grand lorsqu’ils étaient petits dans la même école maternelle. Ryuchi Kawamura ne venait bien évidemment pas. Je n’ai malheureusement jamais pu dire à sa femme toute l’admiration que j’avais pour lui. LUNA SEA est le seul groupe qui fait le lien entre la musique japonaise que j’écoutais en France et celle que j’écoute encore maintenant. Écouter LUNA SEA remet en quelque sorte les pendules à l’heure, pour me permettre de repartir vers d’autres horizons.

Dans ces belles découvertes récentes, il y a le morceau Kikikaikai (器器回回) de Nagisa Kuroki (黒木渚) sorti le 23 Août 2023. Je ne connaissais pas cette compositrice et interprète originaire de la préfecture de Miyazaki dans le Kyūshū. Je la découvre par l’intermédiaire de la photographe et vidéaste Mana Hiraki (平木希奈), que j’ai déjà évoqué plusieurs fois sur ce blog, car elle a réalisé la vidéo de ce morceau. Cette vidéo est très inspirée d’ailleurs, comme peut l’être le morceau. Nagisa Kuroki a fait ses études à Fukuoka, ce qui peut expliquer qu’Hisako Tabuchi (田渕ひさ子) ait joué de la guitare sur certains enregistrements de ses morceaux. Mais Hisako Tabuchi ne joue pas sur le morceau que j’écoute en ce moment. Kikikaikai a une composition brillante, très méthodique avec un flot verbal en escalade. La dynamique du morceau est très prenante et laisse peu de temps au répit sans pourtant être poussive. La dernière minute de Kikikaikai est particulièrement excellente car la densité et la tension vocale deviennent débordantes. C’est un excellent morceau qui se savoure d’autant plus après plusieurs écoutes.

Le morceau asphyxia de Cö shu Nie sur l’album PURE n’est pas récent car il date de 2019, mais l’idée m’est venu de revenir un peu vers la musique de ce groupe après avoir vu plusieurs fois la compositrice et interprète Miku Nakamura (中村未来) sur mon flux Twitter (on dit maintenant X mais je préfère l’ignorer pour l’instant) ou Instagram. Le morceau asphyxia est une sorte d’objet musical non identifié car la voix de Miku et la composition musicale ont toutes les caractéristiques de déconstruction du math rock. On y trouve une grande élégance et inventivité. Le morceau nous trimballe sur différentes voies comme si le train musical déraillait soudainement pour se rattraper de justesse vers une nouvelle direction. Mais le morceau n’en reste pas moins très construit. On peut se demander ce qui passe par la tête de la compositrice pour en arriver à de telles envolées. Sur le même album, j’écoute également Zettai Zetsumei (絶体絶命), car je suis attiré par le titre me rappelant un morceau de Tokyo Jihen. Ce morceau est un peu plus conventionnel et calme qu’asphyxia, mais juste un peu car l’escalade instrumentale est toujours bien présente, pour mon plus grand bonheur, il faut bien le dire. C’est un style musical, un peu comme celui de Ling Toshite Sigure, qui me paraît tout à fait unique au Japon.

L’émission radio du dimanche soir What’s New FUN? de Teppei Hayashi (林哲平) sur InterFm me fait découvrir le rappeur originaire d’Oita Skaai qui y était invité pour une interview. Quelques morceaux de Skaai étaient diffusés, notamment celui intitulé Scene! en collaboration avec Bonbero. Ce morceau de hip-hop en duo est vraiment excellent pour son ambiance sombre et atmosphérique, comme on pourrait en trouver chez DJ KRUSH, et pour les talents vocaux multiples de Skaai. J’adore le hip-hop lorsqu’il part vocalement vers ce genre de terrains mouvants. Je découvre plus tard un autre excellent morceau hip-hop de Skaai intitulé FLOOR IS MINE (featuring BIM, UIN). La voix de Skaai chantant en anglais le refrain me rappelle vaguement un morceau de Red Hot Chili Pepper mais je n’arriverais pas à vraiment dire lequel. Le compte Twitter de Skaai m’indique également une collaboration avec le rappeur coréen nommé 27RING (이칠링) sur un morceau énorme intitulé Brainwashing (세뇌) Ultra Remix tiré de son album 27LIT. Le morceau est énorme car il fait plus de 8 minutes et fait collaborer pas moins de 12 rappeurs prenant la parole les uns à la suite des autres sur une trame commune dense et anxiogène. Je ne connais pas tous ces noms (TAK, Moosoo, DON FVBIO, Ted Park, maddoaeji, Boi B, DAMINI, New Champ, Lee Hyun Jun, Skaai, Asol) qui semblent principalement coréens à part Skaai (qui est en fait moitié coréen, parlant la langue). La puissance de l’ensemble et son agressivité conservant un bon contrôle des phrasés parfois ultra-rapides, m’impressionnent vraiment. Chaque intervention des rappeurs invités est entrecoupée d’exclamations proche du cri de 27RING scandant en coréen dans le texte « Mon cerveau a subi un lavage de cerveau » (세뇌 당했지 나의 뇌). La vidéo très graphique est viscérale et correspond bien à l’ambiance du morceau. Il faut d’ailleurs l’écouter fort dans les écouteurs en regardant la vidéo pour bien s’immerger. Je me sens parfois reconnaissant, envers je ne sais qui ou quoi, de tomber sur ce genre de morceaux qui réveillent mon émerveillement musical.

