fleurs imposées

Le thème central des photographies de ce billet est celui des fleurs qui agrémentent de différentes manières les rues que je parcours ce jour là. Je n’ai pas spécifiquement choisi de prendre des photos suivant cette thématique mais elles se sont imposées à moi de manière tout à fait inconsciente et sans une volonté forte de ma part. C’est un sujet de réflexion intéressant de se demander si les photographies s’imposent à nous ou si on agit de notre propre gré. La plupart des photographies que je prends et montre sur ce blog s’imposent à moi, car je pars souvent marcher dans les rues de Tokyo sans avoir une idée précise en tête des photographies que je vais prendre, à part quand mon but est de prendre un bâtiment particulier en photo. Les photographies ci-dessus sont principalement prises dans les environs de Nishi-Azabu, sauf la dernière photographie montrant une illustration murale de Shun Sudo. Elle est cachée, car le mur sur lequel elle est dessinée n’est pas visible depuis le grand axe de l’avenue Meiji reliant Shibuya à Shinjuku.

Les fleurs sont également un motif que l’on retrouve dans l’art de Makoto Egashira (江頭誠). Je suis allé voir une petite exposition de l’artiste, intitulée Shikakui Hanazono (四角い花園), qui se déroulait à la galerie d’art HPGRP Gallery Tokyo à Minami Aoyama du 16 Juin au 17 Juillet 2023. L’artiste était présent à mon passage. Il découpait dans des grandes couvertures fleuries des motifs qu’il ajoutera ensuite à son œuvre unique présente dans la galerie, un corbillard japonais entièrement recouvert de ses motifs. Ces couvertures florales de style occidental sont assez courantes dans les foyers japonais même si elles sont maintenant démodés depuis longtemps. Elles ont l’avantage d’être très chaudes, placées au dessus du futon. Dans le Japon d’après-guerre, ce produit de literie aux motifs de roses de style rococo avait apparemment une image de luxe. Makoto Egashira les découpe soigneusement et colle les motifs floraux sur divers objets. Ici, il s’agit d’un corbillard japonais basé sur une Lincoln Continental. On ne voit plus depuis longtemps à Tokyo ce genre de corbillard combinant une base de voiture américaine avec une partie arrière ressemblant à un hall de temple. J’imagine qu’on doit toujours trouver ce genre de voitures funéraires dans les campagnes japonaises reculées. Ce n’est pas la première fois que je voyais des œuvres d’art de Makoto Egashira. On retrouvait par exemple cette même voiture dans le court film Kaguya by Gucci à l’esthétique remarquable. Ce film, dont j’ai déjà parlé, a été réalisé par Makoto Nagahisa avec Hikari Mitsushima, Aoi Yamada et Eita Nagayama. On retrouvait également certains objets de l’artiste dans la vidéo du morceau My Lovely Ghost de YUKI, dont j’avais également déjà parlé sur ce blog.

Continuons en musique avec un très beau morceau de Kayoko Yoshizawa (吉澤嘉代子) intitulé Kōrigashi (氷菓子) qui est le thème musical du film Ice Cream Fever (アイスクリームフィーバー), réalisé par Tetsuya Chihara (千原 徹也). Le film est sorti le 14 Juillet 2023. Il est tiré d’un roman de Mieko Kawakami (川上未映子) intitulé Ice Cream Fever (アイスクリーム熱) et publié en 2011. Savoir que ce film est tiré d’un livre de Mieko Kawakami m’a fait chercher dans ma petite bibliothèque car je pensais l’avoir déjà lu. En fait, j’avais lu un autre de ses romans sorti quelques années plus tard en 2013, qui s’intitule Ms Ice Sandwich (ミス・アイスサンドイッチ). A l’affiche du film, on pourra voir Riho Yoshioka (吉岡里帆), Marika Matsumoto (松本まりか), Serina Motola (モトーラ世理奈) et Utaha (詩羽) de Wednesday Campanella, ce qui m’a légèrement surpris. En fait, j’avais vu la vidéo de Kōrigashi avant de savoir que ce morceau était le thème d’un film et j’ai été surpris d’y voir jouer Riho Yoshioka et Utaha. Les images de la vidéo, également réalisée par Tetsuya Chihara, doivent être en grande partie empruntées au film. La qualité de ce morceau m’a poussé à commencer l’écoute de son dernier album Akaboshi Aoboshi (赤星青星) sorti en 2021. Au moment de la sortie de cet album, j’avais été attiré par la beauté de sa couverture réalisée par le directeur artistique Hitoki Naruo (鳴尾仁希), mais je n’avais pas été jusqu’à l’écoute. Je me rattrape seulement maintenant.

