suivre à la lettre la littérature des moutons

On peut dire que le single more than words a été un véritable déclencheur dans la carrière musicale du groupe Hitsuji Bungaku (羊文学) car je n’aurais pas imaginé, il y a quelques mois, voir le groupe investir de cette manière le Department Store Seibu en plein centre de Shibuya. Il est vrai qu’on a vu le groupe jouer ce morceau lors de quelques émissions musicales télévisées ces derniers temps. Cette reconnaissance médiatique fait plaisir d’autant plus que le groupe n’a pas beaucoup perdu de son approche musicale rock indé et de son authenticité artistique au fur et à mesure des années. Moeka Shiotsuka le disait d’ailleurs à Seiji Kameda lors de l’interview de l’émission radio de J-Wave dont je parlais récemment, le groupe n’a pas l’intention de se diversifier en ajoutant de nouveaux instruments ou en s’accompagnant de musiciens complémentaires. Selon Moeka, Hitsuji Bungaku a comme direction de continuer à jouer comme il et elles le font maintenant, dans les contraintes et les possibilités qu’imposent le jeu en trio. C’est tout à fait respectable. Espérons que cette nouvelle exposition, comme sur les affiches placardées sur les façades et à l’intérieur de Seibu, ne vienne pas perturber cette approche musicale à priori imperturbable. Le positionnement plutôt avant-garde du Shibuya Seibu, maintenant en permanence une place dans ses locaux pour des expositions artistiques de nouveaux talents, est en tout cas plutôt rassurant. Depuis les premiers EPs, le groupe a bien sûr intégré des éléments un peu plus pop, mais n’abandonne pas non plus l’abrasivité des guitares. C’est ce que j’ai pu constater lors du concert de la tournée 2023 « if i were an angel, » auquel j’avais assisté le 3 Octobre 2023 dans la salle du Zepp Haneda. Un espace au cinquième étage de Seibu est d’ailleurs consacré à une exposition de photographies de ce concert. Les photographies sont celles d’Asami Nobuoka et seront montrées jusqu’au 25 Décembre 2023. Je connaissais déjà la plupart de ces photos, car le groupe ou la photographe elle-même les avaient déjà montré sur Instagram ou Twitter. Juste à côté de cette exposition, une petite salle sombre avec écran géant et système audio 360 Reality Audio montrent quelques passages de ce concert au Zepp Haneda. Des tabourets sont placés dans cette petite salle et on peut apprécier les morceaux more than words, FOOL, Eien no Blue (永遠のブルー), Hikaru Toki (光るとき) et Yoru wo Koete (夜を越えて). Quel plaisir de revoir des images de ce concert et de réécouter ce son dans une qualité irréprochable. On peut voir et écouter ces cinq morceaux du 28 Novembre au 11 Décembre 2023. D’autres morceaux de ce même concert sont ensuite montrés du 12 au 25 Décembre 2023: more than words, Mayoiga (マヨイガ), 1999, OOPARTS, Aimaide ii yo (あいまいでいいよ). J’aurais très certainement l’occasion de revenir pour écouter cette deuxième partie. Je ne pense pas que ce concert soit prévu pour une sortie en DVD/Blu-ray pour le moment, mais la qualité le permettra tout à fait.

Cette collaboration entre Hitsuji Bungaku et Seibu s’intitule « By your side: Hitsujibungaku meets Shibuya Seibu » et inclut également une boutique temporaire (pop-up store) au même étage que l’expo photo et vidéo, mais dans le bâtiment B plutôt que le bâtiment A. On y vend des t-shirts et autres goods de la tournée 2023 (dont le t-shirt que j’avais moi-même acheté lors du concert à Haneda). Des photos des trois membres du groupes, Yurika Kasai (河西ゆりか), Hiroa Fukuda (フクダヒロア) et Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ), sont visibles à certains endroits du magasin. Je m’amuse donc à les chercher en parcourant les étages, mais les grandes photographies du groupe prises par le photographe Nico Perez à l’extérieur de Seibu restent les plus photogéniques quand on essaie de les mélanger avec la foule qui passe en flux ininterrompu. Je pense que je me suis maintenant bien préparé à la sortie du nouvel album 12 hugs (like butterflies) le 6 Décembre 2023, bien que je sois toujours en ce moment imprégné par la musique de Pavement, en particulier sur l’album Wowee Zowee à l’inventivité absolument géniale.