Je reviens ensuite vers des terrains rock plus connus en écoutant le nouveau single du groupe Hitsuji Bungaku (羊文学) intitulé More than Words. J’aime la voix de Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) qui a un petit quelque chose de particulier et que je trouve très mature sur ce morceau. Dès les premières notes, le son des guitares est très présent, rempli de réverbération, et le rythme de la batterie est extrêmement soutenu. Je suis toujours surpris par la qualité du son qu’il et elles arrivent à sortir à trois. Le son des guitares est ici très spacieux. Ce single est utilisé comme thème de fin de l’anime à succès Jujutsu Kaisen (呪術廻戦), du mangaka Gege Akutami (芥見下々), pour une série intitulée Shibuya Jihen (渋谷事変), à ne pas confondre avec Tokyo Jihen (東京事変). Le thème d’ouverture de ce même anime est un morceau de King Gnu intitulé Specialz (スペシャルズ) qu’il me faudra écouter un peu plus (en tout cas la vidéo est impressionnante). En ce moment, j’écoute aussi deux EPs de Hitsuji Bungaku, à savoir Kirameki (きらめき) sorti en 2019 et Zawameki (ざわめき) sorti en 2020. Je ne connaissais en fait pas ces EPs en entier. En les écoutant, je me prépare en quelque sorte pour le concert à Tokyo Haneda le mois prochain, en Octobre 2023. J’ai très hâte d’aller les voir en live. Je sais déjà que ça rendra bien, pour les avoir vu et entendu en streaming lors de leur passage au festival Fuji Rock, il y a quelques années.

Shinichi Osawa (大沢伸一) de MONDO GROSSO produit le nouveau morceau d’Hikari Mitsushima (満島ひかり) intitulé Shadow Dance. C’est à ma connaissance la troisième collaboration entre les deux artistes. Ce morceau est très beau. L’élégance naturelle d’Hikari Mitsushima déteint forcément sur ce morceau, qui est très délicat, notamment dans ses moments parlés. Ce morceau fait apparemment référence au court métrage publicitaire Kaguya by Gucci, réalisé par Makoto Nagahisa dans lequel Hikari Mitsushima jouait déjà. Pour les plus attentifs, j’en ai déjà parlé plusieurs fois. La qualité de la production musicale de MONDO GROSSO n’est plus à démontrer et je suis toujours très satisfait qu’il travaille avec des artistes que j’aime, comme Daoko, Sheena Ringo, AiNA entre autres. J’aimerais d’ailleurs beaucoup que Sheena Ringo écrive un morceau pour Hikari Mitsushima. Il y a déjà des liens entre les deux. J’ignore par contre complètement le morceau que Sheena Ringo a écrit et composé récemment pour Sexy Zone. Faisons comme si il n’avait jamais existé car il n’est de toute façon pas brillant. Je suis également assez déçu par le nouveau single d’Utada Hikaru (宇多田ヒカル) intitulé Gold (~また逢う日まで~). Le morceau est loin d’être mauvais mais il n’a absolument rien d’original, par rapport à ses morceaux précédents. Je l’ai bien écouté plusieurs fois, mais j’ai beaucoup de mal à m’en souvenir. Elle aurait besoin d’un nouveau souffle et je ne doute pas qu’elle le trouvera, comme ça avait été le cas pour l’album Fantôme. Cet album ne semble d’ailleurs pas être le préféré des amateurs d’Utada Hikaru. C’est pourtant pour moi un des plus intéressants et celui qui m’a fait revenir vers sa musique. Et pour revenir à MONDO GROSSO, quelle plaisir de voir une collaboration avec KAF (花譜) dont je parle aussi assez souvent sur ces pages. Le morceau qui vient juste de sortir s’intitule My Voice (わたしの声). Il mélange habilement des sons classiques de piano et de cordes avec un rythme électronique particulièrement intéressant et la voix immédiatement reconnaissable de la chanteuse virtuelle KAF (qui est une vraie personne représentée par son avatar). Comme je le disais un peu plus haut, les choix artistiques de Shinichi Osawa m’épatent vraiment car ils sont quasiment en adéquation avec les artistes que j’apprécie.