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Au carrefour de Jingūmae à l’opposé du Tokyo Plaza, un autre immeuble fait de plaques de verre est en construction. J’ai déjà parlé de ce nouveau bâtiment commercial par Akihisa Hirata. Ce nouvel espace également développé par Tokyu verra le jour au printemps 2024. Les plaques géométriques et angulaires de verre feront en quelque sorte écho à celle du Tokyo Plaza situé dans sa diagonale. La photo de cet immeuble partiellement en verre entre en parallèle et en contraste avec la photographie suivante montrant une autre surface d’immeuble beaucoup plus simple car dessiné de nuages. En regardant une nouvelle fois l’immeuble en construction à Jingūmae, il me fait maintenant penser que les terrasses ouvertes sur l’extérieur sont comme posées sur des nuages matérialisés par des polygones de verre. Ce billet de quatre photographies est en fait symétrique car la première et la dernière photo se font à la fois écho et opposition.

Après Glitch Princess sorti en Février 2022, Yeule sortira son troisième album intitulé softscars le 22 Septembre 2023. On peut déjà en écouter trois morceaux, sulky baby, dazies et fish in the pool, qui sont tous les trois très bons et nous laisse imaginer un autre excellent album. Par rapport à l’album précédent, les deux morceaux sulky baby et dazies sont plutôt axés rock et moins expérimentaux que les morceaux du premier album. Plus facilement abordable, mais on y trouve cependant l’empreinte artistique particulière de Yeule. Le troisième morceau disponible à l’écoute fish in the pool est instrumental au piano. La mélodie est simple et belle, comme si elle avait été enregistrée dans l’intimité de l’artiste dans un moment personnel plein de mélancolie. Yeule est un personnage très particulier qu’on dirait éloigner de la réalité. Sa musique a pourtant une consistance bien réelle. Son style de composition musicale et de chant poussant aux frontières du rêve me parlent beaucoup.

Je découvre au hasard des recommandations YouTube un jeune groupe trio de rock indé japonais appelé Brandy Senki (ブランデー戦記). Le groupe originaire d’Osaka se compose de Hazuki (蓮月) au chant et à la guitare, Minori (みのり) à la basse et aux chœurs et de Bori (ボリ) à la batterie. Le groupe doit être tout jeune car seulement deux morceaux sont disponibles sur iTunes, ceux que j’écoute en ce moment. J’aime beaucoup ce style de rock alternatif rappelant celui des années 90, mais l’empreinte japonaise est tout de même très forte dans ke ton de voix d’Hazuki. Musica est leur premier morceau sorti le 31 Décembre 2022 et il a un certain succès sur YouTube si on en croit le nombre de vues. Le deuxième morceau intitulé Kids est plus récent, sorti il y a quelques jours seulement, le 8 Juillet 2023. C’est par ce deuxième morceau que j’ai découvert le groupe et j’ai tout de suite été attiré par le son de guitare très présent dès les premières cordes. Le morceau et le chant sont bien maîtrisés et il s’agit encore une fois d’un groupe à suivre de près, ne serait-ce que pour voir la direction qu’ils vont prendre. Ces deux premiers morceaux sont en tout cas excellents et très prometteurs pour la suite. J’ai parfois l’impression que le rock indé au Japon est en pleine renaissance. Mais, à force d’explorer la musique rock de ces 20-30 dernières années, je me rends compte qu’il n’a de toute façon jamais été mourant ou en voie de disparition. Quel plaisir de découvrir de nouveaux groupes et de nouvelles musiques. Comme l’écrivait Jane Birkin avec Yōsui Inoue (井上陽水) sur une affiche de Tower Records: « Pas de musique pas de vie ». J’y rajouterais bien: « Pas de musique, pas de blog ».

inside the doughnuts hole

J’aime beaucoup la densité urbaine qui se dégage de la première photo prise à une des extrémités d’Harajuku. La topographie et l’urbanisme non-homogène de Tokyo permettent ce type de vues. Je suis ici debout sur la passerelle piétonne traversant l’avenue Meiji avant qu’elle ne remonte en direction de Shinjuku. J’emprunte souvent cette avenue à pieds ou à vélo. Avant d’arriver à ce point là, je passe très souvent par une route longeant les anciens appartements de Kita Aoyama en attente de destruction. Les bornes jaunes usées bloquant la route aux voitures proviennent de cet endroit avant que cette route ne vienne s’enfoncer dans la suractivité piétonne d’Omotesando, et d’Harajuku ensuite. Un des stickers collé sur une des bornes me rappelle le personnage Homer Simpson, grand amateur de donuts, mais en version défigurée.

