Toranomon Hills Station Tower par OMA

La nouvelle grande tour Toranomon Hills Station Tower vient d’ouvrir ses portes à Toranomon le 6 Octobre 2023. Elle a été conçue par OMA (Office for Metropolitan Architecture), l’agence internationale d’architecture fondée entre autres par Rem Koolhaas en 1975. Station Tower vient s’inscrire dans le re-développement du quartier de Toranomon par Mori Building qui avait commencé par la Toranomon Hills Mori Tower (ouverte en Mai 2014), suivie par la Business Tower (Janvier 2020) et la Residential Tower (Janvier 2022). Ce nouvel ensemble Toranomon Hills reste fidèle au modèle de mini-villes intégrées initié avec Ark Hills à Tameike-Sanno et Roppongi Hills. L’ensemble est un projet d’urbanisme extensif incluant des interconnections entre les buildings et une nouvelle avenue, la Shin-Tora, qui avait été créée au moment de la construction de la tour Initiale Mori Tower et qui vient compléter la route circulaire numéro 2 (Ring Road No.2, 環状二号線). Une station de bus a également été créée, ainsi qu’une nouvelle station de métro sur la ligne Hibiya. Toranomon Hills a même une mascotte appelée tout simplement Toranomon (トラのもん) ressemblant à un Doraemon peint en blanc, représentant un robot businessman en forme de chat (猫型ビジネスロボット). La tour Mori Tower et la nouvelle Station Tower sont reliées pour un pont piéton large de 20m nommé T-deck passant au dessus de l’avenue Sakurada-dori et traversant le Glass Rock, un petit building de verre et d’acier aux formes asymétriques. Le Glass Rock donne un accès à la station de métro de la ligne Hibiya mais n’est pas encore ouvert dans sa totalité. Un long tunnel souterrain que je montre sur la dernière photographie du billet connecté la station Toranomon Hills de la ligne Hibiya à la station Toranomon de la ligne Ginza. La Station Tower n’est pas non plus entièrement ouverte. Il y a encore des travaux en cours à l’extérieur et à l’intérieur. Certains étages sont toujours fermés. J’étais pourtant assez impatient de voir cette nouvelle tour de près et je me suis créé une occasion de la visiter en allant chez le coiffeur situé au septième étage de la tour. Je n’avais jamais été me faire couper les cheveux en ayant une telle vue sur la ville, celle que je montre sur la deuxième photo du billet.

Les premiers étages de la tour Station Tower sont des espaces ouverts reliés par des escalators, formant un atrium de 2,000m². On est tout de suite impressionné par la richesse des lieux, pas spécialement une richesse des matériaux mais une richesse visuelle certaine. Cet espace est dense et visuellement intéressant. Les murs et les plafonds sont par exemple pour la plupart recouverts de matériaux de formes géométriques angulaires donnant un aspect futuriste à l’ensemble. Les escalators orientés dans différentes directions ont des parois de protection composées de verres colorés remarquables. La tour fait 266 mètres de haut pour 49 étages et 4 sous-sols. En plus des classiques espaces de bureaux, espaces commerciaux et l’hôtellerie, elle intègre également un espace dit de communication interactive appelé TOKYO NODE, situé en haut de la tour mais accessible à partir du huitième étage. TOKYO NODE contient des halls d’exposition, des galeries, une piscine, des restaurants, entre autres. Cet espace est particulièrement intéressant car il laisse penser que de nouveaux types de spectacle pourront y être montrés. Depuis l’ouverture, on peut voir jusqu’au 12 Novembre 2023 un spectacle intitulé Syn: Unfolded Horizon of Bodily Senses (身体感覚の新たな地平) faisant collaborer Rhizomatiks avec ELEVENPLAY sous la direction artistique de la chorégraphe MIKIKO. ELEVENPLAY est un groupe de danseuses dirigées par MIKIKO dont j’ai déjà souvent parlé ici car elles ont souvent participé aux tournées de Sheena Ringo. Saya Shinohara (篠原さや), membre du groupe, a également joué dans plusieurs vidéos de Sheena Ringo, comme celle de la nouvelle version remixée de JL005 bin de (JL005便で ~Flight JL005~), ou celles de Nagaku Mijikai Matsuri (長く短い祭) et Kamisama, Hotokesama (神様、仏様). Le collectif créatif Rhizomatiks, créé par l’artiste et DJ Daito Manabe (真鍋大度), est spécialisé dans les effets spéciaux numériques. Rhizomatiks s’est fait connaître pour les effets visuels des performances du groupe Perfume (notamment Reframe en 2019, Time Warp en 2020 ou encore Polygon wave à la PIA Arena de Yokohama…) qui sont chorégraphiées par MIKIKO. En feuilletant un peu le site web de Rhizomatiks montrant leurs créations passées, je vois qu’il y a eu beaucoup de performances en collaboration avec ELEVENPLAY, mais j’y vois aussi quelques noms de musiciens étrangers comme Squarepusher pour les visuels de sa tournée japonaise de 2022 et UNDERWORLD avec SAKANACTION pour un live en Octobre 2022. Le prix d’entrée au spectacle du moment est certes un peu cher à 8,000 Yens par personne. On ne peut en voir qu’une courte vidéo, ce qui rend le tout très intriguant.

