gentle monster & artificial vampire

Les deux premières photographies de ce billet sont prises dans le parc central de Nishi-Shinjuku. Les plus attentifs auront remarqué que j’ai déjà pris et montré exactement la même photographie de la ligne de ciel de Nishi-Shinjuku depuis le parc. J’aime m’asseoir à cet endroit du parc sur un des longs bancs de bois posés sur le béton formant des escaliers. C’était un Samedi juste avant le marathon de Tokyo du Dimanche et des préparatifs étaient déjà en cours. Je le mentionnais déjà dans un billet précédent mais je me suis assis à cet endroit pendant environ une heure pour écouter pour la première fois en entier l’album 0 d’Ichiko Aoba. Un pigeon m’a accompagné pendant toute la durée de l’écoute en me regardant par moment l’air de rien. Il était intéressé par le scone anglais que je grignotais en buvant tranquillement mon café trop chaud. Comme on dit en japonais, j’ai une langue de chat (猫舌) et je préfère attendre un peu avant de boire chaud.

La troisième photographie est une affiche publicitaire pour une marque de lunettes design appelée Gentle Monster. Je prends cette photo car ce nom étrange associé à l’actrice Nana Komatsu (小松菜奈) m’intrigue beaucoup. J’ai également eu envie de prendre cette photographie car je voulais mentionner ici le film The Last 10 years (余命10年) du réalisateur Michihito Fujii (藤井道人) dans lequel Nana Komatsu est l’actrice principale. Elle joue le rôle d’une jeune fille de 20 ans, Matsuri Takabayashi, atteinte d’une maladie incurable ne lui laissant que dix années à vivre. Le film est basé sur une histoire vraie. Matsuri accepte son sort non sans difficultés et essaie volontairement de ne pas trop s’accrocher aux personnes qui l’entourent, sauf bien sûr à sa famille dont elle est proche. Sa grande sœur est jouée par la toujours merveilleuse Haru Kuroki (黒木華). Mais la rencontre de Kazuto Manabe, joué par Kentaro Sakaguchi (坂口健太郎), lors d’une réunion d’anciens élèves vient perturber sa vie. Kazuto a des tendances suicidaires et Matsuri, qui va pourtant bientôt mourir, jouera un rôle important pour lui redonner le goût à la vie. Il s’agit d’une histoire d’amour, en grande partie platonique, mais elle m’a beaucoup touché. Je suis sensible à ce genre d’histoire quand elles sont magnifiquement jouées comme c’est le cas ici, avec beaucoup de retenue et de nuances. Il y a bien quelques effets de scénario nous poussant à avoir les larmes aux yeux, mais je ne refuse pas à être entraîné malgré moi par un film vers ce genre de terrains sensibles.

J’aime bien de temps en temps jeter une oreille à la musique de Cö Shu Nie car j’y découvre régulièrement des petites merveilles. Cette fois-ci, cette petite merveille est un nouveau morceau sorti le 13 Mars 2024 intitulé Artificial Vampire. Dès la première écoute, j’ai été attiré par une petite phrase interrogative des paroles nous demandant à répétions « Gokigen ikaga? Chōshi ha dou? » (ご機嫌いかが?調子はどう?) qui est deux façons de demander comment quelqu’un va. Le rythme assez ludique par lequel Miku Nakamura (中村未来) prononce ces paroles me plait tout de suite beaucoup, et la composition musicale aux apparences faussement simples se révèle en fait subtilement variante toute en restant naturellement fluide. Cö Shu Nie nous habitue à une construction atypique de ces morceaux qui se ressent moins directement sur Artificial Vampire, mais n’en reste pas moins présente. Le morceau Burn The Fire est en comparaison beaucoup plus déconstruit et pour l’occasion beaucoup plus agressif dans son approche rock. Ce single est sorti il y a quelques mois, en Novembre 2023. La vidéo est assez étrange avec ses faux masques à oxygène et ses drôles de créatures drapées. Le groupe est enfermé dans des sous-sols sombres mais l’ambiance n’est pourtant pas anxiogène car le son rock qu’il dégage et la voix affirmée de Miku l’emportent sur tout ce qui les entourent. Comme pour Artificial Vampire, la vidéo de Burn The Fire a été réalisée par Kaz Skellington, qui est un rapper et vidéographe basé à Tokyo. Dans les paroles du single Artificial Vampire, Miku nous chante que même si elle nous mord, on ne s’en rendra pas compte (噛みついても気づかないものね), ce que j’imagine être une disposition tout à fait idéale pour un vampire. Ceci me donne une bonne transition avec l’art graphique qui suit.

L’art graphique de Takato Yamamoto (山本タカト) est tout à fait fascinant. J’avais déjà mentionné brièvement dans un billet précédent la découverte de cet artiste illustrateur et j’avais ensuite rapidement commandé son livre d’illustrations intitulé Japonesthéthique, aux Editions Treville, qui est une sorte de rétrospective de son œuvre. Les illustrations y sont magnifiques, souvent tintées d’une pointe d’épouvante. Elles n’en restent pas moins delicates et sensibles. Les personnages sont souvent androgynes et ont le regard distant, difficile à saisir, car ils sont déjà d’un autre monde. On leur devine à la fois une grande sensibilité et une force incontrôlable. On y trouve beaucoup de vampires, de présences fantomatique sorties de légendes et croyances ancestrales, de crânes squelettiques qui ne semblent pourtant pas être effrayants pour les figures humaines qu’ils côtoient. Le style graphique de Takato Yamamoto combine des éléments japonais d’ukyo-e, avec du symbolisme gothique et des influences de l’art européen, en particulier du mouvement Esthétisme européen du 19ème siècle. Son style combinant tous ces éléments prend le nom d’Esthétisme Heisei (Heisei Aestheticism), pour indiquer un mélange d’influence européenne avec une version moderne de l’art traditionnel japonais. Il y a quelque de tout à fait remarquable dans cette approche graphique, une finesse exquise qui nous attire vers ces images alors qu’on ne voudrait pas les voir. Le 23 Février 2024, je suis allé voir la petite exposition intitulée Dreaming Skull de Takato Yamamoto qui se déroulait dans la galerie d’art Span Art à Kyobashi. Cette exposition démarrait ce jour là et s’est terminée le 10 Mars 2024. On pouvait y voir quelques unes de ses œuvres et un coin de la galerie vendait des livres d’illustrations et des cartes postales. Je n’ai pu m’empêcher d’acheter un autre livre, celui intitulé Coffin of a Chimera (キマイラの柩), dans une nouvelle édition à la couverture noire, signée par l’artiste. Le style de cet ouvrage est dans le même esprit tout à fait unique de Japonesthétique, sauf que je le trouve plus viscéral. Les chimères du titre ont des visages humains qui se mélangent à des ossatures distordues. On nous laisse voir les entrailles des chimères, ce qui pourrait nous repousser le regard, mais l’approche esthétisante de Takato Yamamoto rend ses monstres aux formes indéfinies tout à fait séduisantes. L’art de Takato Yamamoto repose sur un équilibre subtil entre beauté esthétique et représentation effrayante qui peut parfois paraître repoussante. Cette dualité est tout à fait fascinante et donne envie d’explorer un peu plus ce monde emprunt de romantisme gothique. Lors de la petite exposition à Kyobashi, je n’étais d’ailleurs pas vraiment surpris d’y voir parmi les visiteurs une proportion féminine importante.