Je viens de terminer le visionnage des dix épisodes de 54 mins du drama télévisé de la chaîne TBS Quartet (カルテット). Il ne s’agit pas d’une série récente car elle a été diffusée en 2017, mais elle est apparue soudainement dans ma liste de recommandations sur Netflix et je me suis laissé tenter. J’avais tout de même un intérêt préalable car Sheena Ringo en a écrit et composé le thème musical final intitulé Otona no Okite (おとなの掟), interprété au chant dans le drama par un quartet appelé Doughnuts Hole. Pour l’interpretation musicale, on retrouve sur ce morceau des habitués comme Masayuki Hiizumi (ヒイズミマサユ機 aka HZM) au piano, et Neko Saito (斎藤ネコ) au violon et aux commandes du véritable quartet. Sheena Ringo reprendra plus tard ce morceau sur la compilation Reimport 2 avec le titre The Adult Code. J’ai compris après avoir fini la série la raison de cette mise en avant sur Netflix. Le scénario a été écrit par Yūji Sakamoto (坂元裕二) qui a été récompensé récemment au festival de Cannes pour le meilleur scénario pour le film Monster (怪物) d’Hirokazu Kore-eda (是枝 裕和). On a donc beaucoup entendu parler du film et de ce scénariste au mois de Mai 2023. Je n’ai pas encore vu le film Monster, mais j’aime beaucoup Kore-eda pour avoir voir plusieurs de ses films (Nobody Knows avait été un choc pour moi) et j’ai donc très envie de le voir. Un des grands intérêts du drama Quartet vient des actrices et acteurs qui le composent. Takako Matsu (松たか子) joue le rôle central avec Hikari Mitsushima (満島ひかり), Ryuhei Matsuda (松田龍平) et Issei Takahashi (高橋一生). A eux quatre, ils forment le quartet de musiciens, annoncé dans le titre, réunis d’une manière plus ou moins fortuite dans une maison secondaire à Karuizawa. S’éloignant d’une vie normale, ils se réunissent et vivent dans cette villa pour se consacrer ensemble à la musique, mais leurs vies passées finissent par les rattraper. Il y a beaucoup de rebondissements et d’humour discret dans cette série, mais ce que j’apprécie particulièrement, c’est la subtile lenteur que confère ces lieux dans les montagnes, parfois enneigées, de Karuizawa. Ça donnerait envie d’y vivre, surtout dans une villa comme celle où le quatuor s’est installé. Chaque personnage a ses petites manies et particularités un peu décalées. Le personnage de Suzume joué par Hikari Mitsushima a par exemple une fâcheuse tendance à s’endormir dans des endroits improbables. Iemori joué par Issei Takahashi a pour défaut, ou qualité, de reprendre les gens lorsqu’ils ne font pas les choses correctement ou qu’ils ne suivent pas les bonnes manières, ce qui lance souvent des conversations particulièrement amusantes, poussant même parfois à une réflexion personnelle. Le scénario est bien monté quand on voit ce genre de scènes et anecdotes se reboucher plus tard dans la suite de l’histoire.

J’aime aussi beaucoup le personnage secondaire Alice joué par Riho Yoshioka (吉岡里帆), car elle très manipulatrice malgré son visage d’ange et finit toujours par arriver à ses fins. Une surprise est de voir le chanteur de Hip-hop Mummy-D du groupe Rhymester (ライムスター) joué un petit rôle dans la série. Mummy-D a participé à certains morceaux de Sheena Ringo notamment à la période de Sanmon Gossip. On sait également que Riho Yoshioka est fan de Sheena Ringo, ce qui m’a également interpellé. Mais ce n’est pas tout car le détail suivant est un peu plus ’maniaque’. Dans le dernier épisode du drama, le personnage de Maki joué par Takako Matsu se voit séparée du quatuor de Karuizawa suite à un des nombreux rebondissements de l’histoire. On la voit habiter seule dans une zone d’appartements de type HLM. Je reconnais tout de suite cet endroit car j’y suis allé récemment, le jour du concert de Sheena Ringo. Les scènes du drama ont été tournées dans le complexe d’appartements Hamune (はむね団地) situé entre la station Kokuryō (国領), près de Chōfu (la page Wikipedia du drama n’a même pas cette information). Ces mêmes lieux étaient utilisés dans la version alternative de la vidéo de Koko de kiss shite (ここでキスして。) qui est présente sur le DVD Seiteki Healing Sono Ichi (性的ヒーリング~其ノ壱~). Je ne sais pas s’il s’agit d’une pure coïncidence ou si c’est volontaire, mais je serais vraiment curieux de le savoir. Il faudrait que je note toutes ces questions au cas où je croiserais par hasard Sheena Ringo au détour d’une rue de Tokyo (ce qui est certes très improbable). Ce genre de lien m’intéresse en tout cas beaucoup.