Je suis venu plusieurs fois voir cette tour grandir car sa construction a laissé rapidement apparaître des formes externes atypiques et une structure intérieure complexe, qui m’ont beaucoup intrigué. Je n’ai pas pris de photos à chacun de mes passages, mais j’ai au moins trouvé dans mes archives les deux ci-dessus prises de nuit le 25 Février 2022. Il y a quelque chose d’assez fantastique dans les constructions vues de nuit. Tout y est calme et seulement quelques lumières éclairent les enchevêtrements de poutres métalliques qui peuvent facilement devenir mystérieuses voire inquiétantes. Il faudrait que j’explore un peu plus ce type de photographies. Pour revenir au building dans sa forme actuelle, j’en montre quelques autres photos sur mon compte Instagram.

something in the air right above the palm tree

Idéalement placée en plein centre de Daikanyama près du palmier synthétique jaune et vert couvert de panneaux solaires, la nouvelle résidence conçue par Kengo Kuma semble être proche d’être terminée. Son design, utilisant le bois comme très souvent chez l’architecte, est élégant, du moins beaucoup plus que l’ancien centre commercial que cette résidence vient remplacer. Le palmier reste lui immuable et est devenu emblématique du quartier. En regardant de loin, on pourrait vaguement penser à un palmier au bord de mer dans une illustration de Hiroshi Nagai comme celle intitulée Shade of Palm Grove. Hiroshi Nagai est notamment connu pour la couverture de l’album City Pop A Long Vacation d’Eiichi Ohtaki, sorti en 1981. Je n’ai jamais été attiré par le style City Pop des années 1980 à part quelques morceaux découverts un peu par hasard sur Internet. Dans les rues de Daikanyama, je retrouve des autocollants de la fille au regard déterminé dessinée par Fuki Committee. Il est très actif à Shibuya et dans ses quartiers limitrophes. J’aurais voulu aller voir son exposition récente dans la petite galerie Night Out, mais le temps m’a malheureusement manqué. Je ne me souviens plus quel était l’objectif de cette marche. Il n’y avait sans doute pas d’objectif précis, à part celui de marcher en écoutant la musique que j’aime. J’ai à priori fait une boucle qui m’a ramené vers le centre de Shibuya, en passant devant Bunkamura. J’y prends en photo les affiches alignées car je reconnais l’ancien et photogénique Hôtel Belvédère construit en 1882 en Suisse qui doit apparemment apparaître dans un film de Wes Anderson. En fait non, il s’agit d’une exposition de photographies intitulée Accidentally Wes Anderson qui aura lieu du 25 Novembre au 28 Décembre 2023 dans le hall d’exposition du building Hikarie à Shibuya. Cette exposition semble très intéressante. À côté de cette affiche, il s’agit d’Élisabeth d’Autriche, surnommée Sissi, dans une pause singulière pour l’époque. Le film intitulé Corsage retrace la vie de Sissi pendant l’année 1878. Il est très peu probable que j’aille le voir, ceci étant dit, car l’affiche ne nous y invite pas vraiment.