君が僕の東京になる

Il m’arrive rarement de boire de l’alcool le midi le week-end (et encore moins les jours travaillés) car je ne sais jamais si l’occasion de conduire se présentera dans la journée et la tolérance est à zéro au Japon. Mais l’occasion se présente de temps en temps, comme ici à Kamata près de la station lors d’un festival appelé tout simplement Oishii Michi (おいしい道) avec tables et stands posés sur la rue avec diverses choses à manger et à boire. La météo était idéale pour passer quelques heures assis dehors sans compter les heures en se laissant emporter par une légère ivresse. Du coup, cette légère ivresse me fait voir des choses inattendues comme des camionnettes vendant des nikuman recouverts de filles à la mode manga poussant les esprits faibles à la consommation, ou comme ces étranges personnages colorés se faisant photographier avec une population enjouée. Sont-ils réels ou issus de mon imagination?

Les photographies suivantes sont prises à l’extérieur et intérieur du musée National Art Center Tokyo (NACT) conçu par Kisho Kurokawa et dont la construction a été terminée en Mai 2006. Kisho Kurokawa est mort l’année suivante, en 2007 au mois d’Octobre à l’âge de 73 ans. Je me souviens l’avoir aperçu plusieurs fois marchant lentement et même péniblement dans le couloir du 13ème étage du building Ark Mori à Tameike Sanno, car je travaillais à cette époque au même étage. J’y repense à chaque fois que je viens voir le building du musée NACT. J’étais venu pour voir l’exposition Interface of Being (真空のゆらぎ) de l’artiste Shinji Ohmaki (大巻伸嗣) qui s’y déroule jusqu’au 25 Décembre 2023 et qu’il serait dommage de manquer. Elle m’avait en tout cas beaucoup inspiré dans l’écriture de mon billet sur les fluctuations du vide qui nous entoure. Ce building est pour sûr très inspirant et nous donne plein d’images en tête. Il doit compter dans la liste des architectures les plus remarquables de Tokyo.

La dernière photographie du billet me fait revenir une nouvelle fois dans le parc central de Nishi-Shinjuku où ont été tournées de nombreuses scènes du film Kyrie no Uta (キリエのうた) du réalisateur Shunji Iwai (岩井俊二) dont une des scènes finales. Je garde encore maintenant de très bons souvenirs de ce film, que j’ai très envie de revoir, même si ça sera désormais sur les plateformes de streaming comme Netflix ou Amazon Prime. Je m’assois plusieurs dizaines de minutes à l’endroit où j’ai pris cette photo. Il y a quelques bancs posés dans la verdure depuis lesquels on peut observer au loin les buildings de Nishi-Shinjuku, notamment la très reconnaissable Mode Gakuen Cocoon Tower de Tange Associates.

J’ai mentionné dans un précédent billet qu’il fallait que je trouve un peu de temps pour aller voir l’exposition Revolution 9 du photographe Takashi Homma (ホンマタカシ) se déroulant jusqu’au 24 Janvier 2024 au Musée de la photographie à Yebisu Garden Place. L’exposition occupe plusieurs salles d’un étage du musée mais ne contient pas un nombre très conséquent d’oeuvres. Le prix du billet d’entrée plutôt réduit pour ce genre d’exposition me laissait en effet présager qu’on devait en faire assez vite le tour. Les photographies de Takashi Homma montrées lors de cette exposition sont toutes autant singulières qu’elles sont inspirantes. La plupart des œuvres sont composées de collages de plusieurs photographies prises au même endroit, mais sans soucis directs de faire des raccords parfaits entre les photographies, pour donner l’illusion d’une photographie gigantesque. Les décalages de tons et de couleurs sont souvent marqués entre deux photographies posées les unes à côté des autres. C’est une approche assez radicale de l’expression photographique, qui m’inspire dans le sens où j’aime de temps en temps également triturer mes photographies pour construire une nouvelle réalité. Du photographe, j’ai toujours en tête le photobook Tokyo and my Daughter que je ne possède pas dans ma librairie personnelle mais auquel je pense de temps en temps, car il m’avait inspiré à une certaine époque où je m’essaie d’une manière similaire à mélanger des photos de ville et d’architecture avec celles de mon fils étant tout petit. L’exposition Revolution 9 est très différente et est même déroutante, car de nombreuses photos sont par exemple positionnées en sens inverse. Le titre de cette exposition serait inspirée par la chanson des Beatles Revolution 9 qui est un collage d’une variété de sources sonores. L’association musicale à la photographie me parle beaucoup. En ce sens là, l’approche photographique de Takashi Homma m’attire toujours et m’interpèle. Elle ne cherche pas à atteindre la beauté esthétique. Une des salles de l’exposition a ses murs tapissés de grands pans photographiques que l’on peut observer à travers un système de miroirs. Je me prends moi-même en photo par inadvertance alors que je pensais plutôt saisir les murs photographiques. On pourra au moins remarquer mon t-shirt de Miyuna que j’aime beaucoup porter ces derniers temps. Au premier sous-sol du musée, on pouvait visiter gratuitement une galerie de photographies proposées par la Tokyo Polytechnic University (東京工芸大学). Cette exposition se déroulant jusqu’au 10 Décembre 2023 s’intitule Integrating Technology & Art through Photography. On peut y voir quelques photos connus comme certaines d’Eikoh Hosoe (細江英公) (dont une de Yukio Mishima de la série BA・RA・KEI / Ordeal by Roses). Cette exposition commémorative retrace l’histoire de l’Université polytechnique de Tokyo, dévoilant les origines de l’enseignement de la photographie au Japon et explorant les relations entre l’Université et le monde de la photographie japonaise à travers les époques. On a vite fait le tour de cette exposition mais elle vaut le détour. Les deux dernières photographies de la série ci-dessus proviennent de cette exposition. Je n’ai malheureusement pas eu la présence d’esprit de noter le nom du photographe de la photographie de droite que j’aime pourtant beaucoup. En fait, Google Lens m’apprend après coup qu’il s’agit d’une photographie prise en 1950 par Kiyoji Ohtsuji (大辻清司) de l’artiste Hideko Fukushima (福島秀子). Cette application Google Lens est assez pratique et elle est apparemment régulièrement utilisée par les visiteurs de ce blog sur mes photos.