Dans la série, l’acteur jouant le mari de Maki (le personnage de Takako Matsu) m’était familier sans que j’arrive à lui donner un nom. Il s’agit de Kankurō Kudō (宮藤官九郎) qui, en plus d’être acteur, est scénariste et réalisateur. On lui doit notamment le film Shōnen Merikensakku (少年メリケンサック) avec Aoi Miyazaki, sur la réformation d’un groupe punk rock. J’avais vu ce film il y a quelques années en Janvier 2018. Je me rends compte maintenant que Mukai Shūtoku (向井秀徳) de Number Girl était en charge de la musique de ce film, Kankurō Kudō étant un de ses grands fans. Kankurō Kudō a écrit le scénario du film Ping Pong (ピンポン) qui est pour moi plus anecdotique mais qui avait le mérite de contenir quelques morceaux de Supercar dans sa bande originale, notamment l’excellent Strobolights. Il est également le scénariste de la série du matin (Asadora) de la NHK, Amachan (あまちゃん) qui a eu un très grand succès lors de sa diffusion en 2013. Une autre surprise de cette série Quartet est de voir la compositrice et interprète Seiko Ōmori (大森靖子) jouer un petit rôle secondaire dans le sixième épisode, devant notamment le petit cinéma Image Forum (シアター・イメージフォーラム) à Shibuya. Je me dis que c’est une bonne chose d’écrire sur ce blog à propos des films et séries que j’ai vu, car j’aurais du mal à me souvenir de tous ces détails parfois anecdotiques, mais qui sont pourtant pour moi très importants. Je me rends compte que je n’ai jamais parlé du film Drive My Car (ドライブ・マイ・カー) du réalisateur Ryūsuke Hamaguchi (濱口竜介), que j’ai vu il y a plusieurs mois déjà et que j’ai trouvé superbe. C’est peut-être parce que le film a déjà été encensé par la critique que j’éprouve moins d’intérêt d’en parler. Le film prend son temps et touche à des sentiments profonds. On ne peut que remercier un réalisateur de créer des films tels que celui-ci.

Les deux photographies ci-dessus ont été prises dans les environs de la station de Shinagawa. Le passage à niveaux sur la première photo attire les photographes car les trains le traversent lentement après une grande courbe. Un peu plus loin, des bateaux de yakatabune sont stationnés dans un canal en attendant le soir. Ils partiront avec des convives une fois la nuit tombée vers la baie de Tokyo pour remonter la rivière Sumida. Ce jour là, j’étais parti voir une exposition dans les galeries d’art présentes dans les anciens entrepôts Terrada. Le texte partiellement fictif « conteneurs » que j’ai écrit dans le billet précédent m’avait rappelé qu’une exposition intéressante était en cours en ce moment. J’en parlerais certainement avec des photos dans un prochain billet.

Miyuna (みゆな) donnait un mini-concert acoustique gratuit le Vendredi 7 Juillet 2023 à partir de 19h dans le parc Kitaya de Shibuya récemment réaménagé. Cet espace du parc est apparemment spécialement adapté pour ce genre de spectacles car le terrain est en pente et comprend des petits murets et des marches permettant aux spectateurs de s’asseoir. Le public s’assoyait en fait un peu où il voulait et j’étais personnellement resté debout appuyé à la rampe des marches. Je suis arrivé sur place alors qu’elle avait déjà commencé à chanter, mais je n’ai dû manquer que quelques minutes. C’était un moment très agréable à écouter Miyuna en plein air dans un espace entouré de verdure. Elle n’a joué que quelques morceaux demandés par le public, et seulement ceux se prêtant à l’acoustique. Elle a beaucoup parlé au public entre deux morceaux, pour notamment rappeler son prochain concert le 21 Juillet dans la salle WWWX de Shibuya. Je ne pourrais malheureusement pas la voir cette fois-ci dans cette salle, mais je le rattraperait très certainement lors de la tournée de son prochain album quand il sortira. On sent qu’elle aime et a envie de s’adresser au public et j’aime beaucoup l’écouter car elle reste très naturelle et pleine d’humour. On pouvait prendre des photos et des vidéos. J’en montre une sur mon compte Threads, mais je ne souhaitais pas passer mon temps à regarder mon smartphone. J’ai préféré apprécier le moment.