Je parlais un peu plus haut de la galerie Night Out, que je voulais visiter depuis un bon petit moment sans pourtant trouver une bonne occasion. Les images des peintures de l’artiste Shigeki Matsuyama (松山しげき) pour son exposition Portrait of dazzle vues sur le compte Instagram de la galerie m’attirent tout de suite, et je me décide à aller les voir ce lundi, jour férié mais pluvieux. Je n’aime pas beaucoup marcher longtemps sous la pluie mais je ne voulais pas manquer de voir de près ces portraits tout à fait fascinants. La galerie se trouve dans une petite rue à quelques dizaines de mètres du musée Watarium. Elle est située au troisième étage d’un immeuble étroit et il faut sonner à l’interphone pour y entrer. La galerie se compose d’une seule grande salle rectangulaire composée de murs blancs et donnant sur une longue baie vitrée. L’espace est très lumineux et met d’autant plus en valeur les œuvres de Matsuyama posées sur chacun des murs. Sur ces portraits, le contraste entre les yeux très détaillés et expressifs et les formes des visages et des corps très simples et stylisées me fascinent. Il y a un mélange d’universalité et d’unicité dans ces représentations abstraites. C’est vraiment brillant car ces formes simples nous semblent familières sans forcément avoir une idée précise en tête de qui il pourrait bien s’agir. La plupart de ses figures sont féminines à part une seule posée à côté du comptoir de la galerie. Cette figure là semble masculine mais est en même temps androgyne. Je pense très vaguement à Grace Jones. En me voyant prendre de nombreuses photographies et m’attarder longtemps sur chaque œuvre, la personne tenant la galerie (je ne sais si elle est gérante ou seulement employée de la galerie) me demande si je connais personnellement l’artiste, ce qui n’est pas le cas. Étant seul dans la galerie, la conversation s’engage car cette personne est très sympathique. On parle des œuvres que l’on admire dans la galerie et j’en viens à expliquer les raisons pour lesquelles je connais cette galerie. Je l’avais découverte en faisant des recherches sur Internet après avoir pris en photo les autocollants de Fuki Committee comme celui montré ci-dessus. Elle me dit qu’elle en fera part à l’artiste Fuki-san qui sera certainement content d’apprendre le cheminement de cette découverte. Au passage, elle me donne des autocollants que je vais garder précieusement. J’ai très souvent pensé créer mes propres autocollants à partir de mes formes urbano-végétales pour ensuite aller les coller dans les rues de Tokyo, mais ça ne doit pas être autorisé. Je me retiens donc fortement.

Il y a un plusieurs semaines, j’ai entendu à la radio un nouveau morceau de Kirinji (キリンジ) intitulé Honomekashi (ほのめかし) qui m’a tout de suite attiré. Kirinji est depuis l’année 2020 le projet solo de Takaki Horigome (堀込高樹) et il était invité dans cette émission de radio (J-Wave, je pense) pour présenter son nouvel album Steppin’ Out, sorti le 6 Septembre 2023. Ce morceau Honomekashi est une collaboration avec un duo rock coréen appelé SE SO NEON (새소년). Ce n’est pas la première fois que j’entends Kirinji en duo avec un ou une artiste coréen. Le premier morceau que j’ai écouté de Kirinji était d’ailleurs le sublime Killer Tune Kills Me avec la coréenne YonYon. J’aime beaucoup Honomekashi car on s’y sent bien en l’écoutant, flottant loin au dessus de tout ce qui va mal dans ce monde. Avec Kirinji, j’aime quelques morceaux pris indépendamment mais je ne me suis jamais lancé dans l’écoute d’un album entier. Pourquoi ne pas essayer avec son dernier Steppin’ Out? Ça commence très bien avec le premier long morceau Runner’s High, que j’aime vraiment beaucoup, et ce dès les toutes premières notes électroniques cosmiques. J’aime aussi beaucoup la manière dont Takaki Horigome chante dans la deuxième partie du morceau tout en tension maîtrisée. Il y a clairement une ambiance City Pop, à laquelle je ne suis pas vraiment habitué. On qualifie de City Pop, toute la musique pop japonaise qu’on a envie d’écouter la nuit en ville en voiture en faisant durer le trajet pour pouvoir écouter l’album en entier (et optionellement le chanter en même temps). Enfin, c’est la définition que je donne et ça correspond parfaitement à ce morceau là de Kirinji. Le deuxième de l’album, nestling, est moins fort mais continue assez bien dans cette lignée City Pop. Kirinji a un sens très affuté de la mélodie. Malheureusement, les trois et quatrième morceaux me plaisent beaucoup moins et je décroche jusqu’au cinquième Honomekashi, qui m’interpelle à chaque fois. Le sixième morceau intitulé seven/four me plaît aussi énormément car il s’agit d’un instrumental jazz très atmosphérique. La suite m’intéresse de nouveau beaucoup moins. Au total, sur les neuf morceaux de l’album, j’en apprécie réellement que quatre. Je suis un peu déçu de ne pas pouvoir apprécier l’album en entier, d’autant plus que la couverture dessinée par l’illustrateur Naofumi Osawa “Miche” (みっちぇ) du studio Bōrei Kōbō (亡霊工房) est superbe. Ça sera peut être pour son prochain album. En entendant, ces quatre morceaux sélectionnés tournent très régulièrement dans ma playlist et je ne m’en lasse pas.