Pour continuer ce billet sur une atmosphère gothique, écoutons maintenant le morceau SACRIFICE d’Atsushi Sakurai (櫻井敦司). Sakurai était le chanteur et parolier du groupe Buck-Tick jusqu’à son dernier souffle le 19 Octobre 2023. Ce titre est extrait de son unique album solo Ai no Wakusei (愛の惑星) sorti en 2004, mais je ne le découvre que maintenant car il n’a été publié sur YouTube avec sa vidéo que récemment, en Décembre 2023, deux mois après sa mort soudaine d’une hémorragie cérébrale. Je n’ai pas encore terminé d’écouter la discographie entière de Buck-Tick mais j’y reviens régulièrement quand l’envie me prend. Ce morceau n’est pas fondamentalement différent de ceux de Buck-Tick car la voix de Sakurai est tellement remarquable qu’on a beaucoup de mal à la dissocier du groupe. Il n’empêche que ce morceau est très bon et aurait très bien pu figurer comme single sur un album de Buck-Tick. Il s’agit en tout cas d’une belle découverte inattendue. L’émission musicale du Dimanche soir KanJam a diffusé il y a plusieurs semaines un épisode consacré exclusivement à Buck-Tick mais les membres restants n’étaient sans grande surprise pas présents. Il en ressortait que le groupe, à travers la voix du guitariste et compositeur Hisashi Imai (今井 寿), n’a pas l’intention d’arrêter ses activités. C’est pour moi une surprise car j’ai un peu de mal à imaginer le groupe sans la figure charismatique d’Atsushi Sakurai. Et pour faire le lien avec le thème qui sert de fils rouge à ce billet, je n’aurais pas beaucoup de difficulté à imaginer Atsushi Sakurai en vampire car il avait la noirceur profonde qui convient à ce genre de personnage.

Et au final, je vous laisse deviner qui est le gentle monster du titre de ce billet. Je pense personnellement au pigeon de la deuxième photo pour la pression psychologique qu’il a exercé sur moi pour que je lui cède quelques miettes de ma pâtisserie anglaise.

AAAMYYY / Option C

Comme c’est le cas pour la grande majorité des concerts auxquels j’ai assisté jusqu’à maintenant, j’avais réservé ma place pour le concert d’AAAMYYY depuis plus de trois mois. Si je ne me trompe pas, elle n’avait pas fait de concert en solo, en Oneman Live comme on dit, depuis celui au Billboard de Yokohama en Juillet 2023. Le concert auquel j’ai assisté prenait le nom Option C et se déroulait dans la salle Spotify O-East à Shibuya le Jeudi 7 Mars 2024 à partir de 19h. Je connaissais cette salle située dans les dédales de Dogenzaka, près du Club Asia, mais je n’y étais jamais entré. Elle a une capacité d’environ 1300 personnes debout et devait être à peu près pleine. Il s’agissait d’une date unique à Shibuya, et pas d’une tournée accompagnant la sortie d’un nouveau disque. Comme AAAMYYY n’a pas sorti de nouvel album ou EP depuis son dernier EP ECHO CHAMBER sorti en 2022, je ne savais pas trop à quoi m’attendre au niveau de la setlist. J’aime particulièrement les jours et les heures qui précèdent un concert, mélangeant une excitation certaine avec une petite pointe d’appréhension. Je ressens toujours le besoin de me préparer en réécoutant les albums et morceaux de l’artiste ou du groupe que je vais voir, histoire de bien s’imprégner de l’atmosphère avant le concert. AAAMYYY a sorti deux albums, son premier album Body sorti en 2019 et le deuxième album Annihilation sorti en 2021, et quatre EPs, Weekend EP sorti en 2017 et Maborosi EP sorti en 2018 (regroupés ensuite sous le nom Maborosi Weekend) puis Etcetra EP en 2018 et ECHO CHAMBER en 2022. J’ai réécouté son dernier EP ECHO CHAMBER et son premier Maborosi Weekend, et quelques morceaux de l’album Annihilation pour me remettre dans le bain. C’était une bonne pioche car elle a interprété sur scène tous les morceaux d’ECHO CHAMBER et quelques morceaux seulement de Maborosi Weekend et Annihilation. J’étais en fait assez loin de me douter que plus de la moitié des morceaux de la setlist du concert n’étaient pas présents sur ses propres albums, mais provenaient d’albums d’autres artistes avec qui elle avait collaboré jusqu’à maintenant. Je savais qu’AAAMYYY avait participé à beaucoup de morceaux d’autres artistes, sans tous les connaître. Un grand nombre de ces artistes étaient invités pour ce concert. AAAMYYY nous révèle pendant le concert que le concept est d’interpréter des morceaux avec plein d’invités. L’affiche nous les annonçait et je connaissais un certain nombre de ces noms d’invités.

Comme d’habitude, j’aime arriver à l’heure exacte d’ouverture, à 18h cette fois-ci. On attend patiemment que son numéro de billet soit appelé pour monter les marches et entrer les uns après les autres dans la salle. Tout est très bien organisé et même millimétré. Après avoir été appelé, je monte les escaliers en file indienne, m’empare d’une bière à l’entrée et me place au sixième rang dans la salle tout en longueur. Je regarde distraitement les personnes autour de moi, pour voir quel est le style général du public d’AAAMYYY. Il est plutôt urbain dans l’ensemble mais assez varié. La moyenne d’âge de l’audience est sans grande surprise inférieure à la mienne, assez équilibrée entre hommes et femmes. Beaucoup de personnes semblent être venues seules et je me rends compte que c’est en fait souvent le cas. Je me sens toujours bien dans l’enceinte d’une salle de concert. Mahl m’envoie un petit message pour me souhaiter un bon concert avant qu’il ne démarre. Je ne peux m’empêcher de laisser également un message à Nicolas, et à informer ma petite sœur qui assiste également assez souvent à des concerts et le partage ses impressions. À chaque concert, je me demande toujours si la bande sonore pour nous faire attendre est sélectionnée par l’artiste ou le groupe. J’y trouve toujours un ou deux morceaux qui attirent mon attention. Cette fois-ci, c’est Boss B*tch de l’américaine Doja Cat. De retour à la maison, je me mettrais d’ailleurs à écouter quelques morceaux de son dernier album Scarlet, notamment l’excellent Agora Hills. Ce morceau de Doja Cat et les quelques autres viennent assez bien accompagnés dans la playlist de mon iPod le dernier single yes, and? d’Ariana Grande qui est tout à fait remarquable. J’ai, tout comme mon fils, un faible pour la musique d’Ariana Grande et ce dernier single aux airs assumés d’hommage au Vogue de Madonna me ramène avec beaucoup de bonheur au tout début des années 90. Mais je m’égare un peu en attendant que le concert ne démarre.