conteneurs

Les routes qui nous amènent jusqu’à la plage de Jōnanjima nous font passer devant une zone de conteneurs métalliques. A mon premier passage, un motard s’exerçait à faire des figures sur une roue. Le très large espace sur lequel se trouvent ces conteneurs n’est étonnamment pas fermé et je n’y ai pas vu de gardes non plus. En voyant cet espace, j’ai tout de suite pensé aux scènes d’un épisode de la deuxième saison de la série fantastique Alice in Borderland sur Netflix. Mais il ne s’agissait pas de cet endroit car les scènes de cet épisode ont été plutôt tournées à Port Island (ポートアイランド) à Kobe dans la préfecture de Hyōgo. J’ai ensuite pensé qu’il pourrait s’agir du lieu où a été tourné une partie de la vidéo du morceau Kick Back de Kenichi Yonezu (米津玄師) avec Daiki Tsuneta, mais quelques recherches m’ont confirmé que non. Cette vidéo là a été prise un peu plus loin à Daikokufuto (大黒ふ頭) à Yokohama. Enfin, ce n’est finalement pas très grave de ne pas être en mesure de lier cet endroit à un lieu que j’aurais déjà vu ailleurs, car l’important est l’impression du moment que va laisser cet endroit dans ma mémoire. Après la visite de la plage de Jōnanjima, je suis repassé devant ces conteneurs pour les prendre en photo. Le motard n’était déjà plus là. Il a peut-être terminé ses entraînements ou peut-être a t’il fui après mon premier passage en pensant que je l’avais surpris à faire des choses interdites. Je suis quand même très surpris qu’il n’y ait aucun portail métallique venant clore l’enceinte. C’est comme si on nous invitait à venir explorer de plus près ces conteneurs de toutes les couleurs. Le week-end, cette île artificielle et ces zones de dépôt sont vraiment désertes. Le calme y est omniprésent. Il semble même presqu’irréel.

Je reste plusieurs dizaines de secondes debout devant l’entrée de la zone de conteneurs placée au bord de la route. C’est quand même très tentant de rentrer à l’intérieur pour prendre en photo les conteneurs de près, en contre-plongée par exemple pour accentuer l’effet dramatique de leur taille. Je ne vois que quelques rangées de conteneurs devant moi, mais il doit y en avoir de nombreuses autres derrière que je ne vois pas encore. Ces rangées de quatre ou cinq conteneurs de haut sont vraiment massives. Je m’approche tout de même un peu pour comparer ma taille à une de ces rangées. Marcher au milieu de deux rangées est impressionnant. Comme je le pensais, il y a d’autres rangées tout aussi massives derrière, qui ne sont pas alignées sur celles où je marche actuellement, mais placées de manière perpendiculaire. Je finis par m’approcher du rebord de la rangée. D’autres conteneurs sont placés en angle formant comme un chemin. La chaleur est vraiment éprouvante au milieu de ces rangées d’acier posées sur l’asphalt. Il n’y a pas âmes qui vivent au milieu de toute cette matière, à part moi-même. Ça ne coûte rien d’aller voir un peu plus loin l’étendue de cet espace. Arrivé au bout d’une autre rangée, un choix s’offre à moi, soit tourner sur la gauche, continuer sur la droite ou avancer droit devant moi. Prenons à droite. Les rangées se font ensuite plus courtes et le chemin un peu plus étroit. Les conteneurs se concentrent sur un espace plus restreint, mais un chemin se forme tout de même entre eux. Il y a quelque chose de ludique dans cette exploration, comme si on marchait dans un labyrinthe. Je pense à celui de The Shining. Sauf que pour celui-ci, il ne semble pas très difficile d’en sortir. Cette assurance me fait avancer un peu plus malgré la chaleur que se fait de plus en plus forte. Le soleil est au zénith, très haut au dessus de ma tête, très présent, laissant peu de place pour les ombres. Je me dis à ce moment là, qu’il doit être très intéressant de marcher au dessus de tous ces conteneurs pour avoir une vue d’ensemble, comme pouvaient le faire les protagonistes de la série Alice in Borderland, sautant avec une dextérité extraordinaire de bloc métallique en bloc métallique. Ça semble tout à fait impossible et très dangereux de faire la même chose ici. Je me demande maintenant si tous ces conteneurs sont vides. Chaque conteneur possède bien sûr une porte qui a l’air d’être très difficile à ouvrir. Pendant que je me perds dans mes pensées, je continue ma marche machinalement tournant à gauche puis à droite parmi tous ces blocs de forme identique. Je me demande ce qui me fascine tant dans cet endroit. On y trouve une qualité cinématographique certaine. Je comprends bien l’utilisation de ce type de lieux dans des films ou des séries. On a l’impression d’y être loin de tout, coupé de la vie normale dans un monde qui nous appartient. C’est extrêmement troublant au point où ce lieu finit par me faire peur. Et si je ne trouvais plus la volonté suffisante d’en sortir, emprisonné à jamais parmi ces blocs massifs.