CAPSULE A906 et l’image d’un futur lointain

Je suis allé plusieurs fois voir de près la tour Nakagin Capsule Tower (中銀カプセルタワービル) de l’architecte Kisho Kurokawa (黒川紀章), œuvre architecturale emblématique du mouvement métaboliste japonais, avant sa destruction malheureuse. Je n’étais par contre jamais entré à l’intérieur d’une capsule. Pendant les dernières années avant sa destruction, certains tours opérateurs indépendants proposaient des visites de la tour Nakagin et d’une ou de plusieurs capsules in-situ, mais le timing ne m’avait jamais permis d’y aller. Je le regrette un peu maintenant, mais je me rattrape en quelque sorte cette fois-ci en visitant deux des capsules de la tour présentes dans la galerie SHUTL à Tsukiji, près d’Higashi-Ginza. Au moment de la destruction de la tour Nakagin, on sait que certaines capsules ont été extraites en vue d’une utilisation ultérieure. La finalité de la mise en place de deux capsules dans cette galerie n’est pas très claire. L’espace était ouvert aux visiteurs pendant seulement deux jours, le Samedi 7 et Dimanche 8 Octobre 2023. Je comprends que cette galerie deviendra ensuite un espace créatif, conservant les deux capsules en son enceinte. Il sera en fait possible de louer cet espace, comme une galerie d’art, pour des expositions, des lectures ou projections de films, des interviews, entre autres. La première exposition démarrant le 13 Octobre serait en lien avec les idées du mouvement des Métabolistes. J’ai eu vent de cette ouverture temporaire de deux jours grâce au compte Instagram de l’amatrice d’architecture et guide tokyoïte Haruka Soga, qui en parlait donc sur son compte. Vu l’importance de Nakagin pour l’histoire de l’architecture japonaise et l’espace que j’imaginais à raison très réduit des capsules et de la galerie, je me suis dis qu’il fallait mieux y aller en avance. L’espace ouvrant à 13h, je m’y suis donc rendu une heure avant, vers midi. Une vingtaine de personnes étaient déjà sur place à attendre à l’entrée de la galerie, mais les membres du staff ont rapidement décidé de donner des tickets d’entrée par heure pour éviter une longue file d’attente dans la rue de la galerie. Mon petit ticket en poche, j’en ai profité pour faire un tour du quartier en passant visiter une nouvelle fois l’intérieur du grand temple Tsukiji Honganji puis en passant devant le théâtre Kabukiza avant de m’enfoncer dans les rues d’Higashi-Ginza. L’heure a passé assez vite et me revoilà devant la galerie dix minutes avant l’ouverture.

Deux capsules étaient accessibles à la visite, une capsule originale appelée CAPSULE A – A906 et une autre nommée CAPSULE B – A1006 qui n’était en fait qu’un squelette de la capsule montrant sa structure métallique. La capsule originale est bien entendu la plus intéressante car elle a été restaurée comme à l’origine avec son large lit prenant pratiquement tout l’espace des 8.5 m2 habitables de la capsule. On retrouve donc devant le lit, l’emblématique large hublot avec son rideau à ouverture circulaire et l’équipement audio-vidéo d’un autre temps: le lecteur à bandes, la petite télévision cathodique et le vieux téléphone. La sobriété de l’espace de couleur blanchâtre et le design général évoque l’image d’un futur imaginée à une époque désormais bien lointaine. L’espace est tellement exiguë qu’on a un peu de mal à y tenir à deux personnes. Les toilettes et la salle de bain en un bloc sont plus communes, car on en trouve encore maintenant dans certains hôtels bon-marchés. J’imagine assez bien cet espace être utilisé pour des interviews d’artistes ou de personnalités. Le squelette de la capsule B est moins intéressant à la visite. On imagine qu’il va être utilisé pour y afficher des œuvres artistiques lors de futures expositions. J’aurais voulu passer un peu plus de temps à l’intérieur de la capsule originale, mais les visites sont chronométrées. Je me doute bien que visiter une capsule dans la tour Nakagin d’origine devait être beaucoup plus intéressant. Il s’agit en tout cas d’une petite consolation que j’ai tout de même beaucoup apprécié. Je montre quelques photos supplémentaires de cette visite sur mon compte Instagram.