Je ne vous obligerais pas à me suivre sur le dernier morceau sélectionné sur cette petite playlist de fin d’été, car la voix d’Ayuni D n’est pas la plus évidente à apprécier. Mais le nouveau morceau Tondeyuke (飛んでゆけ) de son groupe PEDRO qu’elle forme avec Hisako Tabuchi est vraiment enthousiasmant. En fait, j’aime beaucoup l’ambiance bucolique de la vidéo accompagnant le morceau, et le sentiment de nonchalance estivale qui l’accompagne. La manière de chanter d’Ayuni sur ce morceau, en chuchotant presque la fin de chaque phrase, me plait aussi beaucoup. Et il y a un petit passage de guitare vers la fin du morceau où les sons que dégage Hisako me rappellent Sonic Youth. Ce single et la musique de PEDRO ont apparemment un certain succès. J’étais plutôt surpris d’entendre que Tondeyuke était placé à la 54ème place du classement hebdomadaire Tokio Hot 100 de la radio J-Wave, que j’écoute très régulièrement le dimanche après-midi (de 13h à 17h) lorsque nous sommes en voiture. Après la dissolution de BISH, ça fait plaisir de voir chacune des anciennes membres trouver une nouvelle voix. C’est aussi le cas de CENTCHiHiRO CHiTTiii qui s’est lancé dans une carrière solo sous le diminutif de CENT. Son nouveau single Kesshin (決心) est un rock plutôt classique et j’étais assez surpris de voir que la musique a été composée par Kazunobu Mineta (峯田和伸) de Ging Nang Boyz (銀杏BOYZ).

AiNA The End a une carrière musicale pour l’instant très dense et on pourra la voir bientôt au cinéma sur le nouveau film du réalisateur Shunji Iwai (岩井俊二), Kyrie no Uta (キリエのうた). J’ai très récemment trouvé au Disk Union de Shimokitazawa le CD de la bande originale du film All About Lily Chou Chou (リリイ・シュシュのすべて) sorti en 2001, du même Shunji Iwai. J’avais déjà parlé sur ce blog de la musique du film chantée par Salyu. Le premier morceau intitulé Arabesque (アラベスク), qui accompagne les premières images du film dans les herbes hautes près d’Ashikaga (足利駅) dans la préfecture de Tochigi, est tellement sublime que je le compte volontiers dans la liste des morceaux que je préfère. La force d’évocation émotionnelle de cette musique et de la voix extrêmement sensible de Salyu me donnent à chaque fois des frissons. C’est proche du divin, sans trop exagérer. J’ai du coup revu le film qui m’avait beaucoup marqué la première fois que je l’avais vu. Je suis très curieux des films de Shunji Iwai mais ils ne sont pas disponibles sur Netflix ou Amazon Prime. J’ai quand même vu récemment le film Last Letter (ラストレター) sorti en 2020 basé sur un roman qu’il à écrit lui-même. Beaucoup d’actrices et d’acteurs reconnus jouent dans ce film, comme Takako Matsu, Suzu Hirose, Nana Mori et Masaharu Fukuyama entre autres. La surprise était de voir le réalisateur Hideaki Anno (de Neon Genesis Evangelion) joué un second rôle, celui du mari du personnage joué par Takako Matsu. Que ça soit sur des films ou des drama télévisés, je croise souvent la route de Takako Matsu (松たか子) en ce moment. La dernière fois était sur le drama Quartet (カルテット), dans lequel jouait également Hikari Mitsushima. Tout finit par se reboucler dans mes billets.

estival ’23 (8)

Terminons cette longue série de photographies en France par une visite du Château de Monte Christo et de son parc, qui étaient la propriété d’Alexandre Dumas. L’architecte Hippolyte Durand a conçu cette demeure dans un parc de neuf hectares à Port-Marly dans les Yvelines. Le château fut construit entre 1844 et 1847. Le salon mauresque situé à l’étage est tout à fait impressionnant et est la plus belle pièce du château. Alexandre Dumas se fit également construire une dépendance appelée, Château d’If, qu’il utilisait comme lieu d’écriture. Depuis cette dépendance, on a une très belle vue d’ensemble du Château de Monte Christo. Visiter ce château m’a donné envie de regarder dans l’avion du retour, le film des Trois Mousquetaires D’Artagnan, réalisé par Martin Bourboulon et sorti en Avril 2023. J’ai aussi beaucoup apprécié le film Eiffel (Octobre 2021) du même réalisateur avec également Romain Duris à l’affiche.

estival ’23 (7)

Le retour approche et nous passons une deuxième courte journée dans le centre de Paris. Nous voulions visiter l’Hôtel de la Marine récemment rénové et situé au bord de la place de la Concorde. Le Garde-Meuble de la Couronne royale, qui est une administration royale ancêtre du Mobilier national, était hébergée à l’Hôtel de la Marine jusqu’à la Révolution française. On peut visiter les appartements des Intendants du Garde-Meuble, d’un raffinement très prononcé et qui étaient en quelque sorte un laboratoire de Versailles en matière d’ameublement au cœur du XVIIIe siècle. On peut aussi visiter des salons d’apparat datant du XIXe siècle, parallèles à un grand balcon appelé la loggia donnant une superbe vue sur la place de la Concorde. Après le déjeuner, nous montons jusqu’à la colline du Sacré Cœur à Montmartre. Il y a foule dans le Sacré Cœur et sur les marchés y menant. Des danseurs assurent le spectacle devant les touristes du monde entier. Nous redescendrons ensuite prendre un café à la place des Vosges. A l’image de cette journée à Paris, nos vacances étaient chaque jour bien occupées ce qui me donne l’impression que tout a passé beaucoup trop vite.