Mon expérience doit prendre fin. Il est temps de prendre le chemin du retour, mais celui-ci me semble tout d’un coup beaucoup moins clair. Les bords des conteneurs deviennent même flous comme s’il s’agissait de mirages. Le soleil brûlant est peut-être en train de me faire perdre mon discernement. Je décide malgré tout d’accélérer le pas pour sortir de ce labyrinthe au plus vite. Mais, je ne retrouve plus mon chemin. Tous ces blocs se ressemblent sans qu’il y ait de points remarquables qui me permettent de me repérer clairement. Le soleil pénétrant devient de plus en plus insupportable. J’aimerais me mettre à l’ombre dans un de ces conteneurs pendant quelques minutes, pour échapper à ces rayons qui m’assomment, mais il doit être impossible d’ouvrir ces conteneurs. Au bout d’une rangée sur la gauche, une des portes est pourtant légèrement entrouverte. C’est une chance. Il est même facile de l’ouvrir, aussi facilement qu’une porte d’appartement. Sa légèreté est très surprenante, comme si on avait l’habitude de l’ouvrir et de la fermer sans cesse. L’intérieur du conteneur s’ouvre à moi. Il y fait frais mais il est très sombre. Je ne vais pas m’enfoncer à l’intérieur mais rester plutôt à la lisière de l’ombre formée par le cadre du bloc de métal. Je remarque un petit cordon avec un embout en plastique pendant du plafond du conteneur. On dirait l’interrupteur d’une vieille lampe. Un petit clic retentit lorsque je tire dessus d’un mouvement brusque. Et la lumière fut. Elle est faible, tamisée, mais permet d’assez bien distinguer l’intérieur du conteneur. Ma surprise s’accompagne de frissons soudains lorsque j’aperçois au fond du bloc un matelas grisâtre, une petite table de bois et une chaise. Est ce que quelqu’un vit ici? Ça paraît tout à fait improbable. Il n’y a en tout cas personne assis à la table ou allongé sur le matelas. Peut on seulement vivre dans un endroit pareil? J’imagine que ces blocs ne sont pas posés éternellement dans cette zone de dépôt. Ils doivent être transportés sur des bateaux et voyager à travers le monde entier. Une pile de papiers est pourtant posée sur la table de bois. A côté de celle-ci, je distingue dans la pénombre un plan de Tokyo qui a l’air bien usé comme s’il avait été transporté de marche en marche à travers la ville pendant des dizaines d’années. Les pages sont écornées et la couverture est délavée et réparée maladroitement à l’aide de bandes adhésives. Ce guide de Tokyo me rappelle d’ailleurs le mien, celui que j’utilisais et que j’amenais toujours avec moi dans mon sac pendant mes premières années à Tokyo. Je ne l’ai pas ouvert depuis très longtemps et je me souviens difficilement de son état actuel. Il doit être très proche de celui-ci. Certaines pages du guide sont démarquées par un morceau de papier coloré. Une des pages montre le plan du centre de Shinjuku. En regardant bien cette double page, un point rouge très accentué a été dessiné au niveau de Nishi-Shinjuku. Il est difficile de percevoir exactement le lieu indiqué en raison de la noirceur qui règne à l’intérieur du conteneur, mais je parviens tout de même à comprendre qu’il indique l’endroit exact où se trouve l’Oeil de Shinjuku. Je me souviens y avoir eu un malaise il y a quelques années comme si la force du lieu m’avait fait perdre l’équilibre et la conscience pendant quelques instants. Regardons une autre page annotée. La zone est maintenant celle de Shinagawa. Il me semble que le point rouge indique sur cette double page le centre d’art contemporain Terrada, où je suis également allé et où j’avais eu des visions étranges. Cette coïncidence est des plus étranges. La page suivante accentue ma crainte naissante. Le point rouge est dessiné dans le quartier d’Aoyama où j’avais vécu une expérience irréelle au milieu d’un parc à l’abandon. D’autres pages sont marquées mais, troublé, je ne trouve plus la volonté d’aller plus loin. Ce guide indique des lieux où je suis déjà allé et où j’ai vécu des expériences irréelles, du moins c’est le souvenir assez imprécis que j’en garde. La pile de papier posée sur la table m’a d’abord semblé vierge, mais en regardant la première feuille de plus près, une inscription y est visible. « あなたを待ってました » (Je t’attendais) est-il écrit sur cette feuille en petits caractères, à peine lisibles. Quel est le sens de ce message. Parles t’on de moi. Le papier posé immédiatement en dessous contient au même positionnement une autre courte phrase « あなたの道、もう決まってる。 » (ton chemin est déjà tout tracé). La page suivante indique l’affirmation suivante « 逃げられない。 » (tu ne peux pas t’en échapper). Les pages qui suivent ont les messages suivants écrits « 変えられない。 » (tu ne peux le changer), puis « 諦められない。 » (tu ne peux abandonner). Je m’arrête là. Il doit bien y avoir une cinquantaine de feuilles sur cette table possédant toute une écriture, mystérieuse au point de devenir inquiétante. Je me sens directement visé comme si ces messages m’étaient directement adressés. A y réfléchir, le guide de Tokyo, que j’examinais quelques minutes auparavant, ressemble tellement à mon vieux guide qu’il ne peut être que le mien. Est ce que ce guide indique à l’avance tous les endroits où je vais aller, tous ces endroits étranges qui me font perdre mes moyens mais qui m’attirent inexorablement comme si je ne pouvais leur échapper. Comme c’est peut être le cas en ce moment dans cette zone de conteneurs perdue sur une île artificielle improbable loin du centre de toute vie.