Il y a quelques semaines, je suis allé voir l’exposition de l’artiste Minoru Nomata (野又穫) à la galerie d’art de Tokyo Opera City, près de Shinjuku. Cette exposition solo de Minoru Nomata s’intitulait Continuum et se déroulait du 6 Juillet au 24 Septembre 2023. J’en suis ressorti enchanté. Ces peintures montrent des structures architecturales mystérieuses, que l’on aurait du mal à dater comme si elles provenaient d’un futur déjà passé. Regarder ces peintures est ludique car on peut du regard marcher à l’intérieur, en emprunter les marches des escaliers et des échelles. On devine certaines propriétés aéronautiques à ces structures mais leurs fonctions et leur significations laissent interrogatifs. Quel est le sens de ces grandes voiles de bateaux posées sur un bâtiment accroché fermement au sol, ou ces ballons qui ne demanderaient qu’à s’envoler mais qui restent prisonniers attachés à un socle sur la terre ferme? Nomata nous montre également d’étranges sphères de taille gigantesque abritant dans leur centre un microcosme végétal, comme si elles voulaient protéger cette végétation d’un milieu extérieur hostile. Mais les peintures de Nomata mettent pourtant en scène des créations humaines dans leur contexte naturel dans une cohabitation paisible. Les structures délicates ne semblent pas êtres ébranlées par les éléments. La peinture intitulée Babel est l’une des plus impressionnantes par sa taille et son souci du détail. A quoi peut ressembler la vie dans une structure écrasante telle que celle-ci? Cette structure est pourtant très lumineuse. Il serait peut être même très agréable de marcher sur ces longs escaliers en hauteur rafraichit par un vent qui ne peut venir que de la mer. Des images nous viennent forcément en tête en regardant ces structures, et j’en viens même à souhaiter qu’un illustrateur de manga réutilise cet univers pour un film d’animation. Je pense rapidement à Tsutomu Nihei (弐瓶 勉) bien que son oeuvre soit beaucoup plus sombre.

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La destruction d’image m’intéresse depuis longtemps et j’aime bien y revenir de temps en temps. Ce type de compositions mêlant de multiples superpositions photographiques peuvent être cependant difficile à appréhender. J’opère souvent par essais et erreurs en ayant une idée de base en tête. La réussite des images est forcément très suggestive. Mon expérimentation sur une image s’arrête au moment où j’éprouve une certaine satisfaction, quand, dans le cas présent, l’image d’une beauté sombre et chaotique provoque en moi une certaine émotion. Ces images correspondent à mon avis assez bien à la musique qui va suivre. À part ces images intrigantes, j’ai de nouveau changé le design du titre de Made in Tokyo et je suis plutôt satisfait de celui-ci, combinant le nom en anglais et en japonais du blog. Ce design est basé sur une police de caractère assez standard mais modifiée par mes soins. Je pense le garder pendant quelques temps. J’ai toujours beaucoup de mal à imaginer un changement général de mise en page du blog, mais je ne me décourage pas de trouver un jour un nouveau design qui me satisfera.

Dans les découvertes musicales récentes, il y a d’abord un morceau intitulé Futōmei na Mama De (不透明なままで) par Minori Nagashima (長嶋水徳) qui prend également le nom de serval DOG. Ce n’est pas un morceau facile car sa structure est complètement atypique, avec une ambiance dans l’ensemble agressive mais ne perdant pas au passage des aspects mélodiques. Le chant de Minori Nagashima est très changeant et instable avec certains moments parlés qui semblent interroger l’auditeur (お前どうしたい?) et d’autres chantés à la limite du menaçant (en roulant les « r »). C’est un morceau conceptuellement très intéressant et très dense.

Je découvre ensuite un morceau plus directement axé rock intitulé Yami Yami (ヤミヤミ) par The MUSMUS (ザ・ムスムス). Ce groupe rock évoluant dans des ambiances sombres voire punk est composé de quatre membres dont certains originaires de Kyoto. CHIO est la chanteuse du groupe accompagnée par YOOKEY à la guitare, KYOYA à la basse et SHINGO à la batterie. Le groupe est en activité sous ce nom depuis 2015 et aurait apparemment été en hiatus pendant quelques années jusqu’à maintenant. Le morceau Yami Yami est condensé en moins de trois minutes, et le cadencé vocal ultra rapide de CHIO nous saisit tout de suite avant de devenir plus mélodique pour le refrain. Le riff de guitare très présent et répétitif rythme le morceau qui avance très rapidement en s’accordant quand même des petites secondes de répit vers la fin. Il faut bien sûr aimer ce style de voix aiguë et transperçante.