Musicalement maintenant, quelques nouveaux singles d’artistes que je suis avec une attention certaine et que j’ai déjà maintes fois évoqué sur ce blog. Je parlais de Miyuna un peu plus haut et elle vient justement de sortir un nouveau titre intitulé Oikakete (追いかけて). Il commence assez doucement puis monte progressivement en intensité comme souvent chez Miyuna. J’aime toujours autant sa voix sur laquelle repose beaucoup la qualité de ce nouveau morceau. C’est un peu similaire pour le nouveau single d’AiNA The End intitulé Diana (華奢な心). Elle est très active en ce moment après une tournée rapide à Londres, WACK in the UK, avec d’autres groupes de l’agence Wack (dont ExWHYZ) et la sortie récente de l’album du film Kyrie no Uta (キリエのうた) dont j’ai déjà parlé. Le collage servant de pochette à ce single a été créé par Ohzora Kimishima (君島大空) qui a décidément de nombreuses qualités artistiques. Le morceau d’AiNA est une ballade qui prend son temps mais s’imprègne très progressivement dans notre inconscient. Je n’aime pas toutes ses ballades mais celle-ci me plaît vraiment beaucoup. AiNA l’avait d’abord présenté dans une session live sur YouTube appelée Room Session (冬眠のない部屋). J’aime aussi beaucoup l’esprit rock indé du nouveau single de PEDRO intitulé Shunkashūtō (春夏秋冬) du nouvel album Omomuku mama ni, Inomuku mama ni (赴くままに、胃の向くままに) qui vient de sortir. Le morceau mise beaucoup sur la composition de guitare d’Hisako Tabuchi avec des parties en riff solo très marquantes. On a l’impression qu’Ayuni ne force pas son chant et chante même quand elle a envie car j’ai toujours l’impression qu’elle manque une partie des paroles d’un couplet à un moment du morceau. J’aime beaucoup ce genre de moments d’interrogation. Comme je le dis à chaque fois, il faut être réceptif à sa voix et à sa manière de chanter. Dans les voix particulières, il y a aussi celle d’a子 qui sort un nouveau single très immédiat et accrocheur intitulé Racy. Le morceau est excellent et rentrera facilement dans la liste de ses meilleurs morceaux. Je me dis parfois qu’il suffirait qu’un de ses morceaux soit utilisé comme thème d’un anime ou drama à succès pour que sa carrière décolle et devienne mainstream. Ce single sera présent sur un nouvel EP intitulé Steal your heart qui sortira le 6 Décembre 2023. Il y a beaucoup de sorties d’albums qui m’intéressent en cette fin d’année car Hitsuji Bungaku sort également son nouvel album 12 hugs (like butterflies) le 6 Décembre. Vaundy a sorti son double album Replica il y a quelques semaines, et vient de passer pour la première fois à Music Station, ce qui parait incroyable. King Gnu vient aussi de sortir son nouvel album The great Unknown cette semaine avec un excellent teaser. Bref, beaucoup d’idée de cadeaux pour Noël, sachant que je ne me suis pas encore procuré le Blu-ray du dernier concert (椎名林檎と彼奴等と知る諸⾏無常) de Sheena Ringo, celui que j’avais été voir cette année. Je suis un peu moins pressé car je l’ai en fait déjà vu et enregistré sur WOWOW.