Que faire maintenant? Quitter ce lieu au plus vite. Sans que je m’en rende compte, l’épaisse porte métallique du conteneur s’est refermée sans faire de bruit. Il est fort improbable qu’un fort coup de vent l’ait refermé derrière moi. On ne peut l’ouvrir de l’intérieur. Coincé dans ce conteneur, il ne me reste plus qu’à m’enfoncer dans sa noirceur, tout au fond dans la partie à peine éclairée par la lampe placée à l’entrée. Je n’éprouve étonnement aucune crainte car l’instinct qui me pousse à m’échapper de ce lieu est plus fort que tout autre sentiment. Je marche à l’intérieur, m’enfonçant comme on marcherait dans un couloir étroit sans lumière, à tâtons mais sans ralentir le pas. Il doit bien y avoir une autre porte de sortie. Je marche pendant plusieurs minutes. Ce couloir silencieux dépasse la taille d’un conteneur. Il fait parfois des virages à gauche et à droite. Je me remémore soudainement le passage souterrain du grand temple Zenkōji (善光寺) à Nagano et ça me réchauffe un peu le cœur. S’agit-il d’un passage spirituel que je suis en train de traverser? En ressortirais-je changé? Une faible lumière apparaît soudainement laissant présager la présence d’une autre porte métallique. J’accélère le pas avant que celle-ci ne se referme complètement devant moi. Je parviens à l’ouvrir donnant enfin accès à l’extérieur. J’ai dû marcher une dizaine de minutes à l’intérieur du couloir de conteneurs, mais il fait déjà sombre dehors. Il est presque sept heures du soir. Mon vélo est toujours là, posé à l’entrée de la zone de dépôt. En regardant les rangées de conteneurs devant moi, j’éprouve le besoin de courber légèrement la tête en signe d’au revoir comme on pourrait le faire sous le grand torii à la sortie des temples. Rentrons vite à la maison pour ressortir du placard mon petit guide usé de Tokyo. J’y marquerais d’un point rouge tous ces lieux du Tokyo Parallèle (パラレル東京) que j’ai pu découvrir jusqu’à maintenant. Tout comme des sanctuaires en pleine ville, je sais maintenant qu’ils sont nombreux et qu’il me faudra du temps pour les découvrir tous. Comme aujourd’hui, ils s’imposeront progressivement à moi. Il faut que j’évacue toute crainte pour les aborder sereinement.