Je termine ensuite avec un autre morceau excentrique d’un groupe nommé Limited Express (has gone?) ou en version raccourcie Rimi Eki (リミエキ). Le groupe, originaire du Kansai et composé de Yukari au chant et à la basse, Jinichiro Iida à la guitare et au chant et Josh à la batterie, n’est pas un nouvel arrivant car il s’est formé en 1998. J’écoute par contre un morceau récent du groupe intitulé Ramen+Rice (ラーメンライス) présent sur l’album Tell you Story sorti le 23 Août 2023. Comme le titre du morceau pouvait le laisser penser, la vidéo est tournée dans l’espace réduit d’un restaurant de ramen. Je suis vraiment épaté par la densité et l’excentricité vocale de Yukari et par la rapidité des guitares qui filent comme un train fonçant vers un mur (le nom du groupe me fait penser à l’univers ferroviaire). C’est un morceau sans aucun compromis plein d’une certaine folie musicale qui est pourtant parfaitement maîtrisée que ça soit au niveau du chant ultra rapide ou des guitares.

if i were an angel, 羊文学

Le concert du groupe rock alternatif Hitsuji Bungaku (羊文学) de leur tournée 2023 « if i were an angel, » était un vrai bonheur et je garde toujours en tête l’émotion des moments passés debout parmi la foule à écouter avec passion la musique du groupe. Je suis allé les voir le Mardi 3 Octobre 2023 dans la grande salle Zepp Haneda, qui se trouve à la station de Tenkubashi juste à côté de l’aéroport. Il s’agit d’une grande salle avec un étage couvrant une capacité d’environ 2,500 personnes et les deux dates de Tokyo étaient à guichet fermé. Cette tournée en 12 dates était nationale et la plus grande de leur carrière musicale, démarrant à Niigata le 2 septembre, en passant par Yokohama, Sapporo, Osaka, Sendai, Nagoya, Fukuoka, Hiroshima, Takamatsu pour terminer avec deux dates à Tokyo au Zepp Haneda. J’ai assisté à l’avant dernier concert de cette tournée, que la compositrice et interprète Moeka Shiotsuka (塩塚モエカ) surnommait elle-même la « Demi-Finale ». Le dernier concert de la tournée avait lieu le 4 Octobre mais était déjà complet au moment où les réservations ont été ouvertes. Cette date devait très certainement être réservée aux membres du fan club du groupe. J’avais acheté mon billet le 1er Juillet, donc trois mois avant le concert. Je m’étais même empressé à acheter un billet dans l’heure suivant l’ouverture de la billetterie. Malgré cela, mon billet me situait dans le bloc C, derrière les blocs B et A situés plus en avant près de la scène. En fait, le bloc définit l’ordre d’appel et d’entrée dans la salle. Une fois entré, rien ne nous empêche d’essayer de s’approcher au plus près de la scène. En ce qui me concerne, j’ai surtout cherché à trouver un point vers le milieu de la salle où je ne serais à priori pas trop gêné par les têtes qui dépassent devant moi dans la foule. Par rapport au dernier concert que j’ai été voir, celui de a子, la taille du Zepp est beaucoup plus impressionnante mais la visibilité reste bonne dans l’ensemble, car la salle est plus large que profonde. La taille de la salle est dans le même ordre de grandeur que celle de Toyosu Pit où j’avais été voir Tricot pour la première fois. J’ai eu beaucoup de temps pour me préparer mentalement à ce concert, enfin préparer musicalement plutôt, en vérifiant que j’avais bien écouté toute la discographie du groupe.

En écoutant les 20 morceaux joués pendant ce concert, on se rend compte de la qualité de la discographie de Hitsuji Bungaku car ils n’ont pas joué que leurs morceaux les plus récents et plus connus, mélangeant d’autres plus anciens qui sont tout aussi bons. Après seulement quelques années d’existence, cette discographie est déjà très importante et sans faiblesse. Ce concert était en fait une étape de transition car il ne s’agit pas de la tournée liée à la sortie de leur dernier album our hope, tournée pour laquelle je n’avais d’ailleurs pas réussi à acheter un billet, et le groupe n’a pas non plus de nouvel album sorti cette année. Hitsuji Bungaku a par contre joué deux de leurs singles récents à savoir FOOL et More than words, dont j’ai déjà parlé sur ces pages. L’excellent More than words apparaîtra en fait sur leur prochain album. Ils nous ont également fait le plaisir de jouer trois morceaux inédits de ce futur nouvel album: hosnestly, flower et un troisième dont on ne sait pas encore le titre. Dès la première écoute pendant ce concert, j’ai été surpris par la qualité et l’accroche. Pendant le passage de MC présentant rapidement deux des morceaux, Moeka nous disait qu’elle sentait elle-même une sorte de pression de ne pas faire moins bien que More than words. Le nouvel album s’annonce en tout cas très bien. Il faudra entendre la toute fin du concert pendant les rappels, pour qu’on nous annonce le titre et la date de sortie de ce nouvel album tant attendu. Il s’intitulera 12 hugs (like butterflies) et sortira le 6 Décembre 2023. Un point amusant est que Moeka, sur le coup de l’émotion peut-être, n’a d’abord pas réussi à nous dire d’une manière très claire le titre de cet album ce qui a obligé une personne du public à lui demander de répéter, ce qu’elle a fait après un sourire. Yurika donnait également une autre annonce, celle d’un prochain concert le 21 Avril 2024 dans la grande salle de 17,000 places de Yokohama Arena. Ce sera la plus grande salle de l’histoire du groupe. Comme le concert est situé quelques mois après la sortie de leur nouvel album, j’imagine qu’ils n’auront pas trop de soucis à remplir l’Arena. Ce concert s’appellera « III », représentant les trois membres du groupe et pas le kanji de la rivière comme le disait Yurika en plaisantant. J’étais en tout cas assez content que le groupe réserve l’exclusivité de ces annonces à l’avant dernier concert de la tournée plutôt qu’au dernier qui avait lieu le lendemain.