Dans le billet précédent, je mentionnais que Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) de Hitsuji Bungaku avait inscrit un morceau du groupe rock indé americain Pavement dans la playlist de l’émission radio de Seji Kameda sur J-Wave dont elle était l’invité. Cela m’a donné l’envie irrésistible de revenir vers la musique du groupe, surtout que le morceau que Moeka mentionnait, Date with IKEA, est sur l’album Brighten the Corners de 1997 que je n’avais en fait jamais écouté en intégralité. J’écoute également l’album Wowee Zowee de 1995 qui est plus désorganisé mais qui doit être un de mes préférés du groupe. Deux excellents albums que j’aurais dû écouter il y a 25 ans à l’époque où je n’écoutais presque que ce style de rock alternatif américain. La manière de chanter de Stephen Malkmus est accidentée et n’a rien de conventionnel. Elle a ce petit quelque chose de naturel qui nous donne l’impression qu’il nous parle de son quotidien. Certains morceaux me rappellent un peu musicalement les premiers albums de Beck, notamment Mellow Gold et Odelay sortis à peu près à cette même époque. On y trouve un même bouillon créatif rock qui déborde d’idée mais reste très brut dans son approche. Les morceaux Stereo sur Brighten the Corners et Rattled by the Rush sur Wowee Zowee sont des bons points d’entrée. On peut ensuite se diriger vers des morceaux comme Fight This Generation ou Grounded et se plonger ensuite d’une manière nonchalante dans le discographie complète du groupe.

体験は無限

Je n’avais pas fait l’expérience de la marche entre Shibuya et Shinjuku depuis de nombreuses semaines. J’y trouve étonnamment à chaque fois des nouvelles choses à photographier comme si mon focus visuel changeait à chaque fois. Je n’avais par exemple par remarqué jusqu’à maintenant le faciès robotisé du building de la première photographie. Peut-être est-ce la lumière du soir qui change ma perception et me fait découvrir de nouvelles choses. Cette lumière du soir se reflétant sur les vitrages d’un nouveau building posé sur la nouvelle rue reliant l’avenue Meiji et le parc Shinjuku Gyōen m’attire également. Sur la dernière photographie, nous sommes dans le centre de Shinjuku devant le building MetLife Shinjuku Square décorée d’une grande illustration de l’artiste japonais originaire de Kanagawa, Hogalee. Cette œuvre a été créée en conjonction avec l’exposition de l’artiste intitulée Entanglement qui a lieu dans la galerie Kana Kawanishi dans le quartier de Koto. Le titre de l’exposition fait référence au ’quantum entanglement’, où intrication quantique en français, qui est un phénomène dans lequel deux particules forment un système lié et présentent des états quantiques dépendant l’un de l’autre quelle que soit la distance qui les sépare. Ce concept s’applique pour cette exposition dans le fait que des illustrations liées sont présentent dans deux espaces distants l’un de l’autre. Mais je ne pense pas que les illustrations en elles-mêmes se modifient les unes par rapport aux autres, car ce dessin sur le building de Shinjuku reste tout à fait statique.

Dans les rues de Shibuya, je suis toujours attiré par le personnage appelé Uyu (si je ne me trompe pas) dessiné par l’artiste Fuki Committee. Il faut dire que ces stickers sont vraiment nombreux dans les rues de Shibuya et il faut vraiment le vouloir pour ne pas les remarquer. Le message « ダメよ。ゼッタイ。 », faisant référence à une interdiction stricte, m’a toujours intrigué car on ne connaît pas la nature de cet interdit et on peut imaginer plein de choses. Ce message d’interdiction n’est en fait pas lié à un sujet précis mais fait plutôt référence à toutes les règles imposées dans le système social japonais. En ce sens, c’est un message assez similaire à celui de Wataboku dans ses illustrations de personnages féminins portant toutes sortes de panneaux d’interdiction sur leur visage. On peut soi-même imaginer de quel interdit Fuki fait référence sur ces autocollants de rue. En tout cas, un des interdits est celui de poser des autocollants sur les murs des espaces privés ou publics. J’imagine que l’artiste a dû avoir, de temps en temps, quelques problèmes avec les autorités locales. Je suis toujours surpris de voir ce genre d’artistes présenter leurs œuvres dans des galeries car c’est comme s’ils montraient à visage découvert, au grand jour. Une petite exposition intitulée Slap’n Run dans la galerie America Bashi près de Yebisu Garden Place présentait en fait des illustrations de Fuki Committee en collaboration avec deux autres artistes de rue: makersspace et VLOT. J’ai souvent vu leurs autocollants collés dans les rues de Tokyo. J’y suis passé très rapidement un soir de week-end pour apprécier leurs œuvres murales se mélanger les unes avec les autres. Le personnage aux oreilles de lapin de VLOT prenait par exemple le visage de la fille dessinée par Fuki. Les blocs pixelisés de makersspace venaient se mélanger avec les personnages des deux autres artistes.