Après une petite séquence vidéo où on la voit se présenter en anglais assise sur un fauteuil vintage, d’une manière très similaire au concert Annihilation Extra au Liquidroom d’Ebisu en Décembre 2021, AAAMYYY apparaît seule sur scène devant un très grand écran montrant des images pleines de formes et de couleurs. Elle est habillée d’une robe rouge au design recherché et porte des hautes bottes blanches pleines de ferrures. Elle fait clairement attention à son style et c’était la raison pour laquelle je me demandais d’abord quel pouvait être le style de l’audience qui vient la voir. Elle interprète d’abord trois morceaux du EP ECHO CHAMBER, That smile (あの笑み), Ikitemiruwa (生きてみるわ) et Ignition. J’espérais discrètement qu’Ano (あの) apparaisse de manière tout à fait inattendue sur scène mais ce n’était pas le cas. Elle n’était de toute façon pas annoncée sur l’affiche et est devenue depuis son single pour l’anime Chainsaw Man une figure très médiatisée. AAAMYYY est seule sur scène et je me rends compte après quelques minutes que ça m’est inhabituel de voir une artiste chantée sur scène sans les musiciens d’un groupe tout autour. Mais AAAMYYY utilise bien l’espace et ce relatif inconfort initial s’oublie assez vite, d’autant plus que les invités vont ensuite débarquer rapidement les uns après les autres. On s’aperçoit après quelques morceaux que le DJ et producteur Wataru MONJOE est là derrière ses platines pour assurer le set musical. Il n’est pas sur scène mais dans un petit espace ouvert placé sur la droite de la salle de concert. Je pensais d’abord qu’il s’agissait d’un espace pour VIP car il contient un large sofa, un autre fauteuil et une table avec des boissons semblant alcoolisées. Les platines se trouvent en fait à cet endroit derrière le sofa. MONJOE est bien là debout derrière les platines à mixer tout en regardant AAAMYYY chanter sur scène. Cette disposition est inhabituelle et très intéressante. Le premier morceau That smile (あの笑み) met d’entrée de jeu dans l’ambiance car il est assez agressif. AAAMYYY couvre à la fois ses propres paroles et celles d’ano, dont le « fuck » qui lui fait faire avec un sourire remarquable un double doigt d’honneur les mains levées dans les airs. Ce qui est intéressant avec AAAMYYY est qu’on la sent complètement à sa place et investie sur scène, mais elle n’est pas non plus un monstre de scène et une certaine fragilité se ressent. Je ressens en fait également ce genre de dualité dans sa musique. Elle enchaîne ensuite avec Ikitemiruwa (生きてみるわ) et Ignition qui est un des morceaux que je préfère sur ECHO CHAMBER, avec Hail (雨) qui suit juste après. Pour Hail, l’écran géant derrière elle montre des images de forêt extraites de la vidéo tournée à Hinode, dans la banlieue Ouest de Tokyo près de la ville d’Ōme. Le rappeur (sic)boy arrive sur scène en cours de morceau pour sa partie rappée. Hail est un des morceaux d’AAAMYYY que je préfère, tous albums et EPs confondus, et cette interprétation sur scène est très réussie, très fidèle à la version de l’album. J’avoue que j’avais une petite appréhension quant au rendu live du chant d’AAAMYYY mais ses interprétations étaient en tous points parfaites (presqu’un peu trop d’ailleurs). (sic)boy et AAAMYYY interprètent ensuite un duo un morceau intitulé Mizu Fūsen (水風船) qui est en fait inclus sur l’album Vanitas de (sic)boy. Comme je ne le connaissais pas, j’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un nouveau morceau mais il date en fait de 2021. Il s’agit du premier morceau d’une série de collaborations qui nous amènera jusqu’à la fin du concert. Comme je le mentionnais un peu plus haut, elle nous indique au milieu du concert que le concept est d’être basé sur de nombreuses collaborations sur scène, ce qu’on avait assez vite deviné. Juste après (sic)boy, le rappeur KEIJU entre sur scène pour un excellent morceau intitulé run away, présent sur son EP heartbreak, sur lequel chante bien sûr AAAMYYY. Je ne connaissais pas très bien KEIJU à part pour son intervention sur le morceau Link Up sur l’album Queendom de la rappeuse originaire d’Okinawa Awich. Il a l’air d’ailleurs assez proche d’Awich car ils ont participé ensemble à une interprétation du morceau Remember sur la chaîne YouTube The First Take. J’aime beaucoup le morceau run away dès cette première écoute lors du concert. La chant immédiatement reconnaissable d’AAAMYYY nous donne à chaque fois l’impression qu’il s’agit d’un de ses propres morceaux, plutôt que celui de l’invité. On revient ensuite sur un de ses morceaux avec Tengu (天狗), le seul de l’album Annihilation interprété pendant ce concert. Le rappeur Zo Zhit (荘子it), du groupe Dos Monos, déboule comme une bombe sur scène en court de morceau. Son rap est très puissant et il est très mobile sur scène. Son omniprésence sur scène est d’autant plus remarquable qu’il a une bonne carrure et une longue chevelure blonde bougeant allègrement avec ses mouvements brusques et ses va-et-vient sur scène. Zo Zhit n’interprète que ce morceau avec AAAMYYY mais on retient son passage.

Sans vraiment de temps morts, le rappeur Ryohu entre sur scène pour un morceau intitulé The Moment sur son premier album Debut sorti en 2021. Je connais d’abord Ryohu pour son duo remarquable sur le morceau BLUEV du EP Maborosi Weekend d’AAAMYYY, mais j’aime aussi beaucoup son duo avec YONCE de Suchmos sur le single One Way dont j’avais déjà parlé sur ce blog. Ryohu a une vois très particulière et marquée, qui s’accorde bien avec celle d’AAAMYYY car elles sont très différentes et en quelque sorte complémentaires. Le morceau qui suit s’intitule Magic Miror sur l’album Circus (2022) de Ryohu. Ce morceau est également un des très beaux moments du concert car TENDRE se joint au groupe pour les chœurs. Ryohu, AAAMYYY et TENDRE se partagent à trois l’espace de la scène pour un climax qui aurait pu conclure la première partie du concert. Mais un duo avec TENDRE suit ensuite pour le morceau OXY de son album PRISMATICS (2022). On sent à chaque fois une grande proximité entre AAAMYYY et ses invités, mais c’est d’autant plus notable avec TENDRE. Il faut dire qu’il joue souvent dans son groupe et AAAMYYY participe également régulièrement aux concerts de TENDRE. On a l’impression de voir sur scène les membres d’une grande famille de musiciens, et elle transmet assez clairement ce sentiment au public. Je pense que ça tient du fait qu’elle est très naturelle. Elle est également tout à fait imprévisible, aux dires de TENDRE et ça ne m’étonne pas beaucoup.

Après le morceau OXY, AAAMYYY nous indique qu’elle va partir se changer pendant quelques minutes et qu’elle nous laisse donc seuls avec TENDRE. Il se déplace vers la petite zone VIP avec sofa ouverte sur la salle, en nous disant qu’AAAMYYY lui a demandé au dernier moment de faire le MC pendant qu’elle se change, ne lui laissant donc que très peu de temps pour se préparer. Mais TENDRE ne se démonte pas et assure la discussion avec Wataru MONJOE qui se trouvait déjà dans cette petite salle, puis avec Zo Zhit et le chanteur Sho Okamoto (オカモトショウ) du groupe OKAMOTO’S qui chantera plus tard pendant le set. Une des premières réactions de TENDRE au public est de nous demander si on est surpris qu’il n’y ait pas de groupe sur scène. Cette question m’amuse car c’était également ma première réaction. TENDRE est aussi sympathique qu’il a une belle voix en chantant, et je dirais même que ça se lit sur son visage. Le public s’amuse quand il nous dit que c’est très difficile de prévoir ce qui se passe dans le cerveau d’AAAMYYY, notamment ce côté imprévisible et en dehors des sentiers battus. La discussion tourne autour de la première fois où chaque invité a rencontré et joué avec AAAMYYY. Au cours de la discussion, Zo Zhit nous fait part du fait que sa petite fille est née récemment et fait même dire au public qu’elle est mignonne pour faire plaisir à sa mère qui est quelque part dans la salle. Il y a une ambiance bon-enfant qui règne et les invités assis sur le sofa se demandent même s’ils peuvent prendre un verre de whisky sur la table alors que le concert n’est pas encore terminé. Sho Okamoto s’abstient car il n’a pas encore chanté. Cette salle VIP prendra une certaine importance pendant la suite du concert, car certains des invités vont y rester assis pour suivre comme le reste du public la suite du concert.