Le concert a duré environ deux heures et mélangeait des morceaux de tous les albums et EPs de leur discographie, en plus des morceaux récents mentionnés ci-dessus. Le concert a commencé par le morceau intitulé Ending (エンディング) qui est le premier de leur premier album Dear Youths (若者たちへ). Le groupe était d’abord caché par un écran opaque sur lequel était diffusé des images mouvantes étranges représentant parfois des visages. Il s’agissait d’une création de l’artiste contemporain Yuma Kishi (岸裕真) qui crée des images irréelles à partir de photographies ou de peintures réelles en utilisant l’intelligence artificielle. Dans un esprit similaire, il a notamment réalisé une vidéo pour Hatis Noit pour le morceau Angelus Novus du superbe album Aura dont j’ai déjà parlé ici. Je trouve que ces images projetées sur scène correspondent à celles d’anges comme indiqué dans le titre de la tournée, sauf que cette représentation n’est pas binaire. Elle est sans arrêts changeante comme si elle reflétait les multiples émotions et sentiments humains. On retrouve ensuite ces images d’anges changeant de manière fantastique à la fin du concert juste avant les rappels, pendant le superbe morceau Ghost. Les images de cet ange fantôme sont cette fois-ci basées sur des photographies de la modèle Mai Matsumoto, si on en croit la description sur le compte Instagram de l’artiste. Ce morceau Ghost n’est pas le plus dynamique du groupe car il se base plutôt sur une progression sonore lente et profonde. Ce choix pour un dernier morceau de concert me fait dire qu’ils sont très sûr de leur art, sans essayer de créer un coup d’éclat final avant les rappels. Cet aspect là m’a beaucoup plu et a captivé le public, comme tout le reste du concert d’ailleurs.

Les morceaux se sont bien sûr enchaînés sans qu’on se rende compte du temps qui passe et les deux heures ont passés bien vite. Il y a eu plusieurs passages de MC adressés à la foule. Pratiquement plus personne ne porte de masque dans le public et il n’y a plus depuis longtemps de restriction pour parler (ou crier dans certains cas). Les cris de la foule étaient par conséquent plus nombreux et présents que dans les concerts précédents. J’étais en fait très curieux de voir comment le groupe allait se comporter sur scène, car ses racines sont vraiment ancrées dans le rock indépendant et alternatif avec une bonne dose de mélancolie, mais un certain nombre de morceaux récents sont très dynamiques et accrocheurs. Moeka et la bassiste Yurika Kasai (河西ゆりか) sont relativement statiques sur scène mais se laissent aussi assez souvent emporter par leur morceau. J’ai beaucoup aimé la manière par laquelle Yurika se déchaînait sur sa basse sur certaines fins de morceaux, comme celui intitulé Inori (祈り) du EP Zawameki (ざわめき), qui se concluaient par un feu d’artifice de guitares. Tout comme sur les albums, je suis impressionné en live pour la puissance sonore de la guitare électrique de Moeka Shiotsuka. Le fait qu’ils ne soient qu’un trio n’affecte en rien la force musicale de l’ensemble car chacun des membres est complètement investi dans la musique qu’ils produisent sur scène, sans compromis. Le jeu de batterie de Hiroa Fukuda (フクダヒロア) me plait aussi beaucoup, car on ressent physiquement chacun de ses coups de percussions. Cette force musicale est d’autant plus renforcée par la voix très présente de Moeka et l’addition très fréquente des chœurs de Yurika. Toutes ses sonorités, la palette étendue de la voix de Moeka, les chœurs de Yurika, donnent une atmosphère très riche et dense, qui sait être bruyante mais est avant tout émotionnelle. Et j’aime énormément la voix de Moeka Shiotsuka. On la surnomme également Heidi (ハイジ). Je ne connais pas la raison exacte de ce surnom mais il me semble correspondre assez bien à l’accent particulier qu’elle met parfois sur ses paroles en chantant. Les trois membres de Hitsuji Bungaku ont entre 26 et 27 ans mais je trouve que le groupe a déjà atteint une grande maturité, qui n’empêche pas non plus certains moments de folie. En fait, sur scène, on ressent le groupe comme restant naturel. L’émotion de Moeka est palpable lorsqu’elle nous dit, dès le début du concert, que c’est l’avant dernier de cette tournée, ou quand son visage s’éclaire de joie et qu’elle encourage de mouvements de bras le public déjà bien acquis à la cause du groupe. Il y a un respect que je ressens personnellement très bien et qui me fait d’autant plus apprécier ce groupe. Le batteur Fukuda qui ne parle pas beaucoup derrière ses très longs cheveux noirs qui lui cassent la plus grande partie du visage et du corps, indique d’ailleurs que le groupe continuera à jouer leur rock sans trembler (ブレずにカッコよくロックを) dans le sens où il et elles resteront imperturbables dans leur direction musicale.