Pour terminer en musique, je reviens vers la musique de macaroom avec deux morceaux, mugen (無限) et hong kong, sur un album sorti l’année dernière intitulé inter ice age 4. L’idée m’est venue d’écouter le morceau hong kong car je m’y suis justement déplacé quelques jours cette semaine. Le morceau mugen a cette beauté subtile typique de macaroom, qui n’exagère rien mais arrive à toucher à des sentiments profonds. Ces deux morceaux me font ensuite revenir vers d’autres plus anciens du groupe, comme celui intitulé Mother, dont j’avais déjà parlé sur ce blog. L’envie de réécouter la voix d’Emaru et les compositions d’Asahi me reviennent régulièrement, notamment le sublime morceau Tombi (sur l’album Swimming Classroom), qui reste inscrit dans ma liste, longue peut-être, des meilleurs morceaux de musique electro-pop japonaise. Je pense que la vidéo joue aussi sur l’appréciation que j’ai du morceau.

On pourrait écrire des pages et des pages sur l’importance des visuels et des vidéos. Je suis par exemple particulièrement déçu de voir Daoko utiliser une vidéo animée créée par Intelligence Artificielle pour le dernier morceau Mr. Sonic de son nouveau groupe QUBIT. On a déjà vu des centaines de fois ce type d’imageries génériques se transformant à l’infini. Il n’y a rien de spécifique à l’univers de Daoko ou de ce groupe, à part peut-être une vague ressemblance des visages. Le morceau en lui-même est loin d’être mauvais mais ne révolutionne rien. Ça ne m’empêchera pas d’aller découvrir l’album du groupe, mais je trouve que cette vidéo est un faux pas et j’ai l’impression qu’on lui a fait remarquer sur les réseaux sociaux. On est loin de la qualité de vidéos comme celle d’Onaji Yoru (同じ夜) et celle grandiose de Step Up Love (ステップアップLOVE) par Yuichi Kodama avec le génial Yasuyuki Okamura (岡村靖幸). Et en parlant de l’importance des visuels dans notre appréciation musicale, Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) de Hitsuji Bungaku (羊文学) en parlait justement dans une interview récente par Seiji Kameda (亀田誠治) sur la radio J-Wave. Elle disait qu’elle choisissait souvent la musique qu’elle allait écouter en fonction des couleurs des pochettes des albums. Je ne pouvait pas manquer cette interview, d’autant plus qu’elle a confirmé que Hitsuji Bungaku jouait bien des reprises de Tokyo Jihen, en particulier Gunjō Biyori (群青日和) à ses débuts. J’ai été particulièrement intéressé et satisfait par sa sélection musicale pour l’émission avec d’abord XTAL d’Aphex Twin (sur Selected Ambient Works 85-92), puis Date with IKEA de Pavement (sur Brighten the Corners), Amai Kaori (甘い香り) de Cocco (sur l’album きらきら), Pretender de Winter (sur Supreme Blue Dream) et finalement le morceau GO!!! du groupe qui sera présent sur le nouvel album. Ce sont des groupes et artistes que j’aime et écoute, à part Winter que je ne connaissais pas mais que je vais chercher à découvrir. La présence d’Aphex Twin me surprend mais Kameda y ressent une inspiration dans la musique de Hitsuji Bungaku, dans les chœurs peut-être ou dans cette inspiration de monde flottant. XTAL est en tout cas un superbe morceau que je me mets à réécouter maintenant. L’émission étant sponsorisée par une grande marque automobile, Moeka parle des morceaux qu’elle aime passer en voiture. Elle ne conduit pas mais c’est elle qui construit les playlists lors de virées avec ses amis. Il faudrait qu’elle les publie quelque part.

shibuyaaamyyycream

Ça fait maintenant dix ans que la station de Shibuya et ses alentours sont en phase d’importants re-développements, qui sont encore loin d’être terminés. En recherchant le premier billet intitulé Shibuya changing que j’avais écrit sur le sujet, je suis moi-même surpris que dix années se sont déjà écoulées. Le building Hikarie était un des premiers bâtiments construits dans ce vaste re-développement urbain et j’aime bien de temps en temps grimper les étages jusqu’au 11ème pour avoir une vue d’ensemble. Une annexe de la marie de Shibuya fournissant des services administratifs est en fait placée au huitième étage de ce building. Aller y chercher un certificat ou autre papier d’importance est toujours une occasion de passer quelques minutes devant les grandes baies vitrées pour admirer de loin la foule qui s’agite en cadence. Je me suis d’ailleurs amusé à prendre cette vue le soir en time-lapse avec mon iPhone et je montre cette vidéo sur YouTube (et ci-dessous). Prendre un peu plus de quinze minutes de vidéo donne environ trente secondes avec l’accéléré du time-lapse. L’accélération du time-lapse rend bien compte de cette impression de cadence chorégraphiée de la foule à Shibuya.