Vêtue d’une robe blanche volumineuse par endroits, AAAMYYY vient rejoindre le petit groupe dans la salle VIP pour sonner la fin de la récréation. Elle interprète ensuite deux morceaux avec Sho Okamoto, LOOP et GLASS, présents sur l’album CULTICA (2020) de ce dernier. Sho Okamoto joue de la guitare acoustique sur scène et l’ambiance est très différente du début du concert. D’une atmosphère hip-hop au début, on passe sur la quasi totalité de la deuxième partie à une ambiance beaucoup plus rock. Je découvre ces deux morceaux de Sho Okamoto avec AAAMYYY, et j’aime particulièrement celui intitulé LOOP. Je ne le fais pas systématiquement après chaque concert, mais j’ai senti le besoin de créer cette fois-ci une playlist de tous les morceaux de la setlist du concert pour découvrir un peu plus tous les morceaux que je ne connaissais pas. Je connaissais par contre bien les deux morceaux qu’AAAMYYY chante ensuite avec Shin Sakiura (シン サキウラ) à savoir Kono mama Yume de (このまま夢で) de son album Note et le single NIGHT RUNNING. Ce sont deux excellents morceaux de Shin Sakiura qui semblent avoir été complètement conçus pour AAAMYYY, ce qui n’est pas étonnant car elle est la seule à chanter. Shin Sakiura joue de la guitare électrique sur scène, et le solo sur NIGHT RUNNING, qui n’existe pas sur la version studio, est tout à remarquable. Shin Sakiura est pour moi une de ces figures notables de la scène musicale japonaise car il compose beaucoup pour les autres, notamment pour AiNA The End et Miyuna. J’en avais déjà parlé dans un billet précédent. Le morceau qui suit, DAYZ est une collaboration avec Wataru MONJOE qui chante en plus de composer et jouer le morceau. J’adore la manière de chanter légèrement hors-ton d’AAAMYYY sur ce morceau en particulier. Cette interprétation est très chouette car elle interagit beaucoup avec MONJOE situé dans la salle VIP, toujours accompagné sur le sofa devant lui de TENDRE, Zo Zhit, Sho Okamoto et de Shin Sakiura qui vient juste de les rejoindre. Cela donne une ambiance très détendue et proche du public. C’est la première fois que j’assiste à un concert qui ressemble en à une réunion d’amis musiciens, tout en restant tout à fait professionnel sur scène. Enfin, sur DAYZ, l’alcool fait apparemment faire à MONJOE des loops supplémentaires de sampling qui n’étaient à priori par prévues et qui font réagir le public. Toujours composé par MONJOE, elle chante ensuite son dernier single Savior (救世主) dont j’ai parlé très récemment. J’aime beaucoup la dynamique de ce morceau. Je m’attendais à ce que MONJOE fasse également des loops et de décrochages sur Savior pour gentiment décontenancer AAAMYYY dans une forme d’itazura, mais il reste sage.

A ce moment du concert, la fin approche et AAAMYYY présente les deux groupes créatifs Classic 6 et Santa Naruse qui assurent les installations vidéos accompagnant le concert. Elles sont très belles, en général assez graphiques et abstraites mais quelques fois assez étranges. Une partie des vidéos montrent notamment un sofa avec un écran vidéo placé en son centre. On se demande la signification de ce sofa omniprésent, mais peut-être s’agit il seulement d’une invitation à prendre son temps pour apprécier la musique qu’on écoute. AAAMYYY fait ensuite une transition avec le morceau suivant BLUEV qu’elle annonce en Blue Valentine, avec Ryohu de retour sur scène. Elle indique qu’une des personnes d’un des deux groupes créatifs a participé à la vidéo de BLUEV, et c’est la raison pour laquelle ce morceau de son premier EP Maborosi Weekend est interprété ce soir. Je n’ai par contre pas bien compris de qui il s’agissait car le réalisateur de la vidéo, Sōchi Nakamura (中村壮志), n’est à priori pas membre d’un des deux groupes. Le groupe Zatta composé de deux musiciens (Keach Arimoto et Taishi Sato) ayant déjà accompagnés AAAMYYY lors de concerts entrent sur scène avec leurs guitares pour un morceau inédit dont on ne connaît pas le titre. Le morceau Come and Go de ECHO CHAMBER conclut finalement le set. AAAMYYY nous annonce qu’il n’y aura pas possibilité d’avoir des rappels car le management de la salle lui a indiqué que le temps imparti a déjà été utilisé pour la longue séquence pendant laquelle elle se changeait et on écoutait TENDRE et ses compères discuter. Tous les invités, et il sont nombreux, montent sur scène pour l’accompagner sur ce morceau Come and Go. Ryohu est accompagné par sa fille, qui était déjà sur scène avec lui sur BLUEV. Je n’ai pas pris de photos pendant le concert, et bien heureusement ça reste la norme au Japon bien que ça ne soit pas interdit, sauf pour cette partie finale où tous les invités étaient présents sur scène. Sur la dernière photo du billet, on peut voir de gauche à droite: KEIJU, (sic)boy, Ryohu et sa fille, un des deux musiciens de Zatta, Zo Zhit (荘子it), AAAMYYY, TENDRE, Sho Okamoto (オカモトショウ), l’autre musicien de Zatta, Shin Sakiura (シン サキウラ) et MONJOE. Les invités ont l’air d’être également assez proches entre eux et on note des collaborations comme celle de Ryohu avec Sho Okamoto sur un morceau intitulé Hanabi sur son album Circus. Après cette réunion finale qui a pris son temps, notamment pour faire une photographie d’ensemble avec toute la salle en arrière plan, il n’y avait en effet pas de rappels. Le total de 19 morceaux interprétés nous a amené à environ deux heures de concert. Ces deux heures ont passé bien vite et on peine à sortir de la salle car les images et les sons nous restent en tête. Le moment où on sort de la salle pour rejoindre la rue est toujours particulier, car on se dit que toute la foule anonyme marchant dans la rue a manqué quelque chose. Mais ce sentiment disparaît très vite lors qu’on revient à la réalité. On prend une petite photo de l’affiche du concert à l’entrée de la salle et on repart comme si de rien n’était dans les rues à la fois sombres et lumineuses de Shibuya, jusqu’au prochain concert. Ce prochain concert sera normalement Right Brain Left Brain (右脳左脳) de Tricot (pour la troisième fois) au mois de Mai. Le groupe sera accompagné de PEDRO en première partie (le groupe d’Ayuni D et d’Hisako Tabuchi). On y réfléchissant, je me dis qu’Ikkyu Nakajima de Tricot devrait bien s’entendre avec AAAMYYY. Elles se suivent au moins mutuellement sur Instagram. On rêverait à une collaboration, mais j’ai tout de même un peu de mal à imaginer ce que ça pourrait donner.