Il y avait beaucoup de moments mémorables dans ce concert, notamment lors des singles emportant la foule comme Ningen datta (人間だった), OOPARTS ou Hikaru Toki (光るとき). J’ai beaucoup aimé Tengoku (天国) car il faisait intervenir le public par des appels et réponses faits de mouvements de bras. C’était le seul réel morceau dans ce style volontairement interactif. J’ai beaucoup apprécié le fait qu’ils jouent le morceau 1999 dans les rappels car il s’agit du morceau par lequel j’ai découvert le groupe et parce que cette année là, correspondant à mon arrivée à Tokyo, est forcément pour moi particulière. A part les inédits, il y avait un seul morceau que je ne connaissais pas tiré du EP your love et intitulé Yoru wo Koete (夜を越えて). Je m’en voudrais presque de ne pas l’avoir connu avant le concert car c’est vraiment un morceau sublime que j’écoute maintenant beaucoup, tout comme le reste de leur discographie dont j’ai un peu de mal à me détacher. Les quatre premières photographies du billet ont été prises par moi-même, tandis que les autres sont des photographies montrées par le groupe sur leurs comptes Twitter ou Instagram et prises principalement par les photographes Asami Nobuoka et Daiki Miura. La photographie de l’affiche de cette tournée a été prise par le photographe Nico Perez, basé à Tokyo. Il a souvent pris le groupe en photo et a réalisé la photographie qui accompagnera la sortie du futur album. En fait, j’aime tant cette photo de tournée en noir et blanc que je n’ai pas résisté à l’envie d’acheter le T-shirt, en version noire comme le porte Moeka en photo ci-dessus.

Pour référence, ci-dessous est la set list de la tournée 2023 « if i were an angel, » à Zepp Haneda le Mardi 3 Octobre 2023:

1. Ending (エンディング), de l’album Dear Youths (若者たちへ)
2. more than words, single du futur album 12 hugs (like butterflies)
3. Ningen datta (人間だった), du EP Zawameki (ざわめき)
4. FOOL, single
5. honestly, nouveau morceau du futur album 12 hugs (like butterflies)
6. flower, nouveau morceau du futur album 12 hugs (like butterflies)
7. Inori (祈り), du EP Zawameki (ざわめき)
8. hopi, de l’album our hope
9. Mayoiga (マヨイガ), de l’album our hope
10. Titre non dévoilé, nouveau morceau du futur album 12 hugs (like butterflies)
11. Tengoku (天国), de l’album Dear Youths (若者たちへ)
12. Party ha Sugu soko (パーティーはすぐそこ), de l’album our hope
13. Eien no Blue (永遠のブルー), single
14. OOPARTS, de l’album our hope
15. Hikaru Toki (光るとき), de l’album our hope
16. Yoru wo Koete (夜を越えて), du EP your love
17. ghost, de l’album POWERS
18. (Rappel) Odoranai (踊らない), du EP Tunnel wo Nuketara (トンネルを抜けたら)
19. (Rappel) 1999, de l’album POWERS
20. (Rappel) Aimai de ii yo (あいまいでいいよ), de l’album POWERS