林檎齧って空ばかりを見てる

La chaleur estivale bat déjà son plein dans les rues de Shirogane où je me promène rapidement cette fois-ci. Cette fin du mois de Juin et ce début Juillet sont particulièrement occupés et je manque par conséquent de l’énergie nécessaire pour prendre suffisamment de photographies qui alimenteront ce blog. Je repasse vers des endroits déjà empruntés et photographiés dans le passé. Il y a d’abord Oyagi House par Ryue Nishizawa (2018), puis le temple Zuishōji à Shirogane dont les nouvelles dépendances de bois ont été conçues par Kengo Kuma et finalement le fameux building verdâtre de cuivre oxydé nommé Nani Nani (1989) par Philippe Starck en collaboration avec Makoto Nozawa de GETT. Bref, rien de vraiment très neuf sous le soleil tokyoïte. J’ai ouvert un compte sur Threads, la nouvelle application liée à Instagram venant concurrencer directement et frontalement Twitter. J’étais assez motivé pour l’utiliser à la place de Twitter dans les premiers jours, mais l’excitation du moment est déjà retombée. L’interêt par rapport à Instagram est plutôt limité. J’utilise principalement Twitter pour suivre l’activité des artistes et groupes que j’apprécie, et je ne suis pas prêt à passer du temps pour vérifier s’ils et elles ont un compte sur Threads. L’application sans publicité pour l’instant est pourtant agréable, très axée photographies du fait de son lien direct avec Instagram.

Je suis toujours sous l’emprise irrésistible de Yuki sur les albums de Judy and Mary que je continue de découvrir. Mais, j’ai également envie de changer quelque peu d’ambiance avec quelques excellents morceaux d’une jeune compositrice et interprète appelée Rinne Amano (天野凛音) que je ne connaissais pas. Je la découvre vraiment par hasard au milieu de story Instagram. Ce personnage aux cheveux décolorés surgit soudainement avec un morceau intitulé Orange like the Chuo Line (中央線のオレンジ), qui me rappelle un peu l’ambiance musicale de Hidefumi Kenmochi pour Wednesday Campanella. Mais c’est seulement au début du morceau, car il part ensuite vers une atmosphère plus contemplative. Rinne Amano mélange les passages de hip-hop avec d’autres moments plus chantés. Ce morceau est très inspiré tout comme celui intitulé There was a Landlord (家主がいた) que j’écoute ensuite et que j’aime vraiment beaucoup. Il y a une certaine fluidité et un automatisme dans son chant qui rendent ce morceau particulièrement évident. On se laisse attraper par son flot très assuré, mais qui ne surjoue pourtant pas les émotions. Il y a une certaine joie mélancolique dans ses morceaux qui me plait beaucoup. Le fait que le morceau dure assez longtemps, environ 4 mins 30, me plait aussi beaucoup car on se sent bien dans ce refrain qui se répète. Ces deux morceaux sont sortis respectivement en Octobre et en Décembre 2022. Rinne Amano n’a pas encore sorti de EP ni d’album, mais seulement quelques morceaux très prometteurs. Le plus récent sorti en Janvier 2023 intitulé Chiki-Po, est assez différent, partant vers des ambiances beaucoup plus électroniques. Elle y chuchote sur des nappes sonores, mais le rythme est tout de même très présent. Ces quelques morceaux sont une belle découverte et sa musique est déjà très prometteuse. Et en parlant d’Hidefumi Kenmochi (ケンモチヒデフミ) qui est très présent dans le paysage musical électronique japonais en ce moment, il a récemment collaboré avec KAF (花譜) sur un très joli morceau intitulé Shuge-Hai!!! (しゅげーハイ!!!). On ne reconnaît pas immédiatement le style d’Hidefumi Kenmochi, ce qui est assez inhabituel. Le phrasé rapide de la mystérieuse KAF est toujours excellent, surtout quand le rythme s’emballe gentiment vers la fin du morceau.