Je note ci-dessous pour référence ultérieure la setlist du concert Option C de AAAMYYY au Spotify O-East de Shibuya le 7 Mars 2024:

1. That smile feat. ano (あの笑み feat. あの), du EP ECHO CHAMBER
2. Ikitemiruwa (生きてみるわ), du EP ECHO CHAMBER
3. Ignition, du EP ECHO CHAMBER
4. Hail feat. (sic)boy (雨 feat. (sic)boy), du EP ECHO CHAMBER
5. Mizu Fūsen feat. AAAMYYY&KM (水風船 feat. AAAMYYY&KM), de l’album Vanitas de (sic)boy
6. run away, de KEIJU en duo avec AAAMYYY sur son EP Heartbreak
7. Tengu feat. Zo Zhit (天狗 feat. 荘子it), de l’album Annihilation
8. The Moment, de Ryohu en duo avec AAAMYYY sur son album Debut
9. Magic Mirror feat. AAAMYYY TENDRE, de l’album Circus de Ryohu
10. OXY feat. AAAMYYY, de l’album PRISMATICS de TENDRE
Passage MC MONJOE BAR 🎤
11. LOOP feat. AAAMYYY, de l’album CULTICA de Sho Okamoto (オカモトショウ)
12. GLASS feat. AAAMYYY, de l’album CULTICA de Sho Okamoto (オカモトショウ)
13. Kono mama Yume de feat. AAAMYYY (このまま夢で feat. AAAMYYY), de l’album Note de Shin Sakiura (シン サキウラ)
14. NIGHT RUNNING feat. AAAMYYY, single de Shin Sakiura (シン サキウラ)
15. DAYZ AAAMYYYxMONJOE, single de MONJOE et AAAMYYY
16. Savior (救世主), single le plus récent
17. BLUEV feat. Ryohu, sur le EP MABOROSI WEEKEND
18. Morceau inédit avec Zatta
19. Come and Go feat. Gliiico, du EP ECHO CHAMBER

Les photographies de ce billet proviennent du compte Instagram d’AAAMYYY et ont été prises par le photographe Takao Iwasawa (岩澤高雄), à part la première et les deux dernières photographies prises par moi-même.

光が墜ちるところへ

Quelques photographies récentes prises à Toranomon, Nishi-Azabu et Akasaka. Ce sont des endroits que j’ai déjà pris en photo et certainement déjà montré sur ce blog, donc je me permets de les altérer légèrement. Je suis retourné vers la nouvelle Toranomon Station Tower de OMA, qui n’est pas encore complètement ouverte, pour revoir son rocher de verre et la manière dont la lumière vient s’y échoir (光が墜ちるところへ). La dernière photographie montre l’arrière de l’ancienne salle de concert Akasaka Blitz (赤坂BLITZ) accolée aux studios de télévision TBS. Elle n’est plus en activité en tant que Live House depuis Septembre 2020, mais je ne suis pas certain de son utilisation actuelle. Je pense y avoir vu deux concerts il y a de nombreuses années, Sonic Youth (ce qui devait être le 20 Février 2001) et Queens of the Stone Age (qui devait être la 14 Janvier 2003). Mais la musique que j’écoute ces derniers jours est bien loin de toutes ces turbulences électriques.

En écoutant l’album 0 d’Ichiko Aoba (青葉市子), j’ai tout de suite perçu qu’il serait difficile d’en parler. C’est un objet musical tellement sensible et délicat que j’ai l’impression que mes mots maladroits viendraient l’affecter. L’approche de cet album sorti il y a déjà plus de dix ans, en 2013, est assez différente du seul album que je connaissais d’elle jusqu’à maintenant, à savoir Windswept Adan (アダンの風) sorti en 2020. Depuis mon billet récent consacré à l’exposition sur les films de Shunji Iwai (岩井俊二), j’ai réécouté plusieurs fois Windswept Adan car j’avais un peu oublié sa beauté imprégnante. Je ne l’avais en fait pas oublié mais son atmosphère s’était un peu atténuée dans ma mémoire. Le réécouter m’a fait réaliser comme une évidence qu’il fallait absolument que j’explore la discographie d’Ichiko Aoba. Tandis que l’orchestration atmosphérique est très présente sur Windswept Adan, l’album 0 a en comparaison une approche beaucoup plus minimaliste basée sur l’unique guitare folk et le chant d’Ichiko Aoba, accompagnés parfois par des bruits tout autour sur certains morceaux. Windswept Adan nous amène vers des espaces mystiques plus vastes que sa musique tandis que l’album 0 est beaucoup plus intime et proche de la vie simple du quotidien. C’est une direction très différente, mais en écoutant les huit morceaux de l’album 0, on se dit qu’il n’en faut pas forcément plus en orchestration. Les moments où la voix et le son de la guitare acoustique disparaissent pour laisser place à un silence passager sont très subtils. Il est difficile de démarquer les morceaux les uns des autres car certains sont très longs et semblent se chevaucher, et l’ensemble est musicalement très consistant. Le single Ikinokori ● Bokura (いきのこり●ぼくら) est remarquable mais j’ai une petite préférence pour le deuxième morceau i am POD (0%) qui est magnifique de délicatesse. Les longs morceaux Iriguchi Deguchi (いりぐちでぐち) et Kikai shikake Osamu uchū (機械仕掛乃宇宙) font plus de 10 minutes et sont polymorphes, et même conceptuels. J’aime beaucoup quand Ichiko Aoba devient plus agressive sur les cordes car ça me donne le sentiment d’entendre un orage et des bourrasques qui approchent. Il y a un sentiment de rapprochement naturel très fort dans ses morceaux. On peut avoir l’impression d’être assis à quelques mètres d’elle dans un parc, pour l’écouter chanter sans qu’elle ne s’en rende compte. Quand j’aurais découvert un peu plus de sa discographie, j’aimerais vraiment la voir jouer en concert. L’album 0 que j’ai acheté sur iTunes a une couleur unie rose. L’autre album que j’écoute ces derniers jours s’intitule Origami (檻髪) et a une couleur jaune pâle. Il est sorti en 2011. Je l’ai trouvé au Disk Union de Shinjuku. Il est beaucoup plus court que 0, ne faisant que 22 minutes. Le style et l’ambiance sont tout à fait similaires mais je dirais qu’il est moins abouti et plus inégal. Haiiro no hi (灰色の日) est un des beaux morceaux de l’album. On trouve sur cet album une mélancolie certaine, que certains reconnaîtront comme automnale, mais que je trouve en même temps que cette mélancolie est lumineuse. Le troisième morceau Patchwork (パッチワーク), en particulier, me donne cette impression. Le septième morceau Hidokei (日時計) compte parmi mes préférés de cet album, car elle y chante comme le vent qui fait tourner les choses (まわるまわる日時計のかげ), qui s’apaise parfois et se met ensuite à gronder. Beaucoup de sentiments nous traversent quand on écoute sa musique et il faut se garder quelques moments privilégiés pour l’écouter en toute sérénité. J’ai volontairement écouté pour la première fois l’album 0 dans le parc central de Nishi-Shinjuku, assis sur un banc pendant environ une heure.

rouge comme le feu

Je mentirais si je disais que je n’avais pas fait le déplacement exprès pour aller voir ses affiches géantes de la compositrice et interprète a子 dans centre de Shibuya. On pouvait voir ces grandes affiches à plusieurs endroits à Center-Gai et près du parc Miyashita. Ce mode d’affichage n’est pas rare à Shibuya et je me souviens d’une campagne d’affichage pour l’agence Wack, mais qui allait cependant plus loin dans le mode guérilla. J’aime en tout cas le côté ludique d’essayer de découvrir toutes les affiches et de les prendre en photo dans leur environnement urbain. Cet affichage correspond à la sortie de son premier single intitulé Planet (惑星) sur un label majeur, IRORI Records sur Pony Canyon. J’avais déjà parlé de ce single dans un précédent billet et je pense d’ailleurs avoir évoqué sur ce blog tous ses nouveaux singles et EPs depuis ses débuts au fur et à mesure de leurs sorties. Ça fait en tout cas plaisir de la voir grimper les échelons. Des affiches sont également placées au niveau de l’ancien cinéma Rise, actuellement salle de concert WWW et WWW X où j’avais été la voir avec son groupe pour son premier Oneman Live. Cette photographie prise par la photographe YONNLIN est très réussie car elle donne une impression nuancée du visage de a子 entre apaisement et feu intérieur comme le rouge extravagant de sa chevelure.