Je savais que Kengo Kuma et SANAA intervenaient sur certaines parties de ce développement urbain du centre de Shibuya autour de la station, mais je ne savais pas qu’Hiroshi Naito faisait partie de la supervision de l’ensemble. Il est notamment en charge du Comité de Design et membre du Comité de Coordination du ce développement. C’est Takaaki qui m’apprend cela lors d’un déjeuner dans le restaurant de ramen au yuzu Afuri à Ebisu (adresse fortement recommandée). On ne s’était pas vu depuis longtemps et on parle beaucoup d’architecture japonaise, sujet d’interêt que nous avons en commun. Il regarde de temps en temps Made in Tokyo mais se contente des photos car il ne lis pas le français. Ce souci de la langue d’écriture m’interpelle de temps en temps, et me revient en tête dans ce genre de moments. Si l’intelligence artificielle pouvait m’être utile, ça serait de pouvoir traduire de manière rapide et naturelle mes textes en français sur Made in Tokyo dans différentes langues. On n’en est pas encore là mais ça va arrivé très vite, j’en suis sûr. On parle des endroits que l’on a aimé visiter ces derniers temps et qu’on se conseille, de l’architecture de Shin Takamatsu, entre autres. C’est étonnant de voir qu’on a souvent été voir les mêmes expositions photographiques, celle de Masahisa Fukase par exemple à Yebisu Garden Place. En ce promenant dans Ebisu, nous arrivons devant la petite libraire-galerie POST books, qu’il fréquente régulièrement. Je la connaissais déjà, car la propriétaire est une amie de Mari, mais je n’étais en fait, assez bizarrement, jamais entré à l’intérieur. J’y vois un livre de photos qui m’intéresse de l’anglais Stephen Gill. Je l’avais noté dans mes bookmarks d’Instagram il y a quelques temps. Le livre s’intitule Magnificent Failure et montre des superpositions de photographies, qu’il a d’abord construit par erreur. On le feuillette avec beaucoup d’interêt avec les explications de la jeune gérante de la librairie. Elle est très renseignée et n’hésite pas à donner de son temps pour répondre à nos questions sur les livres en stock et sur la série d’œuvres montrées dans la petite galerie. C’est assez rare pour le noter. J’aurais dû acheter le livre de Stephen Gill. Mais comme souvent, il me faut un long temps de réflexion avant d’acheter des livres d’art ou de photographies, car la place manque sur nos étagères à la maison.

Le Department Store PARCO a ouvert ses portes en 1973 et fête donc cette année l’anniversaire de ses 50 ans. Cette célébration démarrait le Vendredi soir 17 Novembre au PARCO de Shibuya avec des artistes invités jouant à chaque étage du grand magasin utilisant l’espace des boutiques. Je n’avais pas eu vent de cet événement mais mahl m’en a gentiment fait part car AAAMYYY y faisait une session de DJ. La session commençant à 18h le vendredi, c’était trop tôt pour arriver à l’heure mais je réussis tout de même à m’y rendre une quinzaine de minutes avant la fin de son set. Il m’aurait été très difficile d’y aller un autre jour de la semaine que le Vendredi ou le week-end. J’étais tout de même très satisfait de pouvoir la voir en action derrière les platines, même si elle n’a pas chanté ni ne s’est adressée aux personnes venues la voir dans le magasin de lunettes qui lui servait de lieu de performance. A la sortie du bureau avec mon sac à dos, je me suis senti un peu en désaccord, au niveau du code vestimentaire, avec la plupart des autres personnes présentes dans le magasin. Il s’agit de PARCO et les personnes soignant leur style étaient nombreuses, mais passaient souvent leur temps à se déplacer sans vraiment porter attention à la musique. Ça ne m’a de toute façon pas trop préoccupé. Pendant son set, AAAMYYY a passé un morceau de Maika Loubté, ce qui était en quelque sorte un habile renvoi d’ascenseur car elle était invitée sur scène le jour d’avant pour chanter à son concert dans la salle WWW X située à quelques mètres seulement du PARCO. AAAMYYY est ensuite restée à côté dans le magasin à discuter avec des personnes qui semblaient être de son staff ou des connaissances. Je n’ai pas senti un moment propice pour aller lui dire bonjour et toute l’admiration que j’ai pour sa musique. Pendant ce temps là, le musicien électronique Miru Shinoda avait pris la relève et j’ai beaucoup aimé le début de son set. Je n’ai malheureusement pas pu resté très longtemps. On revoit un peu AAAMYYY dans les médias ces derniers temps car elle était invitée de l‘émission musicale KanJam la semaine dernière, le dimanche 12 Novembre. Espérons que ça présage l’arrivée d’un nouvel album ou EP.