Si je ne me trompe pas, AAAMYYY n’avait pas sorti de nouvelle musique en solo depuis le EP Echo Chamber sorti en Juillet 2022. Ça fait beaucoup de bien d’entendre à nouveau la voix légèrement voilée immédiatement reconnaissable d’AAAMYYY sur un nouveau single. Ce single s’intitule Savior. Il est sorti le 10 Février 2023 et est co-produit par Wataru Sugimoto (杉本亘) aka MONJOE. L’esprit du morceau est assez fidèle à ses précédents morceaux. Il est extrêmement bien produit ce qui donne une grande fluidité à son chant même si elle alterne constamment entre le japonais et l’anglais. Cette fluidité et la dynamique du flot parfaitement millimétré me plait vraiment beaucoup, d’autant plus que la voix d’AAAMYY qu’on a tendance à imaginer comme un peu nonchalante s’y accorde parfaitement. D’après l’affiche du concert Option C du 7 Mars 2024, on retrouvera MONJOE comme DJ/MP (MP pour Music Producer, j’imagine). Les invités confirmés seront assez nombreux. Je ne suis pas surpris de voir TENDRE sur l’affiche car il participe souvent aux morceaux d’AAAMYYY. Parmi les noms mentionnés, on trouve Shin Sakiura qui a arrangé plusieurs de ses morceaux, les rappeurs Ryohu et (sic)boy qui ont chantés en duo sur certains de ses morceaux, notamment le superbe Hail pour (sic)boy, KEIJU qui est également rappeur mais je ne connais pas de morceaux sur lequel il était en duo avec AAAMYYY. Je lui connais seulement une participation au morceau Link Up de Awich. Je lis sur l’affiche d’autres noms comme Shō Okamoto (オカモトショウ) du groupe OKAMOTO’S, Zata, entre autres. Je suis assez curieux et impatient d’entendre ce que ça va donner. Le morceau intitulé Fukashi Tentai (不可視天体) a été composé par DAOKO en utilisant le synthétiseur VOCALOID V AI Juon Teto (重音テト). Elle a en fait soumis ce morceau de manière anonyme et en tant que rookie sur la chaîne Nico Nico Dōga (ニコニコ動画) à l’occasion d’un événement Vocaloid appelé The VOCALOID Collection ~2024 Winter~. Le nom qu’elle a utilisé pour son compte est ▷△○◁○ et on peut assez facilement noter la correspondance avec son nom d’artiste. Elle a de toute façon vendu assez rapidement la mèche sur Twitter, ce qui a suscité un heureux étonnement de la communauté VOCALOID sur Nico Nico Dōga. Dans son message Twitter, elle précise qu’il s’agit de la première œuvre musicale qu’elle réalise entièrement par elle-même. Et ce morceau Vocaloid, qui a été également publié sur YouTube quelques jours plus tard, est une belle réussite. J’adore la trame électronique d’apparence irrégulière et la voix rappée de Daoko un peu différente que d’habitude, un peu plus masculine dirais-je. Elle pourrait très clairement réaliser un album entier dans cet esprit. Le groupe SUSU (好芻) est un des projets parallèles d’Ikkyu Nakajima (中島イッキュウ) avec Kanji Yamamoto (山本幹宗). J’avais déjà parlé du mini-album intitulé Gakkari sorti en Septembre 2022, et le duo a sorti quelques nouveaux morceaux dont le single Cacao (カカオ) que j’aime beaucoup. L’ambiance générale assez cool et rêveuse de ce nouveau single reste fidèle aux morceaux que l’on connaît du mini-album, mais assez éloigné des rythmes souvent endiablés de Tricot. La musique de Tricot me manque d’ailleurs un peu car elles n’ont pas sorti de nouveau morceau ou album depuis un bon petit moment. J’essaie en tout cas d’aller les voir une nouvelle fois en concert au mois de Mai, mais les places sont soumises à une loterie donc c’est pas gagné et ma première tentative a échoué. Le fait que la première partie soit le groupe PEDRO, dont je parle de temps en temps sur ces pages, doit rendre l’obtention des places plus compliqué. Pour terminer cette petite sélection, je reviens encore une fois vers le rock du groupe Haze mené par Katy Kashii (香椎かてぃ) avec le mini-album intitulé Noize sorti le 31 Octobre 2022. Deux morceaux y sont particulièrement accrocheurs: Hikikomori Rock (引きこもりロック) et Gyalgal (ギャルガル). Sur le Hikikomori Rock, Katy démarre par une invective Boku no Hikikomori ga Rock ni Naru (僕の引きこもりがロックになる), qui interpelle. J’aime beaucoup l’agressivité accompagnée par les guitares qui rythment le morceau, avec toujours la voix de Katy à la limite du brut et roulant par moments les « r ». Le Hikikomori du titre et des paroles démarrant le morceau, fait référence au syndrome extrême d’isolement de toutes relations sociales qui touche certains adolescents. Dans ce morceau, Katy semble signifier que le Hikikomori s’est transformé pour elle en énergie rock. Ce single a pour sûr beaucoup d’énergie à revendre. Le morceau Gyalgal (ギャルガル) fait participer tous les membres du groupe au chant. On ne peut pas dire qu’elles chantent toutes très bien, mais ça contribue à cet esprit rock qui se base plus sur l’énergie que sur la justesse du chant. Et encore une fois, cette énergie est particulièrement présente, notamment au moment du refrain qu’on attend avec une certaine impatience à chaque écoute.

just fly so far away to another place

Nous ne sommes pas sorti de Tokyo depuis plus d’un mois. Malgré les apparences, nous sommes toujours à Tokyo sur ces photographies, mais dans la partie Ouest au delà d’Hachiōji. Nous allons régulièrement dans cette région de Tokyo pour une raison familiale, et nous en profitons pour parcourir un peu les environs lorsqu’on le peut. En direction du village de Hinohara, nous nous arrêtons à Tokura situé à Akiruno. Un petit restaurant de soba avait attiré notre attention lors de recherches sur Internet et nous le trouvons sans trop de difficulté sur une petite route qui bifurque de la voie principale. Ce restaurant s’appelle Koharu Biyori (小春日和). Il doit avoir une bonne réputation car nous ne sommes pas les seuls à venir y manger. L’ambiance y est paisible et il faut prendre son temps car il y a seulement deux personnes tenant le restaurant, à la cuisine et au service. Je profite du temps d’attente un peu long pour faire un tour rapide des environs. Il n’y a personne en vue, même pas un chat. Seules quelques voitures passent de temps en temps mais le trafic est relativement limité. Le temps semble s’être arrêté ici. On se demande si la station service fonctionne toujours. De l’autre côté de la route, une grande distillerie de sake à ses portes fermées. Elle semble cependant encore active mais probablement fermée en cette journée de dimanche. Je ne suis pas un fanatique du calme absolu, mais sortir du centre de Tokyo pour être confronté au silence fait beaucoup de bien.

Mais revenons tout de même beaucoup plus près du centre ville, pendant une autre journée cette fois-ci pluvieuse. A Ikejiri dans l’arrondissement de Setagaya, se déroule actuellement une exposition que je ne voulais pas manquer sur le monde cinématographique du réalisateur Shunji Iwai (岩井俊二) dans la petite galerie nommée OFS Gallery. Cette exposition s’appelle Yentown Market (円都市場) et propose également un espace de vente avec quelques articles liés aux films de Shunji Iwai, comme des CDs, livres, t-shirts, posters. L’exposition et les objets de la boutique se concentraient principalement sur quelques films, à savoir Kyrie no Uta (キリエのうた), All about Lily Chou-Chou (リリイ シュシュのすべて), Love Letter (ラヴレター ) ou encore A Bride for Rip Van Winkle (リップヴァンウィンクルの花嫁). Le nom de cette exposition, Yentown Market, reprend en fait le nom du groupe Yentown Band créé par Takeshi Kobayashi (小林武史) et Shunji Iwai à l’occasion du film Swallowtail Butterfly (スワロウテイル) avec Chara au chant. Devant une série de posters grand format, on pouvait voir des tenues et accessoires utilisés dans le film Kyrie no Uta par Kyrie, jouée par AiNA The End (アイナ・ジ・エンド), et par Ikko, jouée par Suzu Hirose (広瀬すず). L’exposition montre également différents objets utilisés pour le film All about Lily Chou-Chou sorti en salles en 2001, dont le CD de l’album Erotic (エロティック) de la chanteuse Lily Chou-chou, sorti après un premier EP intitulé Jewel (ジュエル). Le CD de l’album Erotic, exposé à côté d’un CD Walkman Sony jaune, apparaît dans le film mais il est en fait fictionnel tout comme sa chanteuse. Il faut savoir que Shunji Iwai a développé tout un monde fictif autour de son film, et ce même avant la sortie du film. Une grande partie du film est ponctué par des messages tirés d’un forum internet de type BBS appelé Lilyholic consacré à la chanteuse Lily Chou-Chou. Ce forum administré dans le film par Yūichi Hasumi, interprété par Hayato Ichihara (市原隼人) existait en fait avant le film. Il a été créé par Shunji Iwai et continue même à exister maintenant, car des visiteurs continuent à y poster des messages. Ce forum brouille les pistes entre la fiction et le réel et il en est de même pour la musique. Dans le film, le second album de Lily Chou-Chou s’intitule Kokyū (呼吸). Cet album est bien sorti dans la réalité à la suite du film avec ce même titre mais les titres sont pour certains différents. Il y a donc deux albums intitulés Kokyū, un fictif sorti dans le film par la chanteuse Lily Chou-Chou et un autre bien réel sorti par le groupe Lily Chou-Chou. La musique de ce groupe qu’on peut écouter en partie dans le film est composée par Takeshi Kobayashi avec certains textes de Shunji Iwai. Salyu, de son vrai nom Ayako Mori (森綾子), qui n’avait pas encore fait ses débuts à la sortie du film, est la chanteuse du groupe. Outre l’album Kokyū, le groupe a sorti les singles Glide (グライド) et Kyōmei (Kūkyo na Ishi) (共鳴(空虚な石)) qu’on retrouve dans l’album, puis, presque dix années plus tard, en 2010, un nouveau single intitulé Ether (エーテル). A cette époque là, le guitariste Yukio Nagoshi a rejoint le groupe Lily Chou-Chou pour accompagner Takeshi Kobayashi et Salyu. Un concert a même lieu au Nakano Sun Plaza le 15 Décembre 2010. On peut voir ce concert en intégralité sur YouTube, mais sur une page non-officielle (je me demande s’il est sorti en DVD). Dans l’exposition, on peut voir des billets de concert, mais il ne s’agit pas du concert réel à Nakano Sun Plaza, mais celui fictif dans le film au Gymnase Olympique de Yoyogi. Sur une étagère de l’exposition, derrière le téléphone portable de type garakei de la collégienne Shiori Tsuda jouée par Yū Aoi (蒼井優) dont c’est le premier rôle, on peut voir par contre la couverture du single réel Kyōmei (Kūkyo na Ishi) du groupe.

La construction du nom de scène Lily Chou-Chou est très intéressante. Son véritable nom dans le film est Keiko Suzuki (鈴木圭子) et elle est née le 8 Décembre 1980, qui se trouve être le jour de l’assassinat de John Lennon. Cette information sur sa date de naissance est mentionné dans le film sur le forum BBS, mais je ne suis pas sûr que son véritable nom soit donné. Le 8 Décembre est également la date du concert anniversaire à Yoyogi que je mentionnais ci-dessus. On dit que les parents de Keiko Suzuki étaient amateurs de Claude Debussy et que c’est également son cas. Elle estime qu’il était la première personne à transformer l’Ether en musique (エーテルをはじめて音楽にした人). Ce concept d’Ether qui intervient beaucoup dans le film est assez mystique. Il représente une force musicale intrinsèque, invisible et omniprésente, qui relie ceux qui la saisissent. J’arrive à comprendre cette force inexplicable que la musique peut provoquer parfois en nous au point d’accaparer tous nos sens. Le nom Lily Chou-Chou est tiré de deux surnoms liés à Claude Debussy. Sa première épouse s’appelait Marie-Rosalie Texier et était surnommée Lilly. La fille de Debussy avec sa deuxième femme, Emma Bardac, s’appelait Claude-Emma Debussy, et était surnommée Chouchou. Debussy est d’ailleurs omniprésent dans le film à travers sa première Arabesque, composée en 1890, souvent jouée au piano par la collégienne Yōko Kuno interprétée par Ayumi Ito (伊藤歩). All about Lily Chou-Chou est un de ses films possédant leur propre monde qu’il est passionnant de découvrir, mais c’est surtout un film de sensations. Le morceau Arabesque (アラベスク) joué dès les premières images du film dans un champs d’herbes hautes dans la campagne d’Ashikaga est riche en émotions, nous ramenant à des moments passés de notre propre adolescence, ceux remplis de doutes et parfois de malaises. Ce morceau dont le titre seulement est inspiré par Debussy me bouleverse à chaque écoute mais je n’ai de cesse d’y revenir, comme s’il me permettait d’explorer une partie enfouie de moi-même. Cette musique mélancolique magnifiquement interprétée par Salyu dans un dialecte d’Okinawa pousse clairement à une forme d’introspection, comme peuvent l’être d’ailleurs certains morceaux d’Ichiko Aoba (青葉市子). Je pense en particulier à des morceaux comme Porcelain et Dawn in the Adan sur son album Adan no Kaze (アダンの風). Est ce qu’Ichiko Aoba possède l’Ether? Oui, sans aucun doute, même si cette question n’a peut-être pas beaucoup de sens. Shunji Iwai l’aura très certainement reconnu comme telle car ils se sont produits ensemble sur la scène de la salle de concert WWW à Shibuya pour les besoins d’une émission télévisée sur la chaîne musicale câblée Space Shower TV. Cette émission proposait un dialogue entre mémoire et création entre Ichiko Aoba et Shunji Iwai (青葉市子と岩井俊二、記憶と創作のダイアローグ). Shunji Iwai jouait du piano et Ichiko Aoba chantait et jouait de la guitare sur trois morceaux: Uwoaini (ウヲアイニ) composé par Shunji Iwai pour son film Hana and Alice (花とアリス), Adan no Shima no Tanjō-sai (アダンの島の誕生祭) composé par Ichiko Aoba sur son septième album Adan no Kaze (アダンの風) et Arabesque (アラベスク) écrit par Shunji Iwai et composé par Takeshi Kobayashi pour All about Lily Chou-chou. L’interprétation d’Arabesque est vraiment très belle, pas aussi prenante que la version originale chantée par Salyu, mais on en est tout proche. La sensibilité que dégage Ichiko Aoba dans son chant est tout à fait remarquable. L’émission comprend également une longue interview dans lequel Ichiko Aoba évoque sa découverte du film All about Lily Chou-chou à l’âge de 14 ans et l’influence qu’il a eu sur elle. L’album Adan no Kaze est également longuement évoqué, notamment l’influence des îles d’Okinawa. S’il devait y avoir un film intitulé Adan no Kaze, il aurait certainement été réalisé par Shunji Iwai. Pour revenir au concept de l’Ether, le film restait assez flou sur le cas de Sheena Ringo comme je le montrais sur des captures d’écran dans un billet évoquant le film. La question a été éludée récemment par un tweet de Shunji Iwai confirmant en anglais que « Ringo has the beautiful ether! » alors qu’on l’avait interpellé sur le sujet. Je me suis alors demandé quel album ou quel titre pouvait le mieux correspondre à ce concept d’Ether. J’ai d’abord pensé à des morceaux de l’album KSK, mais la réponse se trouve plutôt sur l’album précédent Shōso Strip (勝訴ストリップ) car on y trouve le morceau Benkai Debussy (弁解ドビュッシー, Excuse Debussy). Elle raconte dans le numéro 14 de son magazine RAT que ce titre lui est venu sur un coup de tête, alors qu’on lui demandait quel était son artiste préféré. Le fait de mentionner Claude Debussy comme artiste préféré a suscité des interrogations des gens autour d’elle. En conséquence de quoi elle s’est elle-même demandée s’il fallait une explication ou une excuse pour aimer Debussy. Le titre est dérivé de ce questionnement. Peut-être aime t’elle le morceau Arabesque de Claude Debussy? Ce point en commun avec la chanteuse Lily Chou-chou est en tout cas étonnant.