Le week-end dernier, je suis passé par hasard à vélo devant le parc Kitaya de Shibuya. Depuis que j’y ai vu jouer Miyuna (みゆな) en mini-concert gratuit, ce parc me donne l’impression qu’il doit s’y passer plein de choses intéressantes. Ce qui n’est apparemment pas faux car on y montrait cette fois-ci un film en plein air, et il s’agissait d’un film dont j’ai déjà parlé sans pourtant l’avoir vu. Le film s’intitule Ice Cream Fever (アイスクリームフィーバー), réalisé par Tetsuya Chihara (千原徹也) et tiré d’un roman de Mieko Kawakami (川上未映子). Le réalisateur était assis à l’arrière sur une petite chaise de camping. Je le suis sur Instagram depuis ce film et il est facilement reconnaissable, portant toujours le même chapeau. De ce film, je ne connais en fait que le thème musical intitulé Kōrigashi (氷菓子), interprété par Kayoko Yoshizawa (吉澤嘉代子). J’aime vraiment beaucoup ce morceau que j’écoute toujours assez régulièrement. Kayoko Yoshizawa joue également dans ce film avec Riho Yoshioka (吉岡里帆), Marika Matsumoto (松本まりか), Serina Motola (モトーラ世理奈) et Utaha (詩羽) de Wednesday Campanella. Je gare rapidement mon vélo pour pouvoir regarder quelques minutes du film, debout derrière les chaises prévues pour le visionnage. On pouvait voir le film assis en achetant une place à 1000 yens. Le film était déjà commencé quand je suis arrivé et je ne pouvais pas rester très longtemps. J’ai tout de même pu prendre mon temps pour suivre quelques scènes du film d’une manière certes un peu distraite. Il faudra maintenant que je vois ce film dans de bonnes conditions.

marcher entre les arbres de Hanegi

J’étais déjà passé à pieds aux limites du quartier de Hanegi (羽根木), dans l’arrondissement de Setagaya au delà de Shimokitazawa (下北沢) et près de la station de Shindaita (新代田), car j’ai déjà pris en photo l’arbre planté au milieu de la route sur la huitième photographie ci-dessus. Cette route longe la ligne de chemin de fer desservant la station de Shindaita. Je n’avais pas jusqu’à maintenant exploré les rues intérieures du quartier de Hanegi. Mari qui y est allée avec une amie quelques jours auparavant m’a en fait fortement conseillé d’y faire un tour car elle me dit que l’architecture y est intéressante. Quelques recherches me confirment bien cela, car on trouve dans ce quartier plusieurs bâtiments de l’architecte Shigeru Ban (坂茂). Le quartier est découpé par une rue très ombragée. On remarque tout de suite un complexe ouvert fait de plusieurs bâtiments de béton séparés en trois blocs. Il s’agit de Hanegi International Garden House conçu par Kojiro Kitayama et construit en 2007. Je montre cet ensemble d’appartements résidentiels sur les cinq premières photographies du billet. Un espace vert est conservé au milieu de ce complexe et de nombreux grands arbres y sont présents. Le domaine sur lequel a été construit cette résidence appartenait à la même famille depuis la période Edo, et la conservation des arbres faisait partie des prérogatives du re-développement de cette zone. On remarque par exemple que la forme de certains escaliers s’ajustent en fonction de l’emplacement des arbres. La végétation prend également le dessus sur les façades en jaillissant des toits. Le sol du jardin central n’est pas mis à niveau et reste très accidenté, comme laissé à son état naturel. Cette configuration privilégiant la végétation est vraiment très intéressante. Il en est de même pour la résidence Hanegi Forest conçue par Shigeru Ban en 1997, que je montre sur la septième photographie du billet. La forme du bâtiment de trois étages a été dessinée pour laisser la place aux arbres déjà présents sur le site. Des formes ovales sont ainsi creusées au milieu du bâtiment pour laisser grandir les arbres. Ces formes sont difficiles à montrer correctement en photo, mais le site web de l’architecte donne une meilleure idée de la configuration spatiale du bâtiment. La résidence Hanegi Forest Annex du même Shigeru Ban se trouve juste à côté. Sa conception est différente et plus récente car le bâtiment date de 2004. Son toit en forme d’arche en acier est immédiatement remarquable. Tout comme l’autre bâtiment, il est surélevé pour laisser de la place aux parkings. J’aime beaucoup le concept du quartier conservant la végétation déjà installée. Cela donne un environnement de vie très agréable. Les deux dernières photographies du billet montrent une maison au style différent mais encore une fois conçue par Shigeru Ban. Il s’agit de House at Hanegi Park Vista, construite en 2010. Comme son nom l’indique, elle est située au bord du grand parc de Hanegi, au coin d’une longue rue en forme de L. Sa particularité est la grande toiture courbée que l’on distingue clairement depuis l’extérieur. Là encore, le site de l’architecte montre quelques photographies de l’intérieur pour mieux apprécier les qualités de cet espace au haut plafond courbé. Cette petite promenade du samedi matin a été riche en découverte architecturale. J’avais bien sûr fait des recherches avant de partir et mon parcours était par conséquent très programmé et n’avait rien du hasard, ce qui n’est pas toujours le cas.

Parlons maintenant de la musique qui accompagne l’écriture de ce billet. Gamel est une œuvre musicale vraiment atypique du groupe rock expérimental OOIOO mené par YoshimiO (ou Yoshimi P-We), de son vrai nom Yoshimi Yokota (横田佳美). YoshimiO chante dans le groupe OOIOO mais est avant tout connue pour être batteuse du groupe de noise rock Boredoms fondé par Yamataka Eye (山塚アイ). Je n’ai jamais été très attiré par la musique de Boredoms, mais j’ai un vague souvenir d’avoir été voir et écouter un live électronique de Yamataka Eye il y a un peu moins de vingt ans. Comme je ne notais pas tout à cette époque, mes souvenirs m’échappent malheureusement. Je m’intéresse soudainement à OOIOO car j’avais noté que Kyoko de Kokushoku Elegy (黒色エレジー) avait fait partie de ce groupe à ses débuts, dans les années 90. YoshimiO et Kyoko étant toutes les deux originaires de la préfecture d’Okayama, on peut deviner qu’un rapprochement s’est fait à l’époque. Le groupe OOIOO a été fondé en 1996 par YoshimiO et se compose de quatre filles: KayaN, AyA et MISHINA accompagnant YoshimiO dans sa composition actuelle. Le nom de YoshimiO m’était en fait familier depuis longtemps car elle est également membre du super-groupe Free Kitten avec Kim Gordon de Sonic Youth (et Julia Cafritz de Pussy Galore). OOIOO a d’ailleurs fait l’ouverture de Sonic Youth lors de leur tournée japonaise de 1997. En lisant les fiches Wikipedia, je suis assez surpris de me rendre compte que YoshimiO a même inspiré le titre de l’album Yoshimi Battles the Pink Robots de The Flaming Lips. Elle y jouait d’ailleurs de la batterie. Plutôt que d’écouter des albums de années 90 de OOIOO, je me dirige sur celui intitulé Gamel sorti en 2014, pour l’avoir vu cité dans une liste des meilleurs albums japonais de la décennie passée. Comme son nom l’indique, cet album expérimental met en avant les sons du gamelan (ꦒꦩꦼꦭꦤ꧀), un ensemble instrumental traditionnel indonésien caractéristique des musiques javanaises. Lorsque je pense au gamelan, me viennent tout de suite en tête les sons du morceau Tetsuo (鉄雄) par Geinō Yamashirogumi (芸能山城組) sur la bande originale Symphonic Suite AKIRA, que j’ai dû écouter une centaine de fois après avoir vu le film au cinéma en France. L’ambiance de Gamel est bien entendu très différente mais la force et la présence du gamelan est inimitable. Les chants y sont étranges, les motifs instrumentaux souvent répétitifs, la composition souvent déconstruite ou du moins non conventionnelle, mais quelle beauté pleine d’inattendu ! Comme je le dis parfois, ce n’est pas forcément une musique pour toutes les oreilles. Le premier morceau Don Ah de 10 minutes est une excellente entrée en matière. On se laisse facilement entraîner dans ces étranges compositions, parfois à la limite du psychédélique, ressemblant d’autres fois à des chants ou à des incantations d’une tradition ancestrale perdue. Il faut pour sûr accepter de rentrer dans ce monde, et cette musique devient ensuite très rapidement fascinante et addictive. On a parfois l’impression d’assister à des sessions Live improvisées, même si le tout reste très construit. On n’arrive tout simplement pas à bien imaginer les limites de cet objet musical à l’approche très libre, proche de la performance artistique (les cris de YoshimiO sur Gamel Kamasu par exemple). Le deuxième morceau Shizuku Gunung Agung est très marquant. Le gamelan a cette capacité de s’ancrer dans notre cerveau et les chants à la fois répétitifs et distordus contribuent à ce phénomène d’addiction sonore que je mentionnais ci-dessus. Les morceaux Atatawa et Jesso Testa sont également très singuliers et comptent parmi mes préférés de l’album. L’ensemble de l’album Gamel durant un peu plus d’une heure a une grande unité de style avec des morceaux se chevauchant souvent les uns sur les autres, avec le gamelan comme instrument d’union continuelle. Gamel est un véritable ovni mais également un petit bijou musical. La photographie du groupe OOIOO ci-dessus a été prise par le photographe Takashi Homma (ホンマタカシ), ce qui me rappelle d’ailleurs qu’il faut que j’aille voir son exposition Revolution 9 qui se déroule jusqu’au 21 Janvier 2024 au Tokyo Photographic Art Museum à Yebisu Garden Place.