Dans la petite boutique de la galerie OFS, j’achète en souvenir le livret du film Kyrie no Uta, contenant des interviews et de nombreuses photographies du film. En rentrant le soir, je me rends compte qu’AiNA a également dû y aller la même journée que moi car elle montrait des photos de la galerie sur sa storyline Instagram. L’exposition montre également quelques objets tirés du premier film de Shunji Iwai, Love Letter. Le film a eu beaucoup de succès à sa sortie en 1995 et ce succès s’est ensuite étendu en Asie. C’est un film que j’avais en tête de voir depuis un petit moment, mais je ne l’ai finalement vu que très récemment après mon passage à l’exposition. Il a été en grande partie tourné à Hokkaidō, dans la ville d’Otaru, et les images hivernales de terres enneigées y sont très belles tout comme l’histoire qui contient déjà certains thèmes récurrents du réalisateur comme la dualité de l’actrice principale. L’actrice Miho Nakayama y joue en effet deux rôles, celui de Hiroko Watanabe qui a perdu son fiancé dans un accident de montagne deux années auparavant et celui d’Itsuki Fujii qui a étrangement exactement le même nom et prénom que son fiancé disparu. L’histoire se construit sur une correspondance par lettres, comme sur un de ses films plus récents Last letter. Hiroko Watanabe envoie une première lettre à l’adresse d’enfance de son ancien fiancé en pensant qu’elle arriverait peut-être jusqu’au paradis, mais c’est la femme Itsuki Fujii qui la reçoit car elle habite dans la même ville et lui répond. Un lien d’amitié rempli d’interrogations se noue entre les deux femmes (qui, je le répète, sont toutes les deux interprétées par Miho Nakayama). On comprend assez rapidement que la femme Itsuki Fujii et l’ancien fiancé Itsuki Fujii étaient en fait dans la même classe de collège, et Hiroko essaie donc d’en savoir plus sur l’enfance de son ancien fiancé en posant de nombreuses questions à Itsuki Fujii dans ses lettres. Cette correspondance vient petit à petit creuser dans la mémoire d’Itsuki Fujii, et la frontière entre les histoires des deux femmes se rapprochent, accentuée par leur ressemblance physique troublante (car je le répète, elles sont jouées par la même actrice). L’histoire peut paraître assez embrouillante mais elle est racontée de manière simple et particulièrement émouvante. J’aime par dessus tout les moments de plénitude qui se dégagent de ce film, et des films de Shunji Iwai en général.

Écrire ce billet m’a poussé à réécouter plusieurs fois l’album Kokyū (呼吸) de Lily Chou-Chou. Sur la couverture de l’album, je me demande si c’est bien Salyu que l’on voit photographiée de dos dans les hautes herbes. Cette photographie de Kazuaki Kiriya (紀里谷和明) est superbe. J’aime aussi beaucoup la photographie de couverture de l’album-compilation Merkmal de Salyu. Cette photographie signée du photographe Kazunali Tajima (田島一成) me rappelle mes propres photographies jouant avec les nuages, notamment celle en page 69 de mon photobook In Shadows ou celle du billet intitulé Structure and Clouds. Les photographies du livret de Merkmal datant de 2008 sont antérieures aux miennes. Je ne connaissais pas cet album à l’époque où j’ai créé mes propres compositions photographiques, quelques années plus tard en 2011. J’ai en fait découvert cet album grâce à un billet récent de mahl sur son blog. De cet album, je connaissais déjà quelques morceaux car deux sont extraits de l’album Kokyū: Hōwa (飽和) et Glide (グライド). Elle reprend également en solo le morceau to U qui l’a fait connaître du grand public. C’est peut-être dû au fait qu’il s’agit d’une compilation, mais je trouve cet album inégal. Certains morceaux comme landmark et Yoru no Umi Tōi Deai ni (夜の海 遠い出会いに) sont absolument fabuleux, tout comme Dramatic Irony et I BELIEVE. Ces morceaux qui se suivent sur l’album forment un passage particulièrement poignant. Salyu y a une voix particulièrement expressive et la partie finale de I BELIEVE est particulièrement puissante. L’album est accompagné d’un DVD avec un concert plutôt intimiste au Motion Blue Yokohama (datant du 17 Septembre 2008) pendant lequel elle interprète les morceaux landmark et Yoru no Umi Tōi Deai ni avec une orchestration légèrement différente. On ne peut que rester immobile en écoutant cette voix monter progressivement en intensité. Une bonne moitié de l’album paraît plus fade par rapport à ces quelques morceaux dont l’intensité émotionnelle ne peut pas laisser indifférent. Le morceau to U en solo est par exemple beaucoup moins intéressant en solo sans la voix de Kazutoshi Sakurai. J’aime aussi beaucoup le morceau VALON-1, car elle semble chanter avec un ton de décalage sur la totalité du morceau. Takeshi Kobayashi compose les musiques de cet album, tout comme celles des précédents. C’est d’ailleurs Takeshi Kobayashi qui l’a découverte et qui lui a donné son nom de scène, qui serait apparemment une allusion au mot français « Salut ». Takeshi Kobayashi et Shunji Iwai commençaient à ce moment là l’écriture des morceaux de Lily Chou-chou. Pendant le concert de Lily Chou-chou le 15 Décembre 2010 à Nakano Sun Plaza, certains morceaux solo de Salyu étaient interprétés. Elle chante pendant ce concert là et sur le DVD de Merkmal une version différente, en anglais, du morceau Arabesque. Le concert du Nakano Sun Plaza termine avec le morceau Glide comme sur l’album Kokyū et la compilation Merkmal, sauf qu’elle ne chante que le début. Les paroles inscrites sur grand écran prennent ensuite le relais: just fly so far away